Battle par interview interposée d’Abdel Bounane, fondateur d’« Amusement »,, trimestriel « videogames interaction style inspiration », numéro 1 (juin-juillet-août 2008) 196 pp., 8,90€ et de Christophe Conte, rédacteur en chef de « Volume », le mensuel musical des « Inrocks », numéro 2 en kiosques le 11 juillet, 4,95€.
Haut-de-gamme, Amusement entend traiter les jeux vidéo comme un pan contemporain de la culture. © DR
< 21'07'08 >
Volume/Amusement, rejetons papier de culture numérique

Les pros de la presse disent qu’il n’est pas bon de lancer un nouveau titre en juin, juste avant l’été et le traditionnel ralentissement de l’activité. Poptronics, qui s’est lancé en juin 2007, n’y a pas cru, tout comme visiblement deux nouveaux titres papier qui chacun viennent augmenter l’offre en matière de culture, le mensuel « Volume », nouveau rejeton des « Inrocks » thématisé musique et net-culture, et le trimestriel haut-de-gamme « Amusement », qui voudrait devenir la plate-forme créative et critique des loisirs numériques.

Poptronics, trop content de voir débarquer d’autres camarades sur le terrain de jeu de la culture digitale, est allé interroger leurs responsables éditoriaux pour confronter leurs démarches. Christophe Conte est rédacteur en chef de « Volume » tandis qu’Abdel Bounane, qui avait en son temps co-fondé le site Hardcoregamers.com (avant son rachat par LVMH et Europaweb en 1999) et officie aussi bien comme consultant pour Playstation que comme chroniqueur sur France Culture, est le directeur de la publication et rédacteur en chef d’« Amusement ».

La formule

Abdel Bounane : « Amusement » est un magazine international tiré à 30000 exemplaires, aux collaborations prestigieuses. La moitié du contenu sera en anglais dès le numéro 2. C’est un journal qui veut décloisonner le discours et changer la perspective sur le jeu vidéo. Parce que le jeu vidéo est un art total (qui utilise l’architecture, le design, l’art…), il nous a paru intéressant de partir à la rencontre d’autres modes d’expression, de développer la confrontation avec ces médias non interactifs qui le constituent. A la fin des années 70 et toute la décennie 80, la presse techno a commencé à s’intéresser au jeu, puis, dans les années 90, ce sont les amateurs, les gamers qui ont construit une presse type « Joypad », avec un côté un peu fanzine. Au milieu des 90’s, les businessmen se sont intéressés au secteur. En trente ans cependant, à aucun moment le jeu vidéo n’a bénéficié d’un traitement critique, transversal, et n’a su s’adresser à des lecteurs qui ne sont pas des techniciens du jeu. La gamme des loisirs interactifs est totalement explosée et atomisée dans l’esprit des gens, finalement seuls des experts ou des journalistes font le lien entre les hacktivistes du GPS et GTA par exemple. Trimestriel, nous ne sommes pas dans la frénésie de l’actu et ne ferons pas l’AFP du jeu. Nous sommes à l’autre bout du spectre. Par rapport à la presse papier féminine, nous sommes plus proches d’« Elle » et de « Vogue » que d’« Isa ».

Christophe Conte : Pendant des années, la presse musicale a eu pour rôle premier la découverte. Aujourd’hui il s’agit de donner des repères, les points de liaison entre genres, comme des liens hypertexte dans la vaste arborescence qu’est la musique. Les jeunes sont aujourd’hui dans un rapport dispersé à la musique, et nous avions le sentiment qu’il fallait une forme de régulation, avec notre patte et nos moyens, en nous inspirant d’une certaine presse anglaise qu’on aime et qu’on jalouse un peu, en jouant sur les contrastes très forts entre des formats très courts et des sagas. Donner à la fois envie avec des infos plus neuves et fraîches, interactives, triées du Net et offrir en contrepartie des choses qu’on ne peut pas trouver en ligne.

Le modèle économique

Christophe Conte : On n’a pas choisi la facilité. Dans l’histoire des « Inrocks », beaucoup de choses ont marché à l’instinct, nous ne sommes pas partis de rien mais du constat d’un essoufflement éditorial plus que commercial des hors séries mensuels. Le projet de longs papiers historiques et de quelques brèves a beaucoup évolué, nous n’avons pas fait le calcul en terme d’une possible cannibalisation des « Inrocks » par « Volume » : aujourd’hui, les « Inrocks » proposent en moyenne un papier musique par semaine et des chroniques, c’est loin de couvrir tout ce dont on a envie de parler. Notre point d’amortissement se situe à 15000 exemplaires mais nous manquons de moyens et très clairement il va nous falloir renforcer l’équipe !

Abdel Bounane : Nous produisons nous-mêmes les publicités du magazine en fonctionnant comme une agence virale de communication. Nous faisons ce qu’on appelle du « programming », c’est à dire du placement d’une marque comme Adidas dans une série de mode ou Gran Turismo dans une production photos. Nous ne sommes pas dans la critique pure et simple des jeux mais nous proposons des traitements hyper-anglés, par exemple : est-ce que GTA n’est pas l’élément le plus pop de notre culture contemporaine ? Nous ne ferons pas non plus le test de MGS4 (Metal Gear Solid 4) mais analyserons les liens entre MGS et le cinéma, et ce, par quelqu’un qui est en train d’écrire un livre sur le sujet.

Les plus

Abdel Bounane : Ce n’est pas une revue où ne bossent que des potes, je n’ai pas cherché la facilité mais des connexions culturelles en construisant une dream team, les meilleurs dans leur genre (Hans Ulrich Obrist, critique d’art, Aurélien Bambagioni, artiste, Mouloud Achour, chroniqueur sur Canal, Clive Thomson, chroniqueur pour le « New York Times », Grégoire Alexandre, photographe, Cory Doctorow, de Boing Boing, ndlr…). Mais c’est une rédaction extrêmement mouvante, nous sommes 5 ou 6 en fixe, avec l’avocat Jean-Baptiste Soufron, ex de la Wikipédia fondation et conseiller éditorial. Et puis, le jeu vidéo n’est « que » la version alpha d’un média plus large, qui comprend tout le divertissement et l’aspect médiatique de la culture interactive, qui va advenir. Attendez le numéro deux en septembre…

Christophe Conte : Une de nos cartes maîtresses, c’est de faire la couv’ avec les Stones, voire Led Zep ou ACDC, des références que les jeunes ne connaissent pas aussi bien que Radiohead par exemple. Nous voulons leur faire remonter le courant comme un guide de montagne, pour faire le mag musical de 7 à 77 ans, en considérant la musique comme un ensemble hors des coteries et des tribus. Nous avons aussi des partis pris forts : aucun journal, même anglophone, n’a jamais fait 8 pages sur Dennis Wilson, le batteur des Beach Boys, comme dans le numéro 1. Nous avons une vocation généraliste, ni trop patrimoniale ni trop avant-garde, pas totalement tiède non plus, avec un ton incisif pour éviter de finir dans le ventre mou de la presse. Dans le numéro 2, nous proposons 40 pages sur les 200 disques qui ont changé la musique.

annick rivoire 

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