« Global Techno Vol. 1.1, l’authentique histoire de la musique électronique », Ariel Kyrou, Jean-Yves Leloup, Pierre-Emmanuel Rastoin, Jean-Philippe Renoult, 704 p., réédition augmentée, 2007, éd. Scali, 29 €.
Detroit, la ville matrice, celle où tout a commencé, entre ruines industrielles et rythmiques syncopées. © Pierre-Emmanuel Rastoin
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Le tour du monde en « Global Techno »

« Global Techno », le livre de chevet d’une génération biberonnée au laptop, au séquenceur et aux nuits blanches, connaît une deuxième vie méritée. Et ce n’est pas parce que l’un des auteurs de ce voyage en sono mondiale contribue allègrement et allegro à poptronics (en l’occurrence Jean-Philippe Renoult) qu’on allait se priver d’en parler (au contraire, c’est l’occasion de vous faire profiter en prime de quelques morceaux choisis, prochainement en rubrique pop’etc).

En 1999 donc, « Global Techno » avait marqué, par sa façon d’envisager la chose techno comme un territoire à cartographier, et permis des rencontres inédites avec les fondateurs et les héritiers, où les récits incarnés et vivants rendaient à merveille la petite flamme qui anime les hommes. Car l’esprit techno originel est comme ce feu qu’il faut entretenir en permanence. « Global Techno » est une invitation à voyager de Detroit-la-matrice à Berlin, d’Ibiza à Sheffield ou Tokyo, dans une sorte de techno tour en treize villes-monde et autant de tranches de vies souvent touchantes.

Aux manettes, un trio de connaisseurs acoquiné à un photographe de talent (peu mis en valeur par cette réédition, dommage, un portfolio quadri s’imposait…), Jean-Yves Leloup, journaliste et auteur de « Digital Magma », co-fondateur de Radiomentale, Jean-Philippe Renoult, journaliste « artisan sonore », Ariel Kyrou, ancien d’« Actuel » et auteur de l’érudit « Techno Rebelle », et enfin Pierre-Emmanuel Rastoin, qui a suivi avec son appareil photo les cultures électroniques. La fine équipe a procédé à une sorte de Yalta techno, à toi Londres, à moi Detroit, à nous Paris !, pour un résultat très homogène, qu’on peut consulter aussi, chose amusante, comme un guide de l’underground mondial, passé et présent.

Les ajouts par chapitre, réactualisant l’état de la techno mondiale, permettent de réaliser qu’une petite décennie a suffi pour tuer l’esprit originel de Sonar, petit festival pour oreilles averties transformé en énorme manifestation populaire passée du côté obