« Dessine-moi un mutant », exposition dans le cadre du festival Seconde Nature, jusqu’au 25/07 à la Scène Numérique (Eduardo Kac, Bestiaire numérique, France Cadet, Adelin Schweitzer, Peter Sinclair) et jusqu’au 4/07 à la fondation Vasarely (Granular Synthesis, Du Zhenjun, Vincent Elka), Aix-en Provence (13). Entrée libre.

Promenades floues de Mathias Poisson et Manolie Soysouvanh, chaque samedi de juin au départ de la Cité du Livre à Aix.
Promenade « Augmented Reality » d’Adelin Schweitzer, chaque samedi jusqu’au 18/07.
Pour les deux promenades, réservation obligatoire au 04.42.64.61.01. Gratuit.

Toujours dans le cadre de Seconde Nature, « Cocons », installation d’Erik Lorré, Cis et Yorga jusqu’au 20/06 à la Friche Belle de mai, 41 rue Jobin, Marseille ; et Jean-Michel Bruyère/Lfks du 7/07 au 1er/08 à la Fondation Vasarely, Aix (de 4 à 7 euros).

Un festivalier lost in translation à Aix-en-Provence après l’annulation de Seconde Nature ? Non, le dispositif embarqué d’"Augmented Reality" d’Adelin Schweitzer, présenté à... Seconde Nature. © DR
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Seconde Nature mute

(Aix-en-Provence, envoyée spéciale)

Dimanche matin, les caravanes des pentecôtistes, dont la présence avait rendu impossible le montage des plateaux concerts du festival Seconde Nature, quittaient les pelouses de la fondation Vasarely à Aix-en-Provence. Le festival, lui, restait bel et bien sur le carreau, sa partie musique et lives audio annulée à la dernière minute (on vous en expliquait les raisons samedi).

Deux jours d’une programmation sans musiciens (à part The Emperor Machine, qui ont tenu à faire le déplacement à Aix, histoire d’avoir des « human relations » et accessoirement de découvrir l’existence d’un torpilleur appelé « gnôle à pépé »), sans techniciens, sans bénévoles, sans spectateurs et sans musique, forcément ça laisse des traces et une équipe d’organisation aussi déçue que fataliste. Pour autant, on n’achève pas aussi facilement un festival. Depuis l’annonce de l’annulation, les mails de soutien n’ont pas arrêté de pleuvoir (jusqu’aux plus inattendus, comme celui du « Guide Vert Michelin »). A l’oral, on s’agace : « Est-ce qu’il y a une place ici pour autre chose que la culture de l’élite ? » se demande une proche de l’équipe. « Vive la prog’ troisième âge » constate amèrement un étudiant. « Il ne nous reste plus que l’opéra », lance une dame énervée.

Métamorphoses et accélérations
Les organisateurs, eux, sont « tournés vers le prochain objectif : faire jouer les assurances et trouver un lieu pérenne pour les concerts », explique Pierre Emmanuel Reviron, le directeur de la manifestation. Un lieu accessible, qui puisse accueillir de la musique électronique ET qui ne gêne pas les riverains : les prochaines négociations avec les pouvoirs publics pourraient s’intituler « Dessine-moi un mutant ». En attendant, « Dessine-moi un mutant », c’est le titre de l’autre volet de Seconde Nature, qui lui a bien été maintenu, consacré aux arts numériques (représentant un tiers du budget du festival). Une exposition qui se partage -s’éparpille ?- entre la Scène numérique, jusqu’au 25 juillet, et la fondation Vasarely, jusqu’au 4 juillet. Le credo : une dizaine d’œuvres et de performances qui montrent les accélérations du monde, les « mutations des paysages, du corps et du territoire », qui jouent avec nos fantasmes et nos peurs, nos émotions et les machines.

Au rayon glorieux aînés, quelques installations qui ont contribué à définir les arts numériques il y a une dizaine d’années : les variations mi-homme mi-chien de « Chienman » du Chinois Du Zhenjun (1997), l’ADN de la Genèse scruté à la loupe de « Genesis » du Brésilien Eduardo Kac (1999), ou encore la dernière version, flippante et féroce, de « Pol », la vidéo peinture granuleuse pour sept écrans et tourbillon de montées sonores de l’ex-duo germano-autrichien Granular Synthesis (créée en 1998). Côté nouveautés, la version 02 de « Sho(u)t » de Vincent Elka (un artiste dont poptronics est proche) confronte en vis-à-vis sur deux écrans une actrice virtuelle et un nouveau venu, danseur au ballet Preljocaj. A la voix et au visage de l’une répond le corps tourmenté de l’autre ; au centre : un micro et une rencontre interactive pour qui veut s’en emparer. Contraint d’investir les murs tout-béton qui résonnent de la Fondation Vasarely, « Sho(u)t » perd malheureusement une partie de son intelligibilité (on ne comprend pas bien ce que nous répondent les personnages à l’écran), mais gagne en puissance physique.

Pertes de repères
Le « Bestiaire numérique » est une installation scénographiée par Régis Cotentin pour Seconde Nature, qui invite le public à se replier dans un tipi noir ceint de dix écrans diffusant en boucle cinq pièces, dont celles créées par Marcel Li Antunez et Thomas Israël, ou encore « Chienman » de Du Zhenjun et « Franzenman » de Transforma (où les lents mouvements d’une silhouette recouverte de fils fluorescents composent un être hybride étonnant). Régis Cotentin présente quant à lui « Alive and Gone », où la mort et la naissance, le déclin et l’éveil se lisent sur les visages qui se pressent contre un miroir.

Passé les toujours attirants-toujours effrayants robots trophées de France Cadet (« Hunting Trophies ») et « Road Music », la playlist autoroutière embarquée de Peter Sinclair, direction les frontières du réel avec « Augmented Reality » d’Adelin Schweitzer. Ou comment une déambulation retraitée par une drôle de machine prend les traits d’un trip à l’acide. Décalage de perceptions encore avec la promenade floue de Mathias Poisson et Lynn Pook, qui nous embarquent à l’aveugle sur un parcours créé avec Manolie Soysouvanh (on y revient très vite). Sans conteste l’expérience forte et déstabilisante de ce week-end, qu’on attendait plutôt du côté des déflagrations électro.

julie girard 

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