« Life Before Death », exposition photo de Walter Schels et Beate Lakotta, Wellcome Collection, 183 Euston Road, Londres, NW1, du 9/04 au 18/05.
Conversation entre Walter Schels et Beate Lakotta, le 10/05 de 15h à 16h.
« Life Before Death » sur le site du « Guardian », photo-reportage.
Portrait de Maria Hai-Anh Tuyet Cao, 52 ans, avant et après sa mort, par Walter Schels. Elle dit : « La mort n’est rien. J’embrasse la mort. » © Walter Schels / Wellcome Collection
< 08'08'09 >
Photos à l’article de la mort

(Pop’archive). La mort plus forte que le sexe ! Le quotidien britannique « The Guardian » a explosé ses records de connexion la semaine passée en mettant en ligne « Life Before Death », du pur photojournalisme « à l’ancienne », noir et blanc cadré serré. Le sujet ? Cette zone de transit, entre vie et mort, qui touche chacun d’entre nous, pauvres mortels.

Les photographies de Walter Schels, accompagnées de textes de la journaliste Beate Lakotta, font l’objet d’une exposition à voir dès demain à la Wellcome Collection, à Londres. Elles montrent des portraits rapprochés de 24 personnes de tous âges (17 mois à 83 ans), qui ont été photographiés avant… et après leur mort. Beate Lakotta, 42 ans, journaliste au « Spiegel » où elle « explore les conditions de l’origine et de la fin de l’existence en terme de médecine hi-tech et de soins intensifs modernes », et Walter Schels, 72 ans, photographe né en Bavière et qui avoue sa peur des morts jusqu’à cette expérience, ont écumé hospices et hôpitaux autour de Hambourg et Berlin pour accompagner ces 24 personnes en phase terminale durant leurs dernières heures ou semaines à vivre.

De cette position d’observateurs privilégiés, ils ont rapporté des images plus qu’intimes, inédites, jamais sensationnelles mais pourtant attrayantes, effrayantes, émouvantes et bouleversantes, qui renseignent sur ce passage de la vie à la mort que les sociétés modernes tendent à occulter. « C’est une des expériences photographiques les plus radicales jamais tentées, qui laisse loin derrière pas mal d’élucubrations contemporaines », avertit Chris Marker, photographe, cinéaste, inlassable témoin de notre histoire (et qui a attiré l’attention de poptronics sur le sujet).

Dans un texte qui accompagnait la publication, le « Guardian » raconte comment les deux auteurs de cette série ont surmonté leurs propres peurs pour regarder la mort en face. « Pendant la guerre à Munich, un jour, notre immeuble a été bombardé. J’ai vu beaucoup de corps, des membres détachés, des têtes arrachées, des choses terribles que je n’ai jamais oubliées, dit ainsi Walter Schels. Depuis ce jour, j’ai toujours été effrayé par les corps des morts. Même quand ma propre mère est morte, à 89 ans, (et je l’avais prise en photo plus tôt dans l’année), je n’ai pas voulu voir son corps. »

En plein débat sur la fin de vie et l’euthanasie, des questions éthiques encore largement tabous dans nos sociétés versées dans le culte du jeunisme, les photographies de Walter Schels apportent un supplément d’humanité. Et Beate Lakotta d’expliquer comment ils ont fait plus que rendre compte et témoigner de la fin de vie : « Ces mourants nous disaient à quel point cela les faisait se sentir non seulement à l’écart mais aussi blessés. Ils sentaient qu’ils étaient séparés de ceux dont ils auraient voulu se sentir le plus proche parce que ces personnes refusaient de reconnaître qu’ils étaient en train de mourir et que la fin était proche. »

Et si ces images nous frappent avec tant de force (au point que le « Guardian » a ouvert une section spéciale pour les commentaires), c’est qu’à la différence d’autres séries sur la mort, comme celles d’Andres Serrano, photographe new-yorkais, intitulées « The Morgue », elles sont les seules à faire relier par l’image la vie à la mort, l’avant et l’après. Shels explique d’ailleurs qu’après ce reportage extrême, lui-même n’est plus effrayé par les corps des morts pas plus qu’il ne l’est pour son propre futur… Comment conclure, sinon avec ce témoignage de Edelgard Clavey, 67 ans, prise en photo par Walter Schels : « Dying is hard work » (« Mourir est un travail difficile »).

Cet article a été publié la première fois le 8 avril 2008.

annick rivoire 

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