Le Japon est-il encore la patrie du jeu vidéo ? La dernière édition du Tokyo Game Show, qui s’est tenu du 19 au 22 septembre, offre un bilan paradoxal : si l’industrie semble bouder le salon japonais, le jeu indé, lui confirme sa grande forme.
Morne plaine au TGS cette année... Heureusement, les jeux indés étaient là pour donner des couleurs au salon. © Mathias Cena
< 24'09'13 >
Tokyo Game Show : l’indé sauve la fête

(Tokyo, de notre correspondant)

Toujours plus grand, toujours plus fort… sur le papier. Cette édition 2013 du Tokyo Game Show, du 19 au 22 septembre, a accueilli 270.197 visiteurs, soit près de 50.000 de plus que l’an dernier. Cette année pourtant, malgré les chiffres inflationnistes (352 exposants qui présentaient 962 titres), les trois gigantesques hangars occupés par le TGS au Makuhari Messe, immense centre de convention à une bonne heure de train du centre de Tokyo, paraissaient bien vides.

Pour leurs annonces, la plupart des éditeurs avaient préféré des rassemblements plus prestigieux comme la Gamescom de Cologne le mois dernier, ou l’E3 à Los Angeles en juin. D’autres étaient tout simplement absents, comme Level-5, l’éditeur des “Professeur Layton” et “Ni no Kuni”, pourtant l’un des gros poissons de l’industrie nipponne. Ou Nintendo, qui boude le salon depuis toujours. La faute peut-être, aussi, aux deux nouvelles consoles de Sony et Microsoft, dévoilées à l’E3 en juin dernier, qui laissaient peu de place à la surprise.

En fait, manquait cette année “toute la partie du spectre entre le jeu triple A aux millions de dollars de marketing et le plus simple des casual games”, écrit Rob Fahey dans Games Industry International : “Les simple-A ou les triple-B, les titres intermédiaires développés pour un coût raisonnable pour profiter de niches ou tenter de remporter le cœur des joueurs à moindres frais.” Les jeux pour téléphones mobiles, en pleine santé au Japon, étaient bien présents, notamment sur les immenses stands des éditeurs Gree et GungHo, mais n’étaient pas les plus spectaculaires dans un salon destiné au grand public. Si, sur les 962 titres annoncés, on retire les jeux pour mobile (257), pour consoles portables (90), pour navigateur (15) et les accessoires et périphériques divers (396), il ne reste “que” 204 jeux.

Malgré tout, cette édition 2013 est plutôt de qualité. Le mot d’ordre officiel du TGS pour cette année, “Games : Limitless Evolution” (“les jeux, une évolution sans limite”), même si on peut y lire à peu près tout et n’importe quoi, était un modèle de sobriété par rapport aux années précédentes, des concentrés lost in translation d’écœurante philosophie et de mots creux : “Le jeu relie les sourires entre eux” en 2012 ou “Le jeu fait danser les cœurs” en 2011 (celui-là est excusé, c’était le premier TGS de l’après-11 mars 2011). Evolution sans limite donc, “pour saluer la vitesse à laquelle avance l’industrie du jeu vidéo”, explique Shin Unizawa, président de la société organisatrice du salon.

Ce slogan est plutôt adapté aux formes multiples que prend l’industrie du jeu vidéo. L’une de ces formes, chère à Poptronics, avait cette année toute la place qu’elle méritait : le jeu indépendant.

Depuis quelques années, le jeu indé est sorti des garages pour devenir de plus en plus grand public, grâce à des plates-formes comme Steam pour les PC, le Xbox Live Arcade ou le PlayStation Network pour les consoles, et l’Android Market ou l’AppStore d’Apple pour les mobiles. Et la tendance s’est encore confirmée cette année avec les appels du pied de Sony et Microsoft pour inciter les développeurs indés à créer sur leur nouvelle console, la PS4 et la Xbox One.

La tendance n’est pas que japonaise, puisque l’E3 et la Gamescom leur avaient aussi fait la part belle cette année. Le TGS a tout de même surpris en leur consacrant, pour la première fois de son histoire, une fraction de hall entière. Niché entre l’espace “start-up” et la zone des “jeux de simulation romantique”, cet espace a même été étendu pendant les deux jours ouverts au public à une autre partie du salon. Ce sont 51 développeurs indés qui avaient ainsi pignon sur rue, en plus d’une série d’événements sur une grande scène.

L’un de ces événements concentrait toute la magie de l’indé : le “sense of wonder night”, soit neuf jeux innovants en compétition, aptes au premier coup d’œil à surprendre, à susciter l’émotion, et pourquoi pas à changer le monde (du jeu vidéo, pour commencer). Certaines de ces créations avaient effectivement une fraicheur, une magie quasi disparue des blockbusters du jeu vidéo, les fameux AAA. Et de l’innovation à revendre. Petite revue des belles surprises à venir…

Côté interface, “Kapolachica-san”, de Kenta Hamaguchi, réagit aux notes jouées à l’ocarina devant un micro. Hiroyuki Nakamoto, le créateur de “Chu-Ta in Wonder Cave”, a lui développé une “interface molle”, une souris en peluche bluetooth que l’on malaxe pour interagir avec cinq capteurs de pression.

C’est parfois le gameplay qui surprend : dans “Museum of Simulation Technology”, de Albert Bor Hung Shih, à première vue un FPS (jeu de tir à la première personne), le joueur doit manipuler la taille et la perspective des objets pour progresser dans des niveaux d’une poésie inattendue (il faut parfois décrocher la lune – littéralement).

“Museum of Simulation Technology”, Albert Bor Hung Shih :


Avec “Framed”, Joshua Boggs propose une narration interactive sous la forme d’un comics dans un univers de film noir, dont on manipule les cases pour changer le cours de l’histoire.

« Framed », Joshua Boggs :


Kyoto” de Eddie Lee et “Mirage” de Mario von Rickenbach mettent l’accent sur l’univers visuel, l’un avec un arbre qui symbolise son amour pour le Japon et l’autre avec un chapeau haut de forme dévoreur de pop-corn, dont l’apparence s’enrichit de divers organes, yeux, bouches, pieds, nez… Que l’auteur a lui-même filmé en motion capture en se barbouillant le visage de peinture bleue.

« Kyoto », Eddie Lee :


« Mirage », Mario von Rickenbach :


Côté réalité alternée, le Taïwanais Owen Wu dit avoir eu l’idée de “Space Qube ”, un shoot’em up cubique, alors qu’il vivait au Canada et était frustré de ne pouvoir jouer aux Lego avec son fils resté à Taiwan. Une interface remarquablement simple permet de dessiner son personnage en 3D, côté par côté, avant de l’envoyer au combat. Pour ceux qui tomberaient amoureux de leur propre création, l’auteur a aussi mis en place un système d’impression en 3D, livrée par la poste. L’indé sonne toujours deux fois...

« Space Qube », Owen Wu :

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