« Par données nous entendons », après-coup sur la 12e édition du festival « Verbindungen/Jonctions », qui s’est tenue à Bruxelles du 21 au 29/11.
Yoogle, présenté lors du festival Jonctions, est un jeu de l’oie qui démonte les pièges de la surveillance électronique de façon ludique. © DR
< 15'12'09 >
Jonctions surveille la surveillance électronique

(Bruxelles, envoyée spéciale)

Doit-on devenir ami avec son patron sur Facebook ? Cette question existentielle est au programme du jeu Yoogle !, encore à l’état de prototype. Au cours d’un workshop à Bruxelles, dans le cadre des Jonctions, du 21 au 29 novembre derniers, Michel Cleempoel et Nicolas Malevé en ont présenté le mode alpha. A la façon du traditionnel jeu de l’oie, le joueur explore les cases où se mêlent des situations d’utilisation des réseaux et des citations sur les pratiques du Web 2.0. : « L’été sera chaud, » dit l’une des cases. « Au bureau, vous réservez en ligne vos vacances à Mykonos. Le service informatique se cotise pour vous offrir un abonnement à “Têtu”, version papier, livré à l’adresse postale de votre entreprise. » Derrière le côté ludique, c’est une invitation à repérer comment s’instaure progressivement une société de surveillance. Le jeu en ligne Yoogle s’inscrit dans un projet plus large, intitulé E-traces.

Alexandre Dulaunoy, chercheur et spécialiste en sécurité informatique, présentait GooDiff, un programme qui traque automatiquement les changements de vocabulaire dans les entreprises web, et notamment celles du Web2.0. L’outil télécharge à échéances régulières les mentions légales des services en ligne et affiche les différences. Il est ainsi possible de savoir quand Google a modifié les termes d’utilisation de Google Talk, son service de messagerie instantanée et de voix sur IP, pour annoncer que la géant américain conserverait tous les SMS ainsi envoyés. Des informations certes brutes, mais qui peuvent servir de base à des projets artistiques, de recherche ou à de simples lectures par des utilisateurs curieux de la façon dont leurs données sont utilisées et stockées...

La douzième édition de Verbindungen/Jonctions est aussi l’occasion de performances. C’était le cas en plein colloque, du poète Anne-James Chaton qui est intervenu pour lire sa pièce « Décade » autour des données et de l’identité. Le poète et performeur français y a également présenté la vidéo « Unitxt », qu’il a réalisée en collaboration avec le musicien Alva Noto.

« Unitxt u_08-1 », un film de Carsten Nicolaï, avec Anne-James Chaton (voix) et Alva Noto (musique), 2009 :



Le festival a également accueilli pendant trois soirées un Kaleidoscope performatif, une installation où des « joueurs » (danseurs, musiciens, conteurs mais également le public) proposaient une série de règles du jeu (distribuées au public pour qu’il puisse suivre ce qui se passe sur le plateau) à partir du détournement d’un système invasif de surveillance. Sans mémoire, les caméras de suveillance devenaient ainsi partenaire plutôt qu’outils de contrôle.

Le bâtiment qui accueillait Jonctions, un ancien laboratoire du ministère des Affaires économiques belge, est pour un an aux mains d’acteurs artistiques bruxellois. Pendant les quelques jours que durait le festival de Constant, aux tests sur le caoutchouc et autres substances issues des colonies belges qui ont eu lieu 17, rue de la Senne depuis la Seconde guerre mondiale, s’est substituée une étude à la loupe des données, ces fameuses datas ou littérature grise. Une étude performative, dans une ambiance à la fois studieuse et effervescente. Les « cabinets de référence » s’agençaient autour de la pièce où avaient lieu ateliers et conférences, faisant dialoguer les fameuses données : les livres sélectionnés par le collectif, les sites web, affiches, photos et autres documents qui présentent les projets artistiques liés aux thématiques du festival et qui le mettent en contexte, loin du modèle de l’exposition d’art, mais aussi une sélection de vidéos en ligne, ainsi que des traces des ateliers comme les exercices en calcul humain de Michael Murtaugh.

Les membres du collectif parlant plusieurs langues, tout comme leurs différents collaborateurs, le festival bénéficie d’une très bonne traduction simultanée et multilingue (français, anglais et néerlandais). La même attention est portée à la cuisine (au sens littéral comme au sens figuré des manuels d’instructions) et à l’archive, deux axes forts de Constant. La bonne nouvelle, donc, c’est que grâce au projet Active Archives, les vidéos seront disponibles d’ici peu. Quant aux textes, ils rejoindront Constant Verlag, l’archive qui rassemble les textes publiés sur le site depuis 1997.

anne laforet 

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