Interview de Graham Daniels, d’Addictive TV, à propos du remix/mash-up officiel de « Slumdog Millionaire », le film de Danny Boyle dans les salles ce mercredi. A voir ci-contre et sur le site d’Addictive TV.
La bande annonce remixée façon AV par l’équipe d’Addictive TV, nouvel exercice de style ou promotion efficace ? © DR
< 14'01'09 >
Addictive TV remixe « l’énergie et la saveur » de Slumdog Millionaire

Faut-il y voir une nouvelle forme de promotion ou de création (ou les deux) ? Les allumés d’Addictive TV, virtuoses du remix audiovisuel et du sample sonore, composent à partir de quelques samples d’images et des bandes-son cinématographiques des séquences vibrionnantes et dansantes. On les connaît plutôt pour leurs sets de VJ’s qu’en rejetons d’Hollywood. Et pourtant, après « Iron Man » (dont poptronics vous avait déjà parlé), les voilà qui remettent le couvert avec le mash-up délirant de « Slumdog Millionaire », le film déjà culte du réalisateur Danny Boyle, qui sort ce mercredi en France et cartonne un peu partout dans le monde. Un mash-up commandé par la production (Pathé Distribution) comme un argument marketing pour voir le film en salles. Avant de retrouver les Addictive TV sur scène en France à Perpignan, au Tilt Festival le 13 mars prochain, autour du concours Cine Remix Online, Poptronics a soumis à la question Graham Daniels, d’Addictive TV.

Le mash-up de « Slumdog Millionaire » par Addictive TV, 2009 :



La bande annonce « classique » du film de Danny Boyle « Slumdog Millionaire » :



Poptronics : Quelle était votre latitude pour remixer « Slumdog Millionaire », aviez-vous accès à la totalité des images pour cette bande-annonce remixée ?
Graham Daniels : Nous avons eu accès à la totalité de « Slumdog Millionaire » et pouvions piocher dans les pistes audio des dialogues et des effets sonores pour les sampler. Le remix de la bande-annonce seule est possible mais c’est beaucoup plus difficile, c’est toujours mieux de travailler avec le plus de sources originales possibles. Quand nous avons remixé « Iron Man », c’était à partir de bandes-annonces, puisque les studios Paramount n’étaient pas très chauds à l’idée de sortir la totalité du film des mois à l’avance, ce qui a rendu le remix vraiment difficile mais ça a quand même marché, quoique nous avions là aussi accès aux différentes pistes audio. Avec « Slumdog » comme pour tous nos remixes, le travail vidéo étant réalisé en même temps que l’audio, nous sommes passés directement à la confection du morceau, ce que nous faisons étant une sorte de croisement simultané entre la production musicale et le montage ! Et maintenant que le long métrage cartonne au box-office partout dans le monde, qu’il a gagné quatre Golden Globes et plein d’autres prix, et qu’il est pressenti pour l’Oscar, toutes les longues nuits que nous avons passées à suer et transpirer dessus, le valaient bien…

Avez-vous pris le temps de discuter avec Danny Boyle de son film ? A-t-il vu votre bande-annonce et était-il d’accord avec l’idée du remix ?
Nous n’avons pas eu de discussion artistique avec Danny Boyle sur le remix de son film même si nous l’avons rencontré dans le passé. Et oui, il a vu le remix achevé de « Slumdog » et avait également vu notre travail auparavant et voulait que nous remixions le film. A l’origine, il y a eu ce grand reportage du « Times » sur nous, qui a eu comme conséquence que nous avons été chargés de remixer la comédie des studios Ealing « Easy Virtue » (avec Kristin Scott Thomas qui sortira au printemps 2009 en France, ndlr), pour Pathé et qu’ils ont immédiatement voulu que nous fassions le remix de « Slumdog Millionaire », qu’ils ont montré notre travail à Danny, qui avait particulièrement aimé « Take The Lead » (sorti en France sous le titre « Dance With Me ») et a accepté immédiatement. De toute manière, je le considère comme un vrai compliment que des producteurs et réalisateurs aient envie que nous remixions leurs films, c’est une sorte de confirmation que ce que nous faisons est bien : croyez-moi, les gens du cinéma n’aiment généralement pas qu’on remonte leurs films pour jouer avec. Avoir leur confiance pour le faire est plutôt un honneur.

