L’examen du projet de loi Hadopi ou Création et Internet est suspendu jusqu’à la fin du mois. Retour sur des débuts houleux, avec sortie de geeks de leur garage à la clé (manifestation devant l’Assemblée jeudi soir 12/03).
Hier, ils n’étaient qu’une poignée de manifestants anti-Hadopi à 18h devant l’Assemblée. Un peu plus tard, ils étaient une petite centaine (35 selon la police !). © DR
< 13'03'09 >
Hadopi : les pirates à l’abordage de l’Assemblée

Les geeks sont sortis du garage, et ils étaient plus que cinq… Hier soir, suite à l’appel à la manifestation lancé par le député PS Didier Mathus (seul moyen d’organiser légalement des rassemblements devant le Parlement), une petite centaine d’opposants au projet de loi Hadopi en discussion se sont rassemblés pour battre le pavé devant l’Assemblée nationale et ainsi faire mentir la ministre de la Culture, qui avait tenté de minimiser l’opposition à sa fameuse « riposte graduée » contre les vilains méchants pirates, entendez les internautes.

Ce n’est pas le grand soir du Net, certes, et il faudra sans doute remettre le couvert à la fin du mois, quand la chambre basse reprendra l’examen du projet Création et Internet. Hier soir jeudi, les députés se sont arrêtés à l’article 2 qui crée la Haute Autorité pour la diffusion et la protection des œuvres sur Internet, l’Hadopi, explique avec une abondance de détails Numerama. L’opposition a bien tenté de faire voter une volée d’amendements pour atténuer la portée liberticide du projet ou envisager de nouvelles ressources pour les artistes « spoliés » par le téléchargement massif. Didier Mathus a ainsi calculé qu’un prélèvement de 2 euros par mois par internaute (le retour de la licence globale) permettrait de dégager 400 millions d’euros pour l’industrie musicale… contre zéro centime avec le système de la riposte graduée. Mais rien n’y fit.

Malgré des débats agités (Didier Malthus à Christine Albanel : « on en viendrait à croire que vous n’êtes pas autre chose que le Syndicat de défense des majors du disque », Christine Albanel dans un grand moment d’égarement : « Je suis accablée par toutes les caricatures qui consistent à présenter l’Hadopi comme une sorte d’antenne de la Gestapo »), tous les amendements ont été rejetés. Dont certains prévoyaient des fonds en faveur de la création musicale ou des dispositions pour taxer les plateformes de streaming, exclues de la loi Hadopi, pour en reverser les dividendes aux artistes. Un record de connexions sur le site de l’Assemblée, relevé par (encore !) Numérama. La « déviance » de certain député de la majorité, Lionel Tardy, qui, après avoir émis des doutes sur le fonds du projet, raconte sur son blog être allé à la rencontre des manifestants hier devant l’assemblée. Tout cela n’aura pas suffi.

Le gros du texte ne sera pas examiné avant fin mars à l’Assemblée. Un temps que mettra à profit le gouvernement pour rassembler sa majorité. Un temps aussi pour que les internautes organisent des ripostes hors réseau… Un temps enfin pour que les députés prennent conscience que ce projet de loi, au-delà des problèmes sérieux qu’il pose pour les libertés publiques, est d’ores et déjà obsolète, comme le rappelle Jérémie Zimmerman de la Quadrature du Net ici, en parlant d’une loi vouée « aux oubliettes de l’histoire ».

Un exemple pour s’en convaincre : pas plus tard que la semaine dernière, on apprenait que le nouvel album de Grizzly Bear, plutôt très-très attendu, avait fuité sur le Net, trois mois avant sa sortie officielle. Plutôt embêtant pour le groupe, qui se plaint à juste titre que les commentaires de la blogosphère reposent sur l’écoute d’une copie de qualité médiocre. Pour son chanteur Edward Droste, interviewé par Chryde de la Blogothèque, « pourquoi vouloir juger si vite ? Je m’attendais à ce qu’il leake, mais pas SI TÔT ». Paradoxalement toutefois, « Veckatimest » (c’est le nom de l’album) pourrait profiter de ce coup de Trafalgar. Le groupe a compris l’importance de maintenir le lien avec les fans hors tournée, multipliant les interventions sur Twitter notamment. Et la fuite est relayée par les fans, qui en assurent ainsi la promotion à peu de frais. Bref, c’est autre chose que le manichéisme « vilains pirates contre gentils artistes ». On veut bien prendre les paris : l’affaire attire les médias et pourrait permettre à Grizzly Bear de jouer avec les grands dès la sortie de l’album. Un effet Radiohead non-désiré, qui serait amplement mérité pour un des groupes les plus passionnants du moment.

annick rivoire 

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