5 ans, 50 portraits.
Aujourd’hui : Jean-Philippe Renoult et DinahBird,, artistes sonores nés en 1964 et 1976, vivent et travaillent en France.
Auteur : Agnès de Cayeux, artiste versée dans les métavers, qui a fait se rencontrer Jean-Philippe et Poptronics (et on lui dit merci !!).
Autoportraits de Jean-Philippe Renoult (à gauche) et de DinahBird (à droite), réalisés pour Poptronics. © DR
< 21'02'13 >
A Bit of Bird, portrait de DinahBird et Jean-Philippe Renoult

(pop’50) « Si ce n’est que pour l’amour, la musique est nourriture, joue encore de cette musique et donne-m’en à l’excès », écrivait maître Shakespeare. Maître Google, lui, ne sait rien de cette musique ou de l’amour.

Nous sommes en 1999, DinahB. rencontre Jean-Philippe R., un ami de Basil. C’est une histoire d’amour. Une sorte d’amour radiophonique outre-Manche. Une histoire sonore aussi. L’une et l’autre se laissent séduire par les théories sur le paysage des ondes infinies et le plaisir de cette pure romance : « Avec votre personnalité, il n’y a rien que vous ne puissiez faire. »

Nous sommes le jeudi 25 janvier 1999 et dans les couloirs de la Maison ronde, DinahB. (Londonienne made in RFI) dépose un MiniDisc sur le bureau de Jean-Philippe R. (Breton made in FQ) (France Culture pour les non-initiés, ndlr). Et sur l’étiquette du minidisc de la pigiste Dinah de RFI pour le producteur et animateur Jean-Philippe de FQ est écrit : « A Bit of Bird, 40 minutes selon dinahbird@hotmail.com ». Jean-Philippe, lui, est encore sur Caramail, né trop tard ou trop tôt… Ils s’écoutent et s’entrecroisent sur « FG », THE radio gay, se tapent l’apogée du clubbing, de « Nova », Copa et de la house enfin entendue. Ou bien se croisent ailleurs chez une amie de Basil, Isabelle A. et son Gizmoland, www on the beach. C’est l’histoire d’un premier MD, un support isolé et recouvert de plastique, déposé là.

La solitude, la grande solitude. Dinah est étudiante, si jeune, une pneumonie des mois durant, un campus de farmers, des sons externes, une radio locale, si locale. Des heures et des semaines allongée à se shooter aux ondes radiophoniques et altérations sonores. Jean-Philippe est lycéen, viré du public si jeune, amateur de punk, de jazz, d’opéra et de flippers des bars d’en bas de chez lui et de cette radio libre et marine du bled de Lorient, années libres, cette histoire radiophonique –pirate ou libertaire. Seuls et libres, Dinah et Jean-Philippe s’égosillent pendant des années sur des fréquences institutionnelles, border-ondes, FM ou suspectes d’une côte à l’autre.

Google ne sait rien de cette émission culte « Net Plus Ultra » diffusée sur France Culture (FQ pour ces intimes) pendant quelques années et produite par Jean-Philippe Renoult (JP pour ses intimes) en ce passage millénaire et d’ailleurs Google ne sait rien de plus sur les recherches sonores et occultes de DinahBird –plaquées, gravées ici et ailleurs. Maître Google se fout pas mal de l’histoire sonore, de ces sillons, des 78 tours, de ces récits d’amours entre-phasés. Car Maître Google tague les caractères alphabétiques et essentiellement non spécifiques et se branle pas mal du reste du monde –Azerty et Qwerty on the beach.

Disons que l’amour est aveugle et que le jour de cette première Fête de l’Internet en France présidée par madame la Ministre Catherine Trautmann (c’était au millénaire dernier), Dinah et Jean-Philippe ont fait fort, très fort, à la Villette. Amoureux des signaux en tout genre, pour leur première rencontre sentimentalo-docu-sono-alternative, nos deux amours ont inventé la possibilité d’un montage… resté muet.

C’est emmerdant, cette solitude sonore. Cet abandon de maître Google sur l’amour, la nourriture et notre dialectique shakespearienne. Parce que Jean-Philippe nous a habitués aux instants cultes, des secrets enregistrés des Residents aux maux copiés de Pierre Lévy. Parce que Dinah nous a lovés des îles technos collées aux DJ-trottoirs moquettés.

Bonnie and Clyde, Stone et Charden, Marguerite et Yann, Simone et Jean-Paul... l’amour n’est qu’illusion. Certes. Mais Dinah et Jean-Philippe ou inversement, c’est un peu l’histoire mixée de l’art-radio, de la radio-art, de la web-art-radio, de la radio-web-art. Tous ces médiums demeurent indissociables et réversibles, lorsque le plastoc du vinyl fond sous la cafetière italienne de la cuisine technoïde de ce home sweet home de leur rue Labat. Et bien entendu, lacaniens parmi les tendres, on entend « là-bas » pour la rue, c’est-à-dire ailleurs, éloignés dans les méandres de la poésie ultime et nécessaire.

Ce qui est bath dans cette romance, ce n’est pas la simple rencontre de deux solitaires fragiles et effrénés de culture pop-techno-radiophono-punk-house-geek-vintage, ce ne sont pas les références partagées et offertes sous le couvert du best-seller et bouquin « Global Techno » (co-signé par Jean-Philippe), de l’émission historique « Net Plus Ultra », des ateliers futuristes muséals, du lieu underground Project 101 au Batofar, et blablabla... ce qui est bath dans cette histoire sans fin, c’est le risque à tout prendre, ce fait de DinahB. et Jean-Philippe R. capables de tout larguer : le salaire, l’institution, le pouvoir, le confort, le bar d’en bas et le reste, le fait réel de se retrouver des semaines entières cet hiver 2012 sur une petite île canadienne avec un gramophone et 15 disques vinyls 78 tours, adjoints d’un carnet intime, pour poser la question de la culture, de la filiation, de l’amour sonore et tragique.

Eux deux écrivent une histoire spectaculaire (peut-être sans le vouloir), et Google s’en tape, impuissant parmi les impuissants, incapable de discerner un fichier mono d’un fichier stéréo... MDR. Wesh, Google est un bolosse parmi les bolosses et Ophélie se noie d’ennui.

Nous sommes en hiver 2012 à Salt Spring Island, petite île canadienne au large de Vancouver. Nos deux amours arpentent les sons inédits, les fréquences inaudibles, les cris infinis. Ils captent à l’envi. C’est une ballade, une cartographie sonore et sensible. Un repos outre-Atlantique. Alors là, c’est-à-dire ici, Maître Google en perd les pédales, des alpages du Jura suisse à la base sous-marine de Lorient, du gazomètre d’Oberhausen aux écluses du Danube, de Dakar à Bergen, en passant par Montréal, Dublin, Londres, Zurich, Helsinki, San Caudino Valle Caudina, Athènes, Haugesund, Dublin, Inverness, de bumper en bumper, du Net au frais des jardins, d’un dyptique Bettencourt, des « Tag Audio Loops » à Sono Tech, grand mix de sons vivants, d’électronique samplée et d’archives sonores et radiophoniques... nos deux amours, délices et orgues naviguent sur la Toile.

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Aller plus loin

Le site du duo : http://www.radio1001.org
Le site de Jean-Philippe Renoult : http://www.jeanphilipperenoult.com/
La page de Dinah : http://www.radio1001.org/Members/dinah
Popsonics, webradio éphémère et aléatoire fondée par Jean-Philippe Renoult : http://www.poptronics.fr/-pop-sonics

Quelques projets sonores :
« Tag Audio Loop », du graffiti audio en boucle, Jean-Philippe Renoult (2012-en cours) : http://tagaudioloops.tumblr.com
« The Art of Asking Your Boss for a Raise », pièce radiophonique pour la BBC Radio Three, Rocket House Productions, par DinahBird et Jean-Philippe Renoult, 2012.
« The Gasometer Experience, série radiophonique produite par des radio-artistes pour la Kunstradio (2010).

agnès de cayeux 

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