Mediapart, le site d’information lancé par Edwy Plenel, est en ligne.
La home de Mediapart est divisée en deux espaces : le journal, réservé aux abonnés, et le club, public et dévolu aux blogueurs de la communauté. © DR
< 18'03'08 >
Mediapart, le site d’info qu’il nous faut

On allait conseiller de filer vérifier la bonne gueule et le bon fonds de Mediapart ce jour, dernier des trois journées « portes ouvertes » à ce tout nouveau site d’information. Mais Edwy Plenel annonce cet après-midi : « Devant le bon accueil rencontré par Mediapart depuis son lancement, dimanche 16 mars, nous avons décidé de prolonger la période de découverte de ce média pas comme les autres » jusqu’à dimanche prochain. A la bonne heure, se réjouit-on, il faut du temps pour apprivoiser la qualité d’une offre nouvelle sur le Net, même quand la forme est bien pensée, et le contenu original.

Mediapart, donc, est officiellement en ligne depuis trois jours, et ce site d’information qui revendique son indépendance vis-à-vis des grands groupes de médias « classiques », comme sa liberté d’action vis-à-vis de la publicité, l’est à plus d’un titre, original. Edwy Plenel est une figure de patron de presse (il a été à la tête du « Monde », il a failli ravir « Libé » à Serge July), qui défend une façon de travailler l’information en toute liberté. Pour la garantir, une équipe de « cadors » des médias classiques (à l’inverse de beaucoup des projets éditoriaux lancés depuis l’Internet, l’équipe de Mediapart a de la bouteille et du carnet d’adresses, certains ont abandonné leur poste dans des rédactions établies), et une formule de financement que d’aucuns jugeront kamikaze : l’abonnement. Faire payer l’info sur le Net, pour l’instant, à l’exception des « Echos » (qui délivrent des infos boursières) ou du « New York Times » (qui vient de faire machine arrière), seul Daniel Schneidermann l’a envisagé (qui revendique 32 000 abonnés depuis le lancement d’Arrêt sur images en février). Edwy Plenel, lui, annonce « déjà 3 300 abonnés » (qui payent de 5 à 15€ par mois, selon la formule, « 9 centimes par jour », a calculé Plenel), avec comme objectif « 5 000 abonnements d’ici fin mars » et « 25 000 abonnés pour mars 2009 ».

Pour gagner ces lecteurs, dont certains avaient fait le déplacement samedi pour la conférence de lancement du site au MK2 Bibliothèque à Paris (avant lancement officiel en direct du salon du livre dimanche, Mediapart mise sur la qualité de l’information, le travail d’investigation et le filtrage dans le flux : « Notre parti pris, explique François Bonnet, directeur éditorial (ex-« Libé », « le Monde », « Marianne »), est de ne pas intégrer ce processus d’info non-hiérarchique et continue de bien des sites d’information sur le Net, mais de rétablir des grilles de lecture et des hiérarchies, de choisir et de mettre en balance. » Six sujets à la Une (mise à jour matin, midi et soir), la page d’accueil s’inspire du journal papier et « affiche une hiérarchie forte ».

Et Mediapart joue d’emblée dans la cour des grands : les 41 ans de cotisations pour les retraites à l’étude au gouverment, un rapport de la police nationale qui évoque un « droit d’intervention renforcé et de nouveaux matériels : drones, hélicoptères, armement » dans les quartiers difficiles (le plan banlieue de Sarkozy, version non-expurgée par Fadela Amara…), des révélations sur la carrière scientifique contestée de Claude Allègre ou encore le « plan choc que va engager Sarkozy », le placard doré (à la Villa Médicis à Rome) pour le conseiller culture du Président, George Marc Benamou… L’info de qualité est comme prévu au rendez-vous.

Pour fidéliser les internautes volages et remporter le pari de l’abonnement (donc de l’indépendance, Mediapart part avec un capital de 3,7 millions d’euros dont 60% entre les mains des fondateurs et 40% dans une société des amis), l’équipe de 26 journalistes devra réussir à fédérer une communauté de lecteurs, à qui il est proposé dans un « Club » tout un tas de services type réseau social (éditer son blog, faire ses commentaires et afficher ses contacts à l’intérieur de la communauté, participer à des blogs collectifs, curieusement intitulés « éditions »).

En accès libre après dimanche, la Une du journal donnera un aperçu des infos, éventuellement permettra l’accès à une actualité brève (en cas de scoop, pour éviter la reprise-pillage) et l’intégralité des écrits de la communauté Mediapart de blogueurs émérites ou, comme le disait samedi sans rire Julien Dreher, de la Netscouade (l’agence qui a aidé à l’élaboration de la plateforme internet Mediapart), élaborer une « méritocratie participative » : « Tout est organisé pour que les gens aient intérêt à bloguer dans le cercle du Club. » C’est pour l’instant la partie la plus fragile du site (normal, la communauté est en pleine construction), celle qui fera sans doute la différence, comme le reconnaît implicitement François Bonnet en disant : « On ne vend pas un journal mais un lien particulier entre la rédaction et les internautes », le gros de l’affaire consistant à « organiser de façon méthodique des trous dans la clôture » (entre le site et le reste du réseau).

La naissance de Mediapart, après les précurseurs Rue 89 ou Bakchich (ou, dans un autre registre, poptronics !) est en tout cas une excellente nouvelle : elle prouve que l’Internet est le repaire naturel de l’innovation éditoriale et qu’il est enfin perçu comme un espace de liberté d’expression. On s’abonne ?

annick rivoire 

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