MIMI 2013, retour en images et vidéos, dont une interview de Jeff Mills, sur la 28e édition du festival qui s’est tenu du 4 au 7 juillet sur les îles du Frioul, au large de Marseille, capitale européenne de la culture.
Père Ubu sur la scène plein vent des îles du Frioul, pour une édition 2013 du MIMI éclectique. © Orevo
< 17'07'13 >
Pour Marseille 2013, le MIMI se fait capital

(Marseille, envoyée spéciale)

Confronter le public électro d’un Jeff Mills au lyrisme du contre-ténor congolais Serge Kakudji, la pataphysique de Père Ubu au conformisme médiatique, l’esprit des “Shadoks” à la mise en scène, le spectacle vivant et le cinéma, la musique de cirque et la pop survoltée, le “Cantique des cantiques” au slam d’Iraka... Tels sont les dérapages contrôlés qui signent l’identité du festival MIMI (dont poptronics est fan et partenaire) : une diversité de propositions engagées dans la poésie et la littérature, croisées avec la danse, dont Ferdinand Richard, ex-égérie du punk rock, creuse le sillon depuis 28 ans, en marge des grands rassemblements estivaux à la thématique assurée et aux publics bien identifiés.



Le site du MIMI, sur les îles du Frioul. © Mathieu Mangaretto

Installée à quelques miles de la cité phocéenne, sur les îles du Frioul, que l’écosystème du site vient de labelliser Parc national, cette mini TAZ de quatre jours (pour les 50 bénévoles et techniciens qui l’animent), a su, malgré les spots de Marseille-Provence 2013, garder le même esprit libre et convivial pour un public local autant qu’international...

Joli coup d’envoi avec “Good bye Schlöndorff”, une coproduction entre l’AMI et le tout nouveau Mucem (musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) : un spectacle multimédia, intimiste et juste où le jeune compositeur et musicien libanais Rayess Bek, met en scène la réalité quotidienne des conflits armés du Beyrouth des années 80, alors que le cinéaste allemand Volker Schlöndorff y ménage une trêve pour le tournage du “Faussaire”, mettant en abîme la guerre elle-même qui se joue là “pour de vrai”, et dont les protagonistes sont aussi les figurants du film ! A partir de K7 audio échangées dans les familles et d’extraits du “Faussaire” cinémixés, la flûte traversière de Naïssam Jalam, la poésie sonore et les voix déformées par les capteurs corporels de Rayess Bek rappellent, au-delà du tragique, l’humanité qui nous lie face à l’absurdité de la situation.



“Shadoks for ever” © Mathieu Mangaretto

L’absurde, la folie qui nous guettent, la frustration et l’idiotie exultent un peu plus tard sur l’île, dans l’enceinte de l’hôpital Caroline, avec “Shadoks for ever”, une pièce-concert adaptée de l’univers de Jacques Rouxel, mise en scène par Franck Dimech, avec eRikm aux platines et six autres performers (qui interprètent les Gibis).

Le lendemain, ce sont les deux protagonistes d’Algecow qui donnent le ton d’une démesure noisy-pop jubilatoire alors que David Thomas (Père Ubu) éternel « sentimental punk », tente de nous sortir de l’anecdotique au micro de Radio Grenouille. « Seuls comptent le monde des idées et l’exploration du son pour véhicule d’une pensée ouverte », dit-il en substance avant de rendre hommage aux femmes, avec quelques morceaux choisis de son nouvel album « The Lady from Shanghai », des hits de Père Ubu et quelques anecdotes (tout de même) bien senties.



Algecow, extrait du concert au MIMI 2013, réal. Orevo pour Poptronics

Gratifiée d’une enveloppe de cinquante mille euros supplémentaires grâce à Marseille-Provence 2013, soit 25% du budget global du festival, l’association AMI qui gère et soutient résidences d’artistes, couveuse d’entreprises et coproductions, a pu nous offrir la première du spectacle chorégraphique de Raphaëlle Delaunay et Jeff Mills “The Gateway”, ainsi qu’une adaptation musicale du “Cantique des cantiques” de Mahmoud Darwish en clôture du festival. Ce double hommage, à l’auteur palestinien autant qu’à Bashung, signé Rodolphe Burger, a conquis le public. La présentation d’un des textes les plus torrides du monde arabe fut quasi religieuse. Sur la bande son de Burger se répondaient les voix de l’Israélienne Ruth Rosenthal (Winter Family), du Libanais Rayess Bek, et du maître de cérémonie à la guitare, accompagné d’un oud, d’une clarinette, et d’un clavier sur scène.



"The Gateway". © Orevo

Contre toutes convictions et conventions, c’est “The Gateway” (l’allée, le chemin) qui déborde et divise : alors que le public, qui avait été attentif au classicisme charmant mais somme toute assez naïf des vocalises, bongo, piano et pérégrinations dansées du contre-ténor Kakudji, s’agglutine en deuxième partie de soirée, debout face aux platines de Jeff Mills, Raphaëlle Delaunay entame sur pointes une chorégraphie d’une contemporanéité qui surfe très haut sur les galaxies soniques du DJ.



Jeff Mills explique la genèse de “The Gateway”, création chorégraphique au MIMI 2013, réal. Orevo pour Poptronics

Raphaëlle Delaunay, danseuse étoile, dont la performance a su déplacer le regard et l’émotion d’une foule a priori rétive, ouvre alors une porte entre le monde de la transe et celui de l’art chorégraphique, en faisant grimper sur scène une, puis deux égéries marseillaises. La foule jubile, l’artiste tend d’autres mains. Mais avant même qu’on puisse se réjouir de cette libération des corps par la danse, le service de sécurité fait irruption sur scène et repousse les danseurs improvisés dans la poussière, alors que le petit prince Mills redescend des étoiles.

La catharsis n’aura pas lieu. Chacun reprend sagement le chemin du port, dans la pénombre d’un ciel tout juste étoilé, car au MIMI, le respect de la diversité commence par celui des véritables maîtres des lieux, le gabian et le puffin cendré, dont les visiteurs d’un soir ne doivent en aucun cas troubler la paix.

v.godé/orevo 

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