Nicolas Frespech est un artiste que poptronics aime plus que modérément et qui nous le rend bien, en nous envoyant ici ou là quelque chronique, humeur, visite d’exposition depuis le Sud où il habite. Après des mois de harcèlement sur le thème « c’est pour quand poptronics sur mobile ? » et malgré sa propre actualité (au Lux et aux Beaux-Arts de Valence), il a pris sa plus belle souris pour faire le point sur l’Internet mobile. En expert mobinaute qu’il est.
Mon fond d’écran charcuterie (entendez celui de l’artiste Nicolas Frespech). © NF
< 04'03'09 >
Artistes et éditeurs, attendus du mobile

Et une pub télé de plus pour vanter la nouvelle application iPhone... Un morceau passe à la radio, tu lances ton application qui va reconnaître le morceau et tu es invité ensuite à le télécharger moyennant finance sur ton téléphone Apple. Ces logiciels sont des widgets qui rencontrent un très grand succès. Presque tout le monde peut en développer, il suffit d’avoir un Mac et le logiciel de développement qui convient. On peut ensuite mettre à disposition sa création et pour certains la vendre en partageant les bénéfices avec Apple. Existent déjà tous les outils pratiques pour gérer ses courriels, accéder à des dicos, de géolocalisation qui te permettent de savoir où est ta chérie et des trucs plus fun comme le briquet qui s’allume quand on passe le doigt dessus, sans oublier les jeux qui ont fait l’objet d’une autre chronique sur Poptronics.

Si personnellement, je ne suis pas fanatique de l’Iphone, je dois reconnaître que l’objet et sa communication ont radicalement changé la culture mobile : l’iPhone c’est « simple », c’est « cool », tout le monde en a parlé, donc tout le monde a su que l’Internet mobile était possible -pour info, c’était bien avant novembre 2007 ! On pourrait critiquer cette arrogance et ce talent marketing à développer un usage pour mieux se remplir les poches. On préfère inviter les utilisateurs à s’approprier ces outils pour en proposer d’autres, d’usages ! J’ai d’ailleurs profité du lancement du mobile d’Apple fin 2007 pour participer à une Master Class des e-magiciens (les Rencontres européennes de la jeune création numérique, à Valenciennes) en proposant aux étudiants de réfléchir à de nouveaux usages mobiles : ça n’a pas été très simple et s’est avéré être finalement une expérience plutôt frustrante.

J’ai également testé le développement d’applications sur monde PC et pour les systèmes d’exploitation (OS) Symbian, le « cerveau » des mobiles Nokia notamment, avant le lancement d’Androïd, le système d’exploitation mobile conçu par Google. Tout ça en attendant le développement d’un OS vraiment libre. 
Concevoir des widgets pour mobile s’avère assez simple, des codes circulent qu’on peut adapter pour réaliser son propre programme en quelques clics. Son widget peut alors fonctionner comme un logiciel indépendant ou comme un simple raccourci vers l’Internet, comme celui qu’offre Femme Actuelle à ses lectrices geeks ! Histoire de me faire la main, j’ai développé un petit jeu aléatoire : un peu de code HTML (Hypertext Markup Language, le langage de programmation du Web), un peu de copier-coller de langage JavaScript et voilà, c’est pas compliqué la mobilité !

Nokia aimerait bien rencontrer le même succès qu’Apple sur le marché des Widgets et du partage de bénéfices. Le constructeur met à disposition des mobinautes une plateforme de téléchargement pour tous les développeurs. Je suis parti en exploration des contenus proposés : fonds d’écrans, applications pour jouer à la guitare ou jeux pour la console virtuelle N-Gage, un truc pour exploser les bulles d’emballage, quelques animations kitchs (oiseaux qui volent en Gif animé)... rien de vraiment artistique.

Dans le top des téléchargements, je charge directement sur mon mobile Hot Kiss, la vidéo d’un jeune couple asiatique qui pratique le french kiss pendant quelques minutes. On voit la langue, le mec ouvre même les yeux, ils sont habillés… Rien de porno là-dedans, mais une impression super étrange. Cette vidéo a été chargée plus de 240.000 fois ! Je ne sais pas où ils vivent, ni s’ils sont amants ou jeune couple d’amoureux. La vidéo a dû être tournée avec un mobile, je n’arrive pas à savoir si une personne les filme ou si c’est la fille ou le garçon qui tient la caméra. Au fond de la pièce, un bouquet de fleurs et un portrait. Je pense à Agnès de Cayeux, Annie Abrahams et Nicolas Thély...

Je replonge au début des années 2000, quand j’étais chargé de cours à l’université et que nous travaillions avec des étudiants en arts plastiques sur l’idée de l’atelier mobile, clin d’œil à la toile de Courbet « Bonjour Monsieur Courbet » (1854). Le mobile était déjà multimédia, on pouvait prendre des photos, des vidéos, les éditer, les partager, les archiver... le téléphone mobile devenait tour à tour studio d’enregistrement, galerie...

Aujourd’hui, tous les mobiles font ça mais en mieux, APN de haute qualité, connexion à Internet par Wifi ou 3G... Pourtant, il y a toujours aussi peu d’initiatives artistiques et éditoriales. Chacun organise sa mémoire privée, l’indexe comme il peut, porte dans sa poche sa mémoire multimédia mobile avec d’énormes problématiques à venir autour de l’archivage de ces données. L’accès aux contenus mobiles, malgré les offres dites illimitées, n’est pas simple, les opérateurs téléphoniques n’aiment pas que les internautes aillent voir ailleurs, comme sur le Off Portal qui regroupe les contenus indépendants ou hors contrat. Mais il reste compliqué de taper directement une URL sur son mobile. Et au final, l’utilisateur est souvent déçu par ce qu’il peut trouver hors portail : des clips sexy, des rubriques people, des infos sportives... et tout une gamme d’offres marketings liées à différentes marques.

D’autres moyens ont été imaginés pour faciliter l’accès à l’Internet mobile, comme les codes visuels (QR code...). Mais les opérateurs regroupés au sein de l’AFMM (l’Association française du multimédia mobile) n’y sont pas spécialement favorables : qui dit accès indépendant dit perte de connexions sur le portail propriétaire… La société française Mobile Tag vient ainsi de signer un partenariat avec la RATP pour équiper les abribus de Flashcode, une autre technologie propriétaire. On peut déjà regretter ce choix au détriment de solutions plus souples et plus ouvertes, comme le code DataMatrix. Tout le monde s’y met, même la Poste, qui vient de lancer un service de timbre à domicile : on choisit un motif un peu kitch et on imprime ses timbres (quand ça marche, je viens de perdre 5euros…), qui ne sont rien d’autres que d’astucieux codes-barre 2D.

Alors quoi, développer des contenus pour mobile n’est pas si compliqué et je dois avouer une certaine déception en matière de création indépendante, artistique et visuelle. Le gros business se met en place et personne ne semble bouger. Trop geek pour les uns, trop net-art pour les autres ?...
 Vous autres, artistes et éditeurs, pensez donc mobile indépendant et créatif ! A propos, Poptronics sur mon téléphone, c’est pour quand ?

nicolas frespech 

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< 1 > commentaire
écrit le < 03'08'09 > par < mister.n eqz laposte.net >
Pas simple de se retrouver dans le monde des éditeurs. Apple s’amuse à censurer les applications de Google et autres propositions indépendantes. Nokia se plante avec son Ovi store désespérément vide (pour proposer une appli c’est 50 euros…), alors que Mosh fonctionnait plutôt bien. Palm n’arrive pas non plus à s’en sortir…c’est la foire question gros sous !