« Space Invader #763 », la vidéo qui suit l’artiste français en action sur l’A3, près de Paris, réalisée par Extermitent, un collectif de vidéastes du Net.
Invader in situ à Paris, après intervention sur un pont. L’artiste a commencé en 1998 à coller ses mosaïques sur les murs de la capitale, avant d’envahir le reste du monde. © Invader
< 18'03'09 >
Invader : autoroute A3, invasion 763, la vidéo

Ni friand des médias ni mondain du monde de l’art, Invader n’est pas trop du genre à faire sa com’. « Space Invader #763 », un clip signé Extermitent qui lui est consacré, est d’autant plus exceptionnel. L’artiste parisien qui parsème le monde de ses collages à l’effigie des envahisseurs n’est pas non plus un total inconnu. Lors des rares vernissages qu’il organise, des dizaines de fans se précipitent pour un dessin de vaisseau griffonné sur une basket, un bras, un tee-shirt tandis que ses œuvres atteignent une cote non négligeable sur le marché de l’art, depuis ses céramiques jusqu’à ses plus récentes pièces, hybrides de Rubik’s Cube et de QR code.

Première d’une série selon ses réalisateurs, la vidéo d’Extermitent productions fournit un prétexte idéal pour faire la lumière sur l’univers d’Invader.

« Space Invader #763 », réal. Extermitent, 03/2009 :



Invader a commencé à coller ses faïences de salle de bains sur les murs de Paris d’abord, puis partout en France et à l’étranger, il y a plus de dix ans, en 1998. Le jeu d’étudiant frustré des Beaux-Arts qui squatte les murs de l’espace public plutôt que les cimaises des galeries s’est progressivement transformé en projet artistique à portée mondiale. Chaque ville investie est considérée comme envahie (après Paris, Londres, Aix-en-Provence, Anvers, Montpellier, Tokyo, Amsterdam…), chaque mosaïque posée est numérotée pour mieux coller au jeu originel.

Invader a ainsi réussi à transposer l’univers de l’un des premiers jeux vidéos d’arcade, Space Invaders, conçu par Toshiro Nishikado pour Taito, en intervention artistique et ludique de ville en ville, inventant l’une des premières réalités augmentées au monde. Toujours solitaire sur son scooter chargé de stickers, il a déployé un véritable arsenal de produits dérivés (cartes des « invasions », photographies à cliquer pour gagner des points sur son site, kits de carrelages pour construire soi-même son petit envahisseur, sculptures et peintures).

Extermitent, un collectif de quatre vidéastes spécialistes des contenus web, était jusqu’ici inconnu de nos services. Mais des gars capables de filmer Syd Matters ou the Dodoz à la Flèche d’Or, de produire des « exterviews » de Jo Dalton ou de Portishead ne peuvent pas être totalement mauvais… « On ne voulait pas faire un film qui soit facile à regarder, mais plutôt un peu sophistiqué, un film épileptique », explique le réalisateur (qui tient à rester anonyme). Le choix d’Invader s’est fait tout naturellement, par affinités personnelles. Surtout pour l’envie de filmer l’artiste in situ, lui qui n’a pas encore les grâces des internautes friands de vidéos de street-artistes à la Blu, primé au dernier festival international du film de Clermont-Ferrand.

Pourtant, Blu n’avait pas encore graffé son premier mur (il est de plus de dix ans son cadet) que l’envahisseur était déjà en haut de l’échelle, à inventer des dispositifs pour accrocher de plus en plus haut (histoire qu’on les voit, mais aussi qu’ils durent) ses variations autour du thème de la Madeleine de jeux vidéo. Mais le street-art est ainsi fait qu’il n’a pas de mémoire et que l’anathème est le premier des modes de communication entre graffeurs et bombeurs, puristes et activistes…

Rectifions donc, à l’usage des jeunes générations (et de ceux qui doutent de la véracité de l’intervention policière vue à l’écran) : oui, lors de cette 763e intervention d’Invader à Paris, sur l’autoroute A3, la police est intervenue pendant plus de deux heures. Certes, Invader n’a pas été arrêté ni verbalisé, mais c’est plutôt un heureux hasard : les policiers ont appelé leurs collègues de la brigade de l’autoroute, les ont attendu deux heures, puis se sont lassés et sont partis. Mais Invader, comme nombre d’artistes de rue, s’est fait arrêter plus souvent qu’à son tour, les policiers ne pratiquant guère de distinction entre street-artistes et graffeurs (voir à ce sujet l’arrestation exemplaire d’un ami d’Invader aux Etats-Unis, le célébrissime Shepard Fairey, conduit en prison au moment même où il devait assister au vernissage d’une énorme exposition lui étant consacrée à Boston)… Grandeur et ambigüité d’une mouvance artistique à peine tolérée par les autorités et encensée par le marché…

annick rivoire 

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