Quelle est la proportion de musique originale dans ce remix ?
Comme tous nos remixes de films, la totalité est une composition originale. Nous avons composé la musique à partir de samples de sons du film, pas sa partie musicale, mais uniquement les dialogues et les sons diégétiques, c’est-à-dire les sons que les personnages du film entendent parce qu’ils font partie de l’action et sont partie prenante de l’univers du film. Dans le cas de « Slumdog », cela recouvre à peu près tout, depuis le cliquetis rythmique des trains sur les voies ferrées, les pseudo-roulements de tambours que produisent les enfants courant le long de vieux toits de tôle ondulée, jusqu’à ces sons plus objectivement proches des percussions comme celui de Latika, l’héroïne dansant avec des clochettes autour de ses chevilles et de son professeur tapant des mains, tous peuvent être utilisés pour créer le rythme. En même temps, le remix audio/visuel du film oblige à ce que les samples soient à la fois beaux à entendre et à voir : vous devez penser aux deux médiums en même temps. Avec « Slumdog », nous avons passé des journées entières à sampler le film en entier, à la recherche des meilleurs samples audio/visuels, et nous avons construit la musique en choisissant les samples parmi une petite centaine et simplement essayé différentes idées et regardé si elles marchaient, comme n’importe quel compositeur essayant différentes notes et différentes séquences et qui observe comment elles marchent pour créer sa mélodie. Nous avons utilisé à la fois les enfants courant le long des canalisations géantes d’égouts et l’extrait de la course sur le toit dans la mesure où elles sonnaient comme de fantastiques percussions tribales, et nous avons juste composé à partir de là.

Votre bande-annonce ne ressemble à aucune autre, elle est plus proche d’un travail de VJ’ing que de l’objet de promotion pour un film de cinéma. Est-ce dû au fait que cela devait ressembler à une promotion virale sur le Net ou qu’il s’agit du style Addictive TV ?
Cela n’a rien à voir avec la nature virale de sa diffusion, c’est simplement notre regard et notre son, comme on dit d’un groupe qu’il a un son particulier. Nous avons essayé d’accentuer le multifenêtrage cette fois-ci et c’est une piste que nous avons commencé à développer avec l’installation vidéo « Sportive » que nous avons créée pour une immense exposition Adidas en Chine pour les jeux olympiques de Pékin 2008. Dans ce projet, nous avions créé la musique uniquement à partir des ambiances sonores sportives. Cela a beaucoup influencé notre façon d’aborder le remix de « Slumdog Millionaire », dont nous avons construit la première partie uniquement avec les sons digétiques du film. Il y avait tellement de matériau génial dans « Slumdog » que nous voulions utiliser, que le multifenêtrage était le moyen le plus évident de le faire. Et puis, ce film a une structure narrative tellement complexe que nous avons suivi le seul conseil artistique qu’on nous ait donné, à savoir ne pas nous laisser dépasser par le fil de l’histoire et nous concentrer sur la façon de transmettre musicalement l’énergie et la saveur du film.

« Sportive », par Addictive TV, 2008 :



Vous avez commencé les remixes audiovisuels sans autorisation et encore moins à la demande des réalisateurs. Prenez-vous cette commande comme une reconnaissance ? Ne pensez-vous pas qu’elle peut être perçue uniquement comme une nouvelle façon de faire du marketing pour convaincre le public d’aller voir le film ?
C’est vrai que nous faisons aussi des remixes de bootlegs et certains, comme « The Italian Job » (« Braquage à l’italienne », 2003, ndlr) sont plutôt connus dorénavant et font partie des classiques de nos performances live. Nous jouons un peu partout sur la planète et souvent remixons des films en direct : nous avons conçu il y a quelque temps pour un club en Chine un remix de « Tigre et Dragon » et complètement remixé le fantastique « Cité de Dieu » (du brésilien Fernando Meirelles, ndlr) pour un énorme festival au Brésil où nous avons joué en 2007. Et je n’oublie pas de mentionner le remix très spécial (mais pas cinéma) que nous avons fait l’an dernier à la demande de Moby pour l’ouverture du festival South by Southwest à Austin (Texas) où nous avons joué un remix du héros local Willie Nelson. Nous pensions qu’on nous jetterait des bouteilles mais tout s’est bien passé en fait.
De plus en plus de gens viennent nous voir pour nous demander de remixer leur boulot. Nous le prenons comme une reconnaissance positive de notre travail. Evidemment quand un studio vient nous voir, ce qu’ils veulent, c’est pousser les gens à aller voir le film dans les salles. La plupart des œuvres d’art les plus importantes, des sculptures de l’antiquité aux peintures de la Renaissance jusqu’aux formes plus modernes de l’art comme le cinéma, ont été conçues via le mécénat et la commande ou à l’intérieur des studios et de leurs structures de financement commerciales. Nous ne voyons pas quel mal il y aurait à mixer art et commerce, aussi longtemps qu’il s’agit de la bonne recette pour faire un plat goûteux… !

annick rivoire 

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