On aime do.doc, logiciel de captation, d’édition et de mise en forme de médias pour des projets collectifs. Réalisé par l’Atelier des chercheurs, il est en libre téléchargement sur leur site. https://latelier-des-chercheurs.fr/
Les modules de la station do.doc, un programme conçu par les designers de l’Atelier des chercheurs, Sarah Garcin, Louis Éveillard et Pauline Gourlet. © DR
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L’art d’éditer l’esprit libre avec do.doc

Comme son nom l’indique, do.doc est un logiciel qui documente une expérience collective, que ce soit un atelier, un temps de création, une résidence, etc. Très simple d’utilisation, il permet de capter via différents moyens (vidéo, son, photo, animation), d’éditer du texte, de réunir les médias collectés, de les retoucher, de les éditer et finalement de créer un PDF ou une page web. Une façon ouverte et simple de produire des récits multimédias partageables.

Collaboratif, il permet de travailler depuis différents postes en même temps via le wifi local, toutes les contributions étant ajoutées automatiquement une fois enregistrées. Gratuit, tout le monde peut le télécharger et s’en servir à sa guise.

Démonstration du fonctionnement de do.doc en images :

Aux manettes de ce projet généreux, les trois jeunes designers de l’Atelier des chercheurs, Sarah Garcin, Louis Éveillard et Pauline Gourlet, qui se sont rencontrés en 2013 au laboratoire de recherche « Sociable media » des Arts déco à Paris (ENSAD). A l’époque, certains d’entre eux animent des ateliers péri-scolaires. Si les enfants auto-documentaient leurs expériences, pensent-ils, ils assimileraient mieux les savoirs et seraient de fait dans la position du chercheur.

« Les enfants vont chercher des réponses eux-mêmes, essaient de comprendre des phénomènes, explique Louis Éveillard, avec cette question universelle en science : comment met-on en place des protocoles, comment garde-t-on trace de ce qui a été expérimenté pour arriver à une compréhension du monde. »


Viviane met son article en page pour « Feuille de choux », le journal réalisé dans l’atelier de Désert Numérique. © Photo l’Atelier des chercheurs

Ils décident de conjuguer leurs savoir-faire pour élaborer un logiciel basé sur les besoins et spécificités des enfants. Do.doc naît en 2014. Depuis, les versions se multiplient (on en est à la 8.2.5), chaque atelier posant de nouveaux questionnements qui eux-mêmes appellent des améliorations, voire la création de nouvelles fonctions.

La télé, c’est moi qui l’ai faite

En 2019, j’ai pu voir l’équipe à l’œuvre lors de l’atelier de Désert Numérique « La petite lucarne », pour concevoir une mini-chaîne de télé en ligne. Trois classes uniques de la Drôme devaient créer en une semaine les vidéos d’une émission qu’ils animaient en direct à la fin devant leurs parents.

À ce moment-là, do.doc ne comportait pas de fonctionnalités d’édition son et vidéo, mais uniquement de la captation. Au fur et à mesure des trois ateliers, Sarah Garcin et Louis Éveillard développent « la marmite », assemblage de fonctionnalités simples qui permettent de coller plusieurs médias ensemble : son et vidéo, plusieurs vidéos ensemble, une animation et une vidéo, etc. De telle sorte que les enfants peuvent très facilement maîtriser les bases du montage et éditer eux-mêmes leurs reportages.


Les enfants s’adaptent à l’interface colorée et intuitive avec beaucoup de facilité. © Photo l’Atelier des chercheurs

Pour les prises de vue, il existe aussi une station réalisée dans un fablab, dont le boîtier à gros bouton qui remplace la souris fait le bonheur des plus jeunes. Ils arrivent leur dessin à la main, le placent sous la caméra, vérifient le cadrage, et l’importent dans le logiciel en toute autonomie.

