Alan Vega est mort le 16 juillet à l’âge de 78 ans. Hommage au chanteur et leader du groupe Suicide, à l’artiste plasticien, à cette étoile jamais déclinante du punk, dont l’influence balaie du blues au rock en passant par l’électro.
Alan Vega à la Bolex de Marie Losier dans « Just a Million Dreams » (2014) (capture écran). © DR
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Alan « Suicide » Vega rejoint ses fantômes

Contre toute attente, Alan Vega est mort « paisiblement » à 78 ans, le 16 juillet. Ni suicidé, ni mort d’overdose, l’un des plus grands artistes punks, le plus maudit, le plus mythique aussi, s’est éteint « dans son sommeil », annonce sa famille via un autre allumé notoire, Henry Rollins.

Alan Vega et le groupe qu’il forme avec le clavier Martin Rev, Suicide, est un monstre sacré, qui déboule à l’orée des années 1970 à New York pour littéralement tout casser, au risque de s’y perdre… « We were angry and we wanted to wake people up », raconte Vega en 2009. Et de rappeler que la musique totalement inédite qu’ils inventent, une sorte d’électronique rockabilly et blues avec râles et larsens, cette bande-son post-hippie faites de boucles infernales qui annonce les désillusions de la génération à venir, ne plaisaient même pas aux punks eux-mêmes…

On dit souvent que le groupe le plus influent de la planète est le Velvet Underground de Lou Reed et John Cale. Mais la musique hors d’atteinte de Suicide a semé les graines du punk le plus intransigeant comme du minimalisme rock, inspirant les pionniers de la musique industrielle comme les outsiders électro-rock du jour.

Ce New-Yorkais pur jus, né Alan Boruch Bermowitz (il assume tardivement sa judaïté) un 23 juin 1938 dans un hôpital du Bronx, explique à 70 ans : « Nous avions la réputation d’un groupe que tout le monde aimait haïr, et j’appréciais plutôt ça. Mais il y a eu des moments où nous avons pensé devenir fous. Nous n’étions pas des entertainers, les gens ne pouvaient échapper à leurs problèmes en nous écoutant. »

Il a suffi des sept titres de « Suicide », premier album finalement sorti en 1977, pour changer la donne. Vega et Rev ont jeté une bombe à la face du monde, que personne ne comprend vraiment. Mais dont à peu près tout le monde va s’inspirer rétrospectivement, jusqu’à être revendiqué par des stars aussi éloignées de ce son unique que U2 ou Springsteen. Depeche Mode, Nick Cave, Primal Scream, REM, LCD Soundsystem, Liars, Christophe, Pan Sonic, DJ Hell…, autant d’artistes qui se disent marqués par la liberté de Suicide et son absence totale de barrières.

Alexandre Breton, auteur de « Alan Vega – Conversation avec un Indien » (2013), explique ça très bien : « Rétrospectivement, tout ce qu’ils produisent, de 1970 à 1976, année de leur premier enregistrement (la cassette Rocket USA/Keep Your Dreams), c’est une musique proprement irrécupérable. Qu’aucun label ne signera, leur préférant Blondie, Television, les Ramones. Punk avant le Punk. Punk Music by Suicide, comme l’indique le carton d’invitation imprimé pour le premier concert du groupe, galerie OK Harris, le 20 novembre 1970. Etre irrécupérable, voilà l’affaire. Hors-cadre. Déchet, rebut : punk, à ce titre. Là où la marge est déjà intronisée (niée) comme telle. Et ce n’est pas un choix esthétique ; si c’est une décision, elle a une dimension résolument existentielle – Vega, à l’instar de Rev, insistera toujours sur ce point – et c’est d’elle que procèdent les décisions esthétiques. Chez Vega, c’est un théorème : une façon d’exister, A way of life, pour reprendre le titre du troisième opus de Suicide (1988). Dont la rançon est, dès lors, une irréductible solitude. »

En guise d’hommage, petit aperçu en extraits sonores et vidéo de l’ampleur du bonhomme, de cet artiste total (qui ne cessera de produire et d’exposer jusqu’à la grande rétrospective, « Infinite Mercy », que lui avait consacré le Musée d’art contemporain de Lyon en 2009) dont l’aura n’a pas fini de briller… A côté des cinq albums studios de Suicide (et des enregistrements live tout aussi essentiels), Vega a mené seul une carrière aussi splendide qu’intransigeante.

Parmi la pléthore de vidéos sur Internet autour d’Alan Vega, on vous recommande cet extrait d’un mix pour la télévision française en 1980, un pur moment de rockabilly, l’interview vérité de « Lunettes noires pour nuits blanches » en 1989 et, plus récente, celle du magazine Gonzai.

Mais celle qui restitue le mieux sans doute l’aura de l’artiste, c’est ce portrait de 15 minutes que lui consacre une autre artiste, Marie Losier, en 2014, tourné à la Bolex 16mm, « Alan Vega, Just A Million Dreams », où l’on partage le quotidien halluciné d’Alan, sa femme Liz et son fils Dante.

« Cheree », Suicide, 1977 :

« Candyman », Alan Vega, Alex Chilton, Ben Vaughn, 1994 :

Alan Vega, et Martin Rev avec Henry Rollins, discussion publique à l’Ace Hotel London Shoreditch, 2015 :

« Incredible Criminals », Pan Sonic & Alan Vega, (album Endless, 1998 :

« Re-Up - Secret Tear », Etant Donnes, avec Alan Vega, Lydia Lunch & Genesis P-Orridge, 2011 :

« Bye Bye Bayou », LCD Soundsystem, 2014 :

« Listen to the hiss », DJ Hell avec Alan Vega (Villalobos Screen Kiss Remix), 2004 :

Alan Vega au studio de Christophe, extrait du film « Autour de Vega », de Hughes Peyret, 1998 :

« Sombre », Philippe Gandrieux, bande-son Alan Vega (bande-annonce, 1999) : (On peut écouter toute la bande-son par ici)

annick rivoire 

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