Exposition DiY, le labo des bricodeurs numériques, jusqu’au 16/12, Imaginarium, Tourcoing, du lundi au vendredi 11h–18h, les samedi et dimanche 14h–18h, entrée libre.

A la soupe DiY ! Banquet des Bricodeurs numériques, rencontre des makers et des acteurs de l’innovation, le 4 décembre 2012, à l’Imaginarium de Tourcoing, 10h30-20h, entrée libre.

"DiY, le labo des bricodeurs numériques", première exposition à couvrir tous les champs de ces nouvelles pratiques créatives, à l’Imaginarium de Tourcoing. Conceptions éditoriale Poptronics, artistique Pierre Giner © Didier Knoff
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A la soupe DiY, Poptronics à l’Imaginarium !

Fablabs, hacklabs et hackerspace, circuit bending, databending, crowdfunding, reverse engineering… Côté vocabulaire, la culture du Do it Yourself (DiY), qu’on peut littéralement traduire par « fais-le toi-même » ou plus génériquement par « système D créatif », est encore largement anglo-saxonne. La culture DiY, elle, est mondiale. Derrière le foisonnement encore jargonneux se profile une manière nouvelle d’envisager le rapport aux technologies, aux images et techniques d’aujourd’hui.

Au jardin comme au bureau, dans la rue comme sur scène, l’esprit bricodeur souffle un air frais, qui mélange habilement écologie (recyclage vertueux) et économie (réappropriation des moyens de production), politique (coopération et partage des savoirs) et art.

A l’Imaginarium de Tourcoing, où Poptronics intervient depuis le début de l’année au côté de l’artiste Pierre Giner, directeur artistique invité, « DiY, le labo des bricodeurs numériques » présente les grandes lignes de cet esprit DiY. A la façon d’un cabinet de curiosités, l’exposition accompagne les méandres de cette scène DiY, en proposant un regard croisé, curieux et augmenté d’interviews et d’ateliers (pour codeurs, gamers, jardiniers de ville ou adeptes de drones DiY) sur ces pratiques « bordélisées » comme le dit Pierre Giner. Et tient même banquet, ce mardi 4 décembre, autour d’une jolie brochette de « makers », d’une soupe DiY et de performances bricodées par les artistes invités dans l’exposition.

Pierre Giner, directeur artistique de l’expo DiY, oct. 2012 :


Du pliage de circuit électronique à l’impression en 3D, les « makers » manient esprit pratique, recyclage et récupération, transformation et détournement. Dans cette révolution DiY, certains mettent en avant l’écologie, d’autres un bouleversement économique et politique, tandis que les communautés les plus diverses trouvent des façons nouvelles de travailler ensemble en réseau, pour un design ouvert, des jeux vidéo fait maison, de la musique fondée sur les détournements et le partage, des jardins urbains, des vêtements communicants...

Les fablabs se multiplient, auréolés du soutien du MIT (c’est le professeur Neil Gershenfeld qui a inventé ce mot-valise, pour dénommer ces laboratoires de fabrication qui pronent l’avènement des RepRap, les imprimantes 3D à prototypage rapide), et plus encore les hackerspace, moins institutionnels, mais tout aussi orientés vers l’appropriation de cette fameuse « machine anticapitaliste ».

La carte interactive de ces lieux nouveaux de bricolage créatif a été conçue par Wedodata pour l’Imaginarium, en mode open source. C’est par cette entrée en matière qu’on pénètre également au cœur de l’exposition « DiY » à Tourcoing. La théorie de points jaunes, bleus et rouges, montre concrètement la prolifération de ces espaces où s’apprennent et se discutent de nouvelles pratiques pour fabriquer, concevoir, détourner les objets.

Matérialiser le DiY est une des principales difficultés de cette culture qui ne se définit pas comme une scène unique ni même comme un mouvement (artistique ou politique). Les architectes et designers très en pointe en matière de hacking de l’espace urbain (bombes à graine et autres opérations vert coup de poing) ne sont pas le premier public des festivals de musique 8bit. Les plieurs de code (néologisme dérivé de circuit bending, le "pliage de circuit") n’ont pas d’accointance directe avec les designers adeptes de Lilypad et des vêtements augmentés. Mais si cette scène n’est pas encore réellement constituée en tant que telle, ses acteurs n’en sont pas moins de plus en plus nombreux, qui essaiment lors d’ateliers, de conférences et de festivals les petites graines d’une culture bricodée.

