Gamerz 05, festival du 26/11 au 04/12 dans cinq lieux d’Aix-en-Provence : la Fondation Vasarely, Seconde Nature, l’Ecole Supérieure d’Art, la Galerie VM et A.R.C.A.D.E, l’Agence régionale des Arts du spectacle (exposition jusqu’au 31/03/2010 dans ce dernier lieu). Entrée libre.
« BitPong », de Douglas Edric Stanley, nécessite d’être un pur geek : on se renvoie la balle en activant des interrupteurs pour coder la position de la raquette avec les valeurs binaires. © Mathias Cena
< 02'12'09 >
Avec Gamerz, le jeu vidéo joue la carte de l’art

(Aix-en-Provence, envoyé spécial)

« Alors même que nous venons d’écoles d’art, l’art contemporain nous paraît un peu élitiste actuellement », balance Quentin Destieu, membre du collectif Dardex Mort2Faim, qui organise la manifestation Gamerz à Aix-en-Provence. A quelques heures du vernissage vendredi dernier, lui et les deux autres larrons du collectif semblaient se démultiplier, courant partout en ville pour accueillir artistes et journalistes, mettre la dernière main à l’installation des œuvres et préparer la soirée de performances qui allait suivre, tout en assurant une permanence dans les différents lieux de l’exposition.

Signe d’un certain succès, le festival aixois qui ambitionne de réconcilier le public avec l’art contemporain, en est à sa cinquième édition en trois ans. Cette année, c’est un circuit dans Aix-en-Provence, avec des installations réparties en cinq lieux de la ville que proposent les organisateurs. Une trentaine d’artistes, dont certains étaient déjà là lors des précédentes éditions, présentent des œuvres qui détournent les codes des jeux vidéo en utilisant les dernières technologies.

« Des gens qui ne connaissent absolument rien à l’art contemporain débarquent dans ce festival, explique Quentin Destieu. Par l’enjeu ludique des œuvres présentées, ils renouent des liens avec l’art contemporain, dont nous aimerions faire un art social et populaire. Les pays d’Europe centrale (avec lesquels nous travaillons beaucoup) ont ce rapport à l’art numérique depuis une dizaine d’années alors qu’en France, il n’est pas encore vraiment représenté dans les médias qui traitent d’art contemporain, comme “Art Press” ou “Beaux Arts Magazine”. Travailler avec de l’interactivité permet de changer le rôle du public dans une exposition, de l’intégrer aux œuvres pour qu’il se retrouve, en quelque sorte, dans la position d’un artiste. » Le nom du festival joue évidemment beaucoup pour attirer un large public, qui peut ensuite dépasser ce cadre : « Par le biais du jeu vidéo, nous analysons le rapport à la société du spectacle, qui passe forcément par le multimédia. On a d’ailleurs vu que le jeu vidéo a surpassé en chiffre d’affaires l’industrie du cinéma ; il nous paraît primordial que des artistes puissent injecter du contenu dans ces médias, pour qu’ils ne soient pas utilisés uniquement par des multinationales. »

A quoi on joue alors ? Damien Aspe, qui présentait pour Gamerz 02 un « Tetris » en volume intitulé « From Russia With Fun », expose cette année à la Fondation Vasarely « Le Simon », installation à échelle humaine du jeu de société culte dans lequel il faut répéter sans se tromper une séquence de couleurs. Dans cette pièce produite par le Centre Pompidou, le joueur/spectateur est invité à courir d’une dalle lumineuse à l’autre pour les activer dans le bon ordre. « L’art contemporain travaille davantage sur des concepts ou des idées, explique Damien Aspe, alors que l’art numérique use de la technologie pour apporter quelque chose à l’art. Ça m’amuse de me retrouver à la frontière des deux en utilisant du numérique, mais à des fins conceptuelles, pour proposer une réflexion sur la technologie, un outil que tout le monde utilise mais que personne ne connaît. » Ce que confirme Tania Fraga, une architecte et artiste brésilienne qui crée des « poèmes interactifs » en utilisant la modélisation 3D : « L’art utilise toujours les technologies de son époque. Je crois en une forme de symbiose entre l’ordinateur qui exécute le travail mécanique et l’homme, qui le programme et pense. »

Derrière le jeu, les thématiques sociales et politiques sont évidemment présentes, notamment dans les machinimas exposés à l’Agence régionale des Arts du spectacle (ARCADE). « Virtual Guantanamo », de Bernhard Drax (un Allemand installé en Californie), est un documentaire sur Gone Gitmo, la recréation du camp d’enfermement américain dans le monde virtuel de Second Life. « Sorrow and Hope », de la Belge Carla Broek, incite à une prise de conscience sur la pauvreté. Quant au couple d’artistes franco-tchèque Pascal et Marie Silondi, ils invitent à visiter virtuellement une mine de charbon désaffectée recréée grâce à des mesures de scientifiques. On s’y déplace en tenant un marteau dans chaque main.

Pascal Silondi explique leur démarche :

(3 mn 30)

Au fil des éditions, Gamerz, tout en restant entièrement gratuit, devient plus conséquent (même si après l’annulation des élections municipales aixoises et le nouveau scrutin cet été ont contraint les organisateurs à retarder le festival d’un mois, le temps de refaire les demandes de subventions). Pour rendre le projet encore plus pérenne, les organisateurs ont développé les partenariats notamment en mettant en place des ateliers dans les collèges, « pour qu’ils voient qu’on peut faire autre chose avec le numérique que du téléchargement », dixit Quentin Destieu. Peut-on faire autre chose de l’art contemporain ? Au public de le découvrir…

mathias cena 

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