« Sur place » de Justine Triet (2006, 30 mn), projection le 25/09 à 20 h 30 dans le cadre des Décadrages Documentaires/Saisons Numériques, MK2 Bibliothèque, 128/162 avenue de France, Paris, 6,80 €.
"Sur place", le tournage sensible des manifs du CPE de 2006, par une jeune artiste tout juste sortie des Beaux-Arts, Justine Triet.
< 25'09'07 >
« Sur place », mais à la bonne distance des manifs du CPE

Mars 2006, Paris. Les manifestations contre le CPE de Villepin ont enflé toute la semaine et semblent converger vers la place d’Italie, qui se transforme en décor d’une étrange bataille. Compagnies de CRS dûment carapaçonnés, photographes et cameramen casqués, étudiants, groupes de jeunes venus pour en découdre, badauds, tout le monde attend, observe, se nargue, lance des projectiles pour tester le camp adverse, avant la castagne, la vraie.

Justine Triet, fraîchement issue des Beaux-Arts de Paris, a placé des caméras tout autour et au coeur des « événements » et livre avec « Sur place » une relecture troublante d’images vues et revues, usées, qui appartiennent au vocabulaire télévisuel mais en contournent la logique de rapidité, de sensationnalisme et surtout de point de vue souvent monolithique.

Ce court métrage documentaire très épuré, découvert lors de la dernière édition du festival Hors Pistes coordonné par l’Agence du court métrage, a l’intelligence de multiplier les points de vue tout en maintenant une progression dans l’intensité. Ce qu’on voit, rivé à son fauteuil, ce sont des ballets de corps qui se déploient puis se nouent pour mieux s’affronter. Plans très larges, sons étouffés, comme des rumeurs, le film est très plastique, sans commentaire et impose une distance avec le spectacle des coups et des affrontements, parfois à la limite du soutenable. Difficile de ne pas faire un lien avec le recyclage de la violence qui sous-tend les travaux de nombreux artistes contemporains, notamment ceux de Cyprien Gaillard (« Desniansky Raion »), fascinés par l’esthétique du désordre, le plus souvent urbain.

Le film démarre par un gros plan sur le visage d’un ami de la réalisatrice, blessé alors qu’il tournait ce jour-là, et se termine sur des plans de passants, le lendemain matin, alors que la place a retrouvé son aspect habituel, histoire de lancer une réflexion sur la temporalité de la violence et du rapport qu’on entretient avec elle, comme un mélange coupable d’effroi et d’attirance. Egalement au programme de la soirée : « En service » de Cyril Brody et « Company of Mushrooms » de Tan Chui Mui.

benoît hické 

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