Organisée en zones thématiques (jardiner, jouer, bricoder, dessiner, fabriquer), l’exposition « DiY » propose un aperçu de cette créativité à tout crin. Pièces d’artiste et prototypes cotoient des kits pour MendelRap ou l’essentiel Arduino, ce circuit électronique à l’origine de bien des détournements bricodés. Shu Lea Cheang, hacktiviste taïwanaise, est l’une des artistes invitées à l’Imaginarium. Elle explique sa façon d’envisager le monde d’un point de vue DiY.

Hacker notre environnement, selon Shu Lea Cheang, oct. 2012 :


La mouvance DiY a deux racines historiques : le punk et la cyberculture. Le punk, même si musicalement les adeptes du DiY émargent davantage dans les sphères électroniques, pour le côté frondeur qui refuse toute règle et détruit les fondamentaux de la société de consommation. La cyberculture pré-Internet que défendaient les libertariens du « Whole Earth Catalogue » (1968-1972) conçu par le « gourou » Stewart Brand dans les années 70, joyeux mélange de cybernétique pure et dure (puisant à la source des travaux de Norbert Wiener) et de notices de bricolage écolo-techno. Depuis leur garage ou dans leur home studio, dans les fablabs et les hackerspace, les bricoleurs 2.0 s’en inspirent pour faire tout seuls et collectivement ce qu’une chaîne entière de production prenait en charge. Bousculant l’industrie (de la musique, du jeu, du design, de l’environnement...), leurs réalisations mixent technique, pure électronique (soudage de circuits) et logiciels libres.

Arnaud Rivière est un de ces rejetons du punk, dont il distille l’esprit au cours de performances musicales bruitistes électroniques. A l’Imaginarium est présentée sa « Turbothèque », une valise de compression musicale qui se propose d’aider l’amateur de musique à l’ère de la dématérialisation et de la démultiplication de l’écoute, en lui permettant d’entendre la musique en mode horizontal. Concrètement, à l’oreille, difficile de distinguer les morceaux (Debussy, Autechre, Public Enemy et Lara Fabian superposés, entre autres…), l’objectif, ludique et irrévérencieux, est plutôt de faire réfléchir aux limites de l’illimité digital.

La punk attitude des DiYeurs, selon Arnaud Rivière, oct. 2012 :


Les rejetons DiY du punk ont ainsi créé le circuit bending (le détournement des vieux jouets électroniques type Dictée magique et Gameboy), la musique 8 bit et, plus récemment, la mouvance du glitch vidéo. Si la forme des réalisations est tout ce qu’il y a de plus diverse, la méthode est identique : récupérer des objets désuets (les vieilles consoles pour leur capacité audio limitée), les détourner de leur fonction première (les jouets transformés en instruments, les défauts de compression de l’image pour des effets visuels trash côté glitch), imaginer de nouveaux usages hors du circuit traditionnel de production (les plate-formes partagées de design 3D, les jeux indé surfant sur la vague du retrogaming).

Manuel Braun et Antonin Fourneau, artistes adeptes de retrogaming indé, oct. 2012 :


L’apparent fouillis créatif présenté à l’Imaginarium est voulu. Parce qu’il colle aux pratiques les plus actuelles des bricodeurs créatifs, mais aussi parce qu’il est encore impossible de tirer une seule et unique ligne artistique ou éditoriale de cette culture foisonnante. Comment l’art s’en trouve-t-il modifié ? De quelle manière l’aménagement urbain est-il bousculé par l’intervention de collectifs d’urbacultivateurs ? L’industrie du jeu vidéo a-t-elle pris la mesure de ce creuset d’innovation qu’est le jeu indé ? L’esprit collaboratif pourrait-il pénétrer les façons de faire de l’économie la plus classique ? Ces questions sont ouvertes, et la journée « Banquet DiY » organisée ce mardi à l’Imaginarium ne suffira sans doute pas à en faire le tour !

annick rivoire 

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