Quand les enfants ont du mal à comprendre une fonction, Sarah Garcin et Louis Éveillard se demandent toujours ce qu’il faut modifier pour que ce soit plus accessible et le font dans la foulée. De fait, les enfants comprennent qu’un logiciel n’est pas forcément une boîte fermée, qu’il est construit par des humains et peut être modifié. Ça ne dépend que de son créateur. Indispensable pour ces générations qui naissent entourées d’un nombre incalculable d’objets connectés toujours plus opaques.

Du code transparent

Cette pratique transparente du code est la base de do.doc puisqu’il est construit à partir de briques découvertes dans le monde merveilleux de l’open source et que son code retourne à la communauté via Github sous licence libre GNU AGPL. Laquelle permet sa modification, mais avec obligation d’attribution et de gratuité. Tout produit dérivé de do.doc doit être placé sous cette même licence, une bonne façon de rester altruiste tout en se protégeant d’éventuels pilleurs.

Cette mise à disposition s’accompagne d’un forum en ligne dans lequel on peut poser des questions sur l’utilisation, faire remonter d’éventuels bugs, partager les dernières expériences faites avec do.doc, faire des suggestions de fonctionnalités…

Do.doc fédère une communauté très active. La preuve ? Le programme existe dorénavant en allemand, en néerlandais et en occitan grâce à des enseignants qui le font traduire par leurs élèves en remplissant un simple fichier texte. Aux dernières nouvelles, un chercheur du MIT travaille même sur les versions portugaises et brésilienne : do.doc à l’international !


« CHéPA », journal sur le sexisme réalisé par des élèves de 3ème parisiens. © Photo l’Atelier des chercheurs

Pas que pour les enfants

Il est tellement simple que d’autres que les enfants s’en servent. L’année dernière, François Massin Castan, architecte, et François Déalle-Facquez, urbaniste, ont documenté leur résidence à Gournay en réalisant un journal de bord dont les pages étaient relayées directement sur leur site. Cédric Cherdel, chorégraphe, et Joël Kérouanton, écrivain, l’utilisent en ce moment même au TU de Nantes, une scène pour les nouvelles générations, pour la création de « Mascarade », un projet participatif qui mêle danse et mots (à voir les 16 et 17 janvier 2020).

Le Studio-Théâtre de Vitry-sur-Seine a lui aussi fait appel à l’Atelier des chercheurs pour répondre aux problématiques de documentation d’une résidence de théâtre. Depuis trois ans, l’Atelier des chercheurs y réalise des workshops, rencontre des compagnies, réalise des prototypages. C’est ainsi que sont nés « Les Cahiers du studio », déclinaison de do.doc adaptée à ces besoins spécifiques, « un outil simple et efficace pour archiver les répétitions, noter des idées, des pistes et des paroles, et créer visuellement un flux qui retrace les temps de créations ». Et pour simplifier la vie des compagnies qui voudraient utiliser do.doc, une station de documentation complète, mobilier incorporé, a été réalisée.


Le meuble conçu avec et pour le Studio-Théâtre de Vitry pour intégrer do.doc. © Photo l’Atelier des chercheurs

« S’amuser à créer du commun »

D’autres outils libres sont en cours d’élaboration, notamment pour une mission de maintien de la paix de l’ONU. À venir également, une table de documentation qui permet d’animer des ateliers publics pour un laboratoire de recherche à Lyon. Et aussi beaucoup d’interventions en primaire, collège et lycée, à l’École de design de Nantes en janvier, à l’École de Création Industrielle début février. Un retour dans la Drôme en mars avec Désert numérique est prévu, cette fois-ci avec une classe ULIS du collège de Crest.

« On s’amuse beaucoup à travailler sur des questions différentes avec des gens différents, explique Sarah Garcin. Il y a plein de choses à tester et à expérimenter qui répondent aux même enjeux, aux même besoins. » Louis Éveillard complète : « Nous n’avons pas d’objectif financier avec do.doc. Nous sommes bénévoles en parallèle de nos activités professionnelles. Mais c’est important pour nous parce que c’est l’une des activités qui a le plus de sens : créer du commun. »

Sarah Taurinya 

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