Le palmarès 2009 des Big Brother Awards France, qui distinguent les meilleurs « promoteurs de la société de surveillance », ont été dévoilés le 4/04 à Montreuil.
L’affiche des Big Brother Awards France 2009, réalisée par Vincent Perrotet. © DR
< 07'04'09 >
Les Big Brother 2009 sont au gouvernement

Est-ce le signe d’un changement d’époque ? Pour la première fois depuis que les Big Brother Awards existent, qui décernaient samedi leurs Orwell, les Césars de la surveillance pour l’année écoulée, le « prix de la vigilance citoyenne », le Voltaire, est réparti entre 4 ex-aecquo. Autrement dit, les citoyens engagés « de façon exemplaire » pour « informer le public sur les dérives du traitement automatisé et de l’arme technologique » sont quasi aussi nombreux que les autorités stigmatisées... Mireille et Monique, deux bénévoles de Calais qui continuent d’aider les migrants (au risque d’être poursuivies), le collectif Non à l’éducation biométrique de l’Hérault qui s’est opposé à l’installation de bornes biométriques à l’école, les directeurs d’école qui refusent le fichier Base-élèves et le collectif Non à Edvige, cet autre projet liberticide stoppé entre autres par la mobilisation citoyenne, ont chacun leur Voltaire.

Côté entreprises, collectivités et autorités diverses s’étant au contraire distinguées par leur promotion de la surveillance et du fichage des individus, c’est l’Etat sarkozyste qui en prend pour son grade cette année. Google en 2008, une brochette de ministres en 2009… Les BBA sont aussi l’occasion de repérer les tendances de la surveillance. Après une vague liée au redécollage du Net avec le fameux Web 2.0 qui avait vu les entreprises géantes du secteur sur la sellette, l’année 2008 a vu se retourner la tendance économique, accompagnée d’un volontarisme politique très « fiché » à droite. Et c’est logiquement que sont donc primés en 2009 des politiques. En tête de liste, MAM, la ministre de la Défense, Orwell « pour l’ensemble de son œuvre » : elle a non seulement beaucoup fait pour la mise en place de fichiers informatisés pour la police (Ardoise, Edvige, Cristina, Gesterex), mais s’est aussi distinguée pour « sa promotion de la vidéosurveillance, ses invitations à la délation et son talent à fabriquer un “ennemi intérieur” ». Autre ministre épinglé, celui du Budget, Eric Woerth, Orwell « Etat, Elus », qui, en guise de politique anti-fraude aux allocs, veut mettre en place le Répertoire commun de la protection sociale (RNCPS), un fichier qui va à l’encontre du principe de l’interdiction de l’interconnexion des bases de données.

Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP qui connaît si bien le Web 2.0, a obtenu une mention spéciale « bâton merdeux » « pour son incompétence et son insistance à vouloir contrôler Internet par le biais du CSA, ses arguments iniques pour soutenir la loi Hadopi, pour vouloir traquer la délinquance dans les maternités, et bien d’autres choses... ». Mais la gauche n’a pas été oubliée avec le tandem de la mairie de Paris, Bertrand Delanoë et son ancien adjoint à la sécurité Christophe Caresche, qui ont cédé « aux sirènes de la vidéosurveillance ». Le jury, composé de professionnels du droit, de chercheurs, de militants associatifs (cette année Jérémie Zimmerman de la Quadrature du Net) et de figures (Jacques Testard, biologiste), a jugé que la mairie de Paris faisait dans la « surenchère avec le gouvernement pour s’acheter une moralité sécuritaire » sans se préoccuper de « l’inefficacité » du dispositif ni de ses éventuelles « atteintes aux libertés ».

Comme tout prix parodique qui se respecte (le prix Iznogoud, les Gérard du cinéma ou encore l’Académie de la Carpette anglaise…), les BBA mettent le doigt là où ça fait mal, à droite comme à gauche, pour dénoncer avec humour une situation intolérable. Organisés depuis 2000 dans une quinzaine de pays par l’ONG Privacy International (mais chaque édition décerne ses propres prix), le prix Big Brother fait la lumière sur des pratiques plus que limites, à l’image du projet européen Humabio de biométrie multimodale « qui utilise des techniques d’identification basées sur le comportement, comme la démarche », ou encore le produit phare de la société Lapid Consulting, « des détecteurs de mensonge pour entretiens d’embauche ». On vit une époque formidable...

annick rivoire 

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