Le 3/04 au Festival Exit, exposition Nouveaux monstres (18h-0h00), la performance de Yann Marussich, « Bleu Remix », à 19h30, le concert audiovisuel de Ryoichi Kurokawa, « Rheo Triptych 5.1 » à 22h, et les projections du festival Nemo à 23h, 14€-24€, Maison des arts de Créteil,
Le 4/04 au Festival Exit, exposition Nouveaux monstres (18h-0h00), la performance de Yann Marussich, « Bleu Remix », à 19h30, et soirée Kill the DJ à partir de 22h (avec notamment Krikor live et Discodéine), 14€-24€, Maison des arts de Créteil, Métro Créteil Préfecture, retour en navette gratuite jusqu’à la Bastille.
Yann Marussich suintant le bleu naturellement, une performance extrême, à voir ce 3/04 à Créteil. © DR
< 03'04'09 >
Exit, monstre-moi tout

Le week-end s’annonce particulièrement chargé pour l’amateur de « hors piste culturels », entre nouveaux cinémas (festival Nemo au forum des images), cinéma hors-genres (Hors-Piste à Beaubourg) et mix-médias éclectique (Exit à Créteil). Les«  Nouveaux monstres » de la Maison des arts de Créteil ont l’avantage de permettre un picorage culturel goûteux, la recette du festival Exit depuis ses origines : de la scène, des expos, des curiosités (performances, sets de DJ’s), des créations et un sérieux goût pour la recherche de formes aventureuses. Evidemment, d’autres qu’Exit défrichent désormais les mêmes territoires, sans forcément son savoir-faire qui mélange l’in situ et l’ailleurs, les installations interactives simili-envoûtantes et les avant-gardes scéniques exotiques (spéciale dédicace au spectacle argentin de Claudio Tolcachir, « Le cas de la famille Coleman », un concentré de « famille je vous (h)ai(n)me » qui vire du drôlatique au carrément triste avec un texte au cordeau, des comédiens excellents et une mise en scène sans esbroufe, qu’on a vu en début de semaine).

En guise de bouquet final du festival, donc, la performance d’un Suisse extrême, Yann Marussich, primé au dernier Ars Electronica dans la catégorie « hybrid art », pour « Bleu Remix ». Qu’il rejoue ce vendredi. Mais peut-on vraiment parler de rejouer ? L’artiste formé à la chorégraphie et à la performance en modifie à chaque édition la bande son en faisant appel à des compositeurs ou DJs différents, la plupart du temps locaux. Ce vendredi soir, c’est Chloé qui s’y colle. Et puis, « Bleu remix » est en soi une version allégée de « Bleu provisoire » créée en 2001. Le principe ? Yann Marussich est installé dans un caisson, son corps suinte par tous les pores de sa peau une couleur bleuâtre. Une performance angoissante dans sa lenteur et son immobilisme, où le public suit la progression de la sueur, la morve et de toutes ses secrétions, tandis que le musicien remixe les sons corporels. Le temps s’écoule, le corps possède sa propre temporalité et semble faire un pied de nez à l’ambiance musicale oppressante. La pièce de Marussich dérange par son absence même d’artifices spectaculaires. Certains spectateurs impatients cherchent en vain la clé pour analyser le processus en cours, s’approchent au plus près de la boîte en verre, scrutent le corps… Mais il n’y a rien à voir, sinon ce déroulement imposé par l’anatomie. Ecouter, observer comment le son joue avec les fluides corporels qui s’écoulent et tenter de comprendre comment cette pièce étiquetée bio-art joue sur l’idée d’un abandon du mouvement visible pour ce que Marussich nomme micromouvement. Quand le son s’arrête, le caisson s’éteint et laisse le spectateur face à de nombreuses interrogations.

