

Faut-il se réjouir de l’accord passé entre la Sacem et Creative Commons ? Entré en vigueur au 1er janvier, il ouvre une période pilote de 18 mois durant lesquels les artistes membres de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, seront en droit d’utiliser trois des licences Creative Commons, celles qui empêchent toute utilisation commerciale des œuvres.
Pour y voir plus clair, Poptronics a demandé son avis à Antoine Moreau, à qui l’on doit la Licence art libre (LAL), une alternative au droit d’auteur qui autorise « à copier, diffuser et transformer librement les œuvres dans le respect des droits de l’auteur ». Auteur d’une thèse sur le sujet, « Le copyleft appliqué à la création hors logiciel. Une reformulation des données culturelles ? » (à consulter ici), « l’artiste peut-être » (comme il aime se présenter) explique la confusion qu’apporte cet accord dans le débat sur les droits d’auteur à l’heure du numérique :
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La Sacem donne la possibilité aux musiciens de mettre leurs œuvres sous licences Creative Commons, à condition que celles-ci interdisent le commerce. Trois, sur les six licences existantes, proposent cette possibilité.
Cette interdiction commerciale est aberrante. Elle est grosse de cette idéologie puritaine qui déteste ce qu’elle considère comme étant sale : le corps vivant et l’argent qui circule. S’en prendre au commerce, c’est se faire une morale à bon marché.
L’argent n’est pas le mal, c’est juste un moyen de transport utile pour l’échange et qui donne une valeur économique aux choses dont on devrait savoir pourtant qu’elles n’ont de valeur véritable que dans leur valeur d’usage. C’est-à-dire dans leur utilité inestimable. Non pas qu’elles soient gratuites –la gratuité, c’est la dame patronnesse du capital–, mais gracieuses en leur fonction. Là est leur réalité.
Loin d’être une « avancée », cette décision de la Sacem est une négation de la réalité des artistes à l’heure du numérique. En faisant valoir la gratuité, elle occulte leur travail dans ce qu’il a de coûteux en matériaux, en temps, en investissements de toutes sortes. Elle berce d’illusions ceux qui pensent que gratuite, leur musique se fera mieux connaître et pourra ensuite se faire valoir financièrement.
C’est faux, ça ne marche pas ainsi car c’est croire qu’il y a un rapport entre la valeur d’une œuvre et sa valeur économique. Il n’y en a pas, nous sommes livrés à l’arbitraire, heureux ou malheureux, de la fortune, bonne ou mauvaise. Il n’y a qu’à constater les différences de cachets entre musiciens : les plus connus seront les mieux payés, la qualité de la musique n’entre pas en compte. Et c’est logique, puisque cette qualité est inquantifiable, inestimable.
Nier le commerce n’offre aucune avancée, cela ne fait que différer la véritable nature du problème qui est dans l’usage contemporain des productions de l’esprit. L’observation de la réalité du numérique et de l’internet invite à ouvrir les œuvres à la copie, à la diffusion et à la modification, sans nier le commerce, mais en interdisant la jouissance exclusive des œuvres. C’est là le point sensible, c’est ici qu’on avance. Ce qui est à chacun est à tous, ce qui est à tous est à chacun. L’absence d’exclusivité sur les productions élargit les possibilités de productions.
La véritable avancée se situe donc dans l’usage que le commun des mortels peut faire de l’art, via la copie, la diffusion et la transformation des œuvres, et non dans sa mise à disposition gratuite qui en nie l’usage.
Antoine Moreau |
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