Jeff Koons à Versailles, du 10/09 au 14/12, château de Versailles, grands appartements et parterre de l’Orangerie, de 9h à 18h30 jusq’au 31/10 et de 9h à 17h30 du 1/11 au 14/12, entrée 13,50 € (gratuit pour les moins de 18 ans et le 4/10 dans le cadre de la Nuit blanche).
"Rabbit", un intrus s’est caché dans cette image du château de Versailles, il porte des oreilles de lapin, il est signé Jeff Koons. © Collection privee Studio Jeff Koons
< 18'09'08 >
Jeff Koons en vilain (gros) canard à Versailles

Pourquoi le kitsch spectaculaire ne supporte-t-il pas un écrin tel que Versailles ? Les œuvres des plus illustres peintres et sculpteurs, voulues, créées, commandées par le Roi Soleil et ses héritiers, pourquoi ne supportent-elles pas le clinquant d’un artiste tel que Jeff Koons ? C’est le genre de questions qu’on se pose après avoir déambulé au cœur de la manifestation Versailles-off, qui invite Koons, l’artiste sulfureux, l’un des plus plus chers au monde aussi, à Versailles, dans les ors du château...

L’idée sur le papier était pourtant séduisante : confronter l’artiste de la démesure dans la demeure d’un roi hors norme tout en donnant à cet artiste post-pop qui défraye la chronique une rétrospective digne de ce nom dans une institution française. Objectivement, les grands axes de la carrière de l’artiste né à York, Pennsylvanie en 19955, sont retracés en dix-sept de ses pièces, choisies in situ par Koons lui-même. Face aux toiles d’Elisabeth Louise Vigée Le Brun, de Nattier, Boucher, et même de Fragonard, les sculptures de Koons apparaissent comme de simples virgules comiques ou pire, comme une statuaire gonflée artificiellement, soutenue par une communication aiguisée, qui s’essouffle dès sa sortie du cube blanc.

Koons caricaturé, Koons rapetissé

Le secret de Koons réside en partie dans la fabrication de résonances des pièces entre elles. Ainsi, son « Lobster » de 2003 est une pièce du jeu de « Popeye », série de 2007. Déplacer le homard dans le salon de Mars à Versailles, revient non pas à valoriser le patrimoine historique par le décalage du point de vue contemporain, mais à caricaturer l’œuvre de Koons, voire à stigmatiser tous les préjugés sur l’art actuel. Dans cette surabondance de décors, ses sculptures même les plus monumentales, comme « Balloon Dog » (1994-2000) ou « Hanging Heart » (1994-2006) semblent dérisoires.

Laurent Le Bon, le curateur de Versailles Off, avait toujours pris garde dans les éditions précédentes de placer les pièces dans un dialogue avec les éléments du château, créant parfois des rencontres improbables (Christian Lacroix en 2006, Adel Abdessemed, John Armleder en 2007) mais toujours en conservant la justesse d’un propos. Cette année, l’œuvre contemporaine se métamorphose en intrus, en vilain canard qui « gâche » la visite des touristes et des amateurs d’arts.

Tout est une question de dosage. L’humour est un art qui se manie avec finesse : quoi de plus ironique que de placer l’aspirateur (« New Hoover », 1981-1987) dans le garde-manger, plus exactement dans l’antichambre du Grand Couvert ? Raté, on ne voit que le côté intrusif de Koons. La mascarade du cirque médiatique peut commencer : il faut parler de la figure du créateur, de son enfance, etc. Quid des œuvres de Versailles, qui ne se font pas oublier ? Si la volonté de cette manifestation est de choquer ou de faire réagir, elle en devient inutile. Si au contraire il s’agissait d’un dialogue trans-historique, c’est raté. A trop vouloir chercher l’effet pour l’effet, le spectaculaire pour le spectaculaire, ne reste finalement pas grand chose. L’expo est à l’image de l’œuvre « Split-Rocker » (2000), construction fleurie monumentale où la moitié d’une tête de dinosaure jouxte une moitié de tête de cheval de bois. Certains se souviennent encore que cette œuvre fut présentée lors de l’exposition la Beauté en Avignon en 2000 dans un cadre beaucoup moins lyrique que le parterre de l’Orangerie.

Koons n’est pas Coppola

Alors quoi ? Les organisateurs ont-ils voulu surfer sur la vague Sofia Coppola et son « Marie Antoinette » de 2006 ? Si la déambulation adolescente au cœur d’un récit historique, doublée d’un point de vue exotique (regard américain sur l’histoire française) fonctionnait, J. Koons en revanche frise le néant de la pensée diachronique. Du jeu entre les deux histoires, l’aristocratie française et l’Amérique qui se cherche encore et toujours des héroïnes, rien ne reste. A l’instar de son œuvre « Moon » (1995-2000) placée dans la galerie des Glaces fraîchement restaurée, où le spectateur perçoit déformés les éléments décoratifs de cette emblème versaillais.

Et puis, la pudibonderie a fait place à la réflexion. L’absence des sculptures érotiques de Koons, qui auraient pu constituer un point d’ancrage pour redessiner de manière paradoxale les ébats royaux, se fait cruellement sentir. Versailles Off mérite mieux, Jeff Koons aussi.

andré julien 

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< 1 > commentaire
écrit le < 26'09'08 > par < joceallain wm6 wanadoo.fr >
Pourtant le homard dans une salle de Versailles me semble répondre d’une façon pertinente au baroque et surcharge du décor de Versailles .Cette image que je n’ai vue que sur écran m’a totalement ébloui et réjoui et j’ai pensé enfin !