Interview d’Eric Daviron et Olivier Forest, programmateurs du festival Filmer la musique, en avant-première sur la troisième édition, du 9 au 14 juin à Paris.
L’appel à projet de Filmer la musique est ouvert jusqu’au 15 mars : déjà près de 300 contributions reçues... © DR
< 05'03'09 >
Filmer la musique en appelle aux « serial filmeurs »

Filmer la musique, festival dont Poptronics est friand (et partenaire), tiendra sa troisième édition du 9 au 14 juin à Paris. La manifestation, qui sort des placards des films oubliés ou méconnus en Super 8, 16 ou 35mm et des perles envoyées via le Net par des passionnés de musique, a déjà reçu quelque 300 contributions à son appel à projets. Il vous reste dix jours (jusqu’au 15/03) pour envoyer vos docus, archives, captations live ou rushes bruts (formulaire en ligne ici), pour nourrir le Mirror Ball Cinéma et la Noise Box, les deux espaces de projection au Point Ephémère. Eric Daviron et Olivier Forest (aidé de Marilyn Lours), les programmateurs de cet objet culturel intrigant et décloisonné, lèvent le voile en avant-première.

C’est quoi l’identité de filmer la musique ?
L’idée, c’est de sortir du 52 minutes télé ou du 1h20 où des gars devant leur console en chemise hawaïenne parlent vingt ans après avec trois bribes de chansons (parce qu’ils n’ont pas les droits de diffusion). Toutes les durées sont possibles, 27 minutes, 14 minutes, en fait le temps nécessaire. On cherche des films qui se sont faits sur le moment, quitte à ce que ce soit plus brut, moins peaufiné. L’étiquette musicale est plutôt électro, rock, noise, et jazz. Le jazz parce que c’est très visuel. On n’a pas de périmètre balisé ou équilibré.

Nous montrons dans de bonnes conditions de projection des images qui n’ont pas été vues, soit parce qu’elles n’ont pas été distribuées en France, soit parce qu’elles n’ont pas été rééditées, soit parce qu’elles n’existent que sur le Net. Ce sont des films hors broadcast, comme par exemple lors de la première édition ce documentaire de Dallas (comme la série, parce qu’il est né un samedi), du pur jazz manouche tourné dans les camps du nord de Paris avec un comportement rock’n’roll, ou encore Henri-Jean Lebon qui nous avait envoyé des rushes en Super 8 sur Jeffrey Lee Pierce et a ensuite fait son chemin au festival de Belfort puis de Chicago - ce dont nous sommes plutôt fiers.

A quoi sert l’appel à projets ?
A recueillir ces images qui dorment, tournées par ceux qu’on appelle les “serial filmeurs”, qui suivent et aiment un groupe. On trouve ainsi des choses hors-circuit cinéma, hors-circuit art contemporain, on montre ces initiatives qui prennent en compte d’autres moyens de diffusion, le Web, Youtube, où plein de gens filment la musique (le plus connu étant Vincent Moon des Concerts à emporter). On présentera aussi bien les captations des concerts organisés par Grnnnd Zero à Lyon qu’un doc sur Giant Sand filmé avec une des premières caméras Hi-8.

Boredoms - « 88 Boadrums », filmé par unARTigNYC, dont les images ont été montrées lors de FLM#1 et FLM#2 :


Quelles sont les nouveautés 2009 ?
On est en discussion avec le 104 (le nouveau lieu de création et diffusion artistique parisien, ndlr) pour augmenter la circulation du festival en profitant de leur salle de cinéma modulable de 200 places, de leur cabine de projection qui peut accueillir du 16 mm et d’autres formats et nous permettrait d’organiser des séances en présence des réalisateurs. Les étudiants des Arts déco de Paris ont développé pour notre Mirror Ball un logiciel qui gère en direct les sept écrans et où on peut intégrer du streaming. Une façon de créer des séquences, de faire du pur free-style ou de retransmettre en direct le concert au Point Ephémère filmé par un réalisateur ou un plasticien.

La programmation musicale n’est pas encore arrêtée mais en premières parties, on fera un minifestival consacré à la scène parisienne (Cheveu, Viva And The Diva…). Notre budget est malheureusement limité (30.000€ l’an passé), un mix de subventions de bric et de broc.

Kap Bambino - « Save », un jeune groupe bordelais qu’on retrouvera au Point Ephémère :


Et côté programmation ?
Elle est en cours, avec pour thématique « Go East ». L’idée, c’est d’ouvrir les coffres et les malles pour trouver ce qu’il y a dedans. A l’est, beaucoup de K7 et de photos ont circulé sous le manteau pendant l’ère communiste, mais pour les films, on ne sait pas. On fonctionne beaucoup au bouche à oreille, via des collectifs, des organisateurs de festivals comme Rokolectiv en Roumanie, des personnes relais. On a en tête par exemple un film incroyable sur des jeunes de Pékin qui font de la noise en ce moment. On devrait aussi montrer le premier concert punk organisé très récemment à Saïgon par un cover-band des Ramones. Le film passera clandestinement à la douane : au Vietnam, la censure fonctionne, qui examine toutes les paroles des groupes avant la sortie du disque.

La séance avec l’éditeur Allia, qui a dédié une collection à la musique, est pérennisée cette année. On présentera aussi un film formidable sur Charlie Mingus à Greenwich Village, une nuit de 1967 où il attend la police dans son loft. Les voisins ont pétitionné pour l’expulser… Un étudiant en cinéma filme avec sa caméra 16mm noir et blanc Charlie qui divague, le loft capharnaüm... Lui a déjà la soixantaine, on le voit traité comme un chien par la police qui saisit sa contrebasse et emporte tout au garde-meuble. Mingus a cette phrase au petit matin : « This is a so-called life jazz musician. »

On voudrait faire aussi une séance de minuit autour des Cramps, en hommage à Lux Interior avec leur concert dans un hôpital psychiatrique, filmé assez déglingue en noir et blanc.

« Cut 24 » de Jérôme Fino, programmé au Mirror Ball :


Combien de films seront présentés au total ?
Il y aura 20 à 25 longs métrages et de multiples vidéos sans compter les films reçus via l’appel à projets : l’an passé 700, cette année déjà 300. Certains reviennent, comme Marie Losier, toujours avec Genesis P-Orridge. 85% de la programmation en salle vient de nous, le reste est ouvert. Cette année, ça arrive de partout, Etats-Unis et Grande-Bretagne évidemment, mais aussi Autriche, Amérique du Sud (pas assez à notre goût).

Comment envisagez-vous la concurrence qui pointe ?
FLM s’intéresse assez peu à la musique marchande : on a très peu de clips, quelques propositions de VJ qui arrivent mais nos modèles sont plutôt à chercher du côté du Kraak festival à Gand en Belgique (pour les archives) ou du Luff festival à Lausanne (pour le côté expérimental et underground). L’idée nous est venue après avoir vu une exposition de Sonic Youth à New York avec une belle programmation, un bon esprit décloisonné, même entre générations. Notre projet est dans l’air du temps, c’est vrai, si certains s’inspirent largement de nous, ça fait partie du jeu.

Recueilli par matthieu recarte et annick rivoire 

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