« Bleu Remix », Yann Marussich, FACT Liverpool (son : Corporate Athlete), janvier 2008 :



Pour se remettre de cette expérience extrême, les « nouveaux monstres » plutôt gentils de l’exposition feront l’affaire. Ne pas chercher à Créteil une exposition qui remette en cause l’histoire de l’art ou fasse avancer la pensée. Même si certaines pièces sont extrêmement brillantes, intéressantes, intrigantes, l’ensemble verse comme toujours côté ludique. Ce parti pris façon fête foraine aux nouvelles technologies peut légitimement agacer plus d’un intello. Cependant, le plaisir évident des familles qui viennent et reviennent d’année en année, de même que l’accompagnement des jeunes bénévoles de la MAC pour convaincre, expliquer, encadrer le public qui découvrir ces pièces fait qu’on peut difficilement se boucher le nez. Certes, la plus belle pièce de l’exposition, « Desire of Codes » (2007) de Saiko Mikami, est à moitié bouffée par son emplacement : ce mur de lumières bleutées qui réagit à la présence et au mouvement en dardant ses petits yeux sur le visiteur est parasité par l’installation hyperludique et néanmoins hyperefficace du britannique Philip Worthington, « Shadow Monsters » (2005), qui joue des effets d’ombres chinoises du spectateur (jusqu’ici, rien de très original), en lui faisant pousser des extensions graphiques et sonores figurant des monstres et rugissant ou grognant comme tels. Du prototype à la version finale, « Shadow Monsters » a fait le tour du monde, on est contents de la voir enfin en France...

« Shadow Monsters », Philip Worthington, Moma, avril 2008 :



On retrouve aussi avec grand plaisir les machines hystériques du Canadien Bill Vorn (« Hysterical Machines », 2002-2004) qui s’agitent et réagissent au son des visiteurs, telles de grosses araignées aux pattes d’acier.

« Hysterical Machines », Bill Vorn, extrait 2008 :

Pour plonger dans un état plus contemplatif, on recommande le gong « Cosmos » de Félicie d’Estienne d’Orves, une installation cinétique qui joue avec la lumière, la persistance rétinienne sous forme conique. A déguster allongé sur les coussins, pour se laisser hypnotiser par le spectre lumineux rose rouge orange et la composition musicale minimaliste de Frédéric Nogray. Et pour se remettre en train avant le concert vendredi de Ryoichi Kurokawa ou la soirée Kill the DJ de samedi, un petit tour dans les coulisses du théâtre (un des plaisirs d’Exit consistant à ouvrir tous les espaces de la MAC pour en faire des lieux d’exposition insolites) pour découvrir le cinéma à recomposer soi-même du belge Boris Debackere. Présence et mouvement des visiteurs permettent d’entrer dans le temps du film, de le moduler, d’en ralentir l’exécution, d’approcher au plus près ce qui ressemble à la peau d’un lézard géant. Ça s’appelle « Probe » (2008) et en voici un extrait.

« Probe », Boris Debackere :

Pour achever la soirée vendredi, la dernière création de Ryoichi Kurokawa, un live audiovisuel dont on a pu découvrir la version bêta en avant-première à Maubeuge, dans le cadre du festival Via. On retrouve les mêmes recettes qui ont fait le succès du célèbre Japonais, qui, pour troubler notre perception, combine et rejoue depuis sa banque d’images les photographies de paysage réalistes et d’autres plus abstraites sur des mélopées électro-pulsées. « Rheo » diffuse sur trois écrans une seule vision d’architecture scandée, striée par les effluves sonores. Les sons enveloppent l’espace, viennent petit à petit rythmer, scinder, découper, tronquer et enfin suturer l’image.

Oubliez les balades baudelairiennes, ici la flânerie n’a pas sa place. L’enjeu de cette performance A/V réside dans une nouvelle approche des mutations urbaines : comment le son vient parasiter le ou les bâtiments, comment aussi le son se sert des immeubles et des autoroutes pour s’épanouir. Les ondes musicales parcourent les images diffusées sur trois écrans géants afin d’instaurer un dialogue ambigu, sorte de constat métaphorique de l’évolution urbaine. Parfois à la limite de l’assourdissement, les sons rentrent à l’intérieur des images pour les modifier. Plus surprenant encore, le passage en milieu naturel, comme si l’écho de la ville n’était plus rien face à l’ampleur des falaises, des fleuves, etc. Panorama visuel et sonore, la ville se conjugue sous le signe de la diffraction à l’heure de la globalisation des métropoles. Ryoichi Kurokawa distille du spectaculaire et donne à réfléchir. Que demande le peuple ?


« Parallel Head », Ryoichi Kurokawa, Transmediale de Berlin, janvier 2009 :

annick rivoire et cyril thomas 

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