La liberté de publier mise à mal sur Internet. Les sites communautaires sont devenus la cible préféré de peoples, qui viennent d’obtenir les condamnations de LesPipoles, Dicodunet et Fuzz. Les dessous d’une insécurité juridique.
Blogs, sites, flux... le réseau cartographié par The Opte projet. © DR
< 09'04'08 >
Le Web 2.0 tremble sous l’assaut people

Les peoples sèment la terreur sur l’Internet français. En ligne de mire, les digg-like, ces sites qui laissent les internautes proposer leurs liens web et classer les informations grâce à un système de vote. Depuis janvier, les condamnations pour atteinte à la vie privée se répètent. Et sur le Net, on s’inquiète pour l’avenir du Web 2.0.

Ces condamnations posent la question de la responsabilité des hébergeurs de contenus et de la liberté des liens sur Internet. Le rubricage, lui, est en passe de devenir le critère principal de différenciation entre prestataire technique et éditeur. Dernier exemple en date, Dicodunet vient d’être condamné pour atteinte à la vie privée d’Olivier Dahan. Le site avait repris un lien relatant les relations du réalisateur avec une actrice. Le juge a estimé qu’en le classant sous la rubrique « actualités/personnalités », il était éditeur. LesPipoles a aussi été condamné pour ce même lien hypertexte. Mais on nage dans la confusion la plus totale puisque, le 7 mars, le réalisateur, qui avait assigné pour les mêmes raisons Wikio et son éditeur, Planète Soft, a été débouté…

Même punition pour Eric Dupin, responsable de Fuzz. Lors de sa récente assignation en justice pour atteinte à la vie privée - celle d’Olivier Martinez cette fois-, il pensait faire jouer sa qualité de « pur prestataire technique », encadrée par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Mais le juge des référés a considéré qu’en classant le lien de celebrites-stars.blogspot.com dans la rubrique « people », « Fuzz avait opéré un choix éditorial ». Depuis, la blogosphère a fait de Martinez son souffre-douleur : plus de 170 sites titrent leurs billets « Je n’aime pas Olivier Martinez » (une vidéo sur Dailymotion en propose même une compilation), tandis que les parodies affluent. Il n’aura pas fallu attendre longtemps non plus pour que se crée sur Facebook un groupe de soutien au blogueur. Fuzz n’est pas le seul à avoir attiré les foudres de l’acteur, qui a poursuivi une trentaine d’autres sites. Parmi eux, l’agrégateur de contenus Surf the info s’est vu contraint de fermer.

Du côté des médias professionnels aussi, on juge l’affaire Fuzz « problématique ». « Cette décision marque un coup d’arrêt à pas mal de sites et va à l’encontre de la liberté de publier, s’inquiète Olivier Costemalle, rédacteur en chef de Libération.fr. Il est inquiétant qu’un tribunal français condamne un “organe de presse”. » « Les liens doivent absolument rester libres sur Internet, affirme de son côté Patrick Fiole, de Nouvelobs.com. C’est comme si nous avions fait un procès à tous les gens qui nous ont cités dans l’affaire du SMS. C’est scandaleux. Les responsables de site doivent avoir un comportement responsable. » Le journaliste ne cache pas son inquiétude : si l’affaire fait jurisprudence, ce serait « très dangereux pour l’avenir de la presse ». Une appréhension partagée par de nombreux professionnels du Web 2.0, éditeurs et hébergeurs confondus.

Dans une interview accordée à ZDNet, l’avocat Olivier Iteanu, spécialisé dans les technologies de l’information, pointe du doigt les problèmes à venir : « Il est évident qu’il va y avoir des tentations, en particulier de la part des gens du show business, pour contrôler les écrits qui sont publiés sur eux. » La solution serait alors de s’accrocher au statut d’hébergeur et de définir des règles précises pour la publication en ligne. Un sentiment partagé par Johan Hufnagel, rédacteur en chef de 20minutes.fr. « La frontière entre éditeur et hébergeur est confuse. La loi mériterait d’être plus claire. Nous sommes éditeurs mais aussi hébergeurs de blogs, et nous faisons remonter du contenu en ligne. Il y a une insécurité juridique ». Reste maintenant à la justice à comprendre le monde collaboratif.

valérie nescop 

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< 1 > commentaire
écrit le < 09'04'08 > par < jhufnagel 6AX 20minutes.fr >
Je ne comprends pas la position d’Olivier Costemalle, ancien chef du service médias de Libé. Les tribunaux condamnent régulièrement les journaux, y compris Libé. Il y a une loi sur la presse qui fonctionne pas mal. Parlez-en à Voici. Et par ailleurs, le lien est libre, c’est vrai. Il n’empêche que de renvoyer sur un site antisémite par exemple pose problème. Il n’y a guère de différence entre ce lien et un recel de propos antisémite. PS Mon nom c’est Hufnagel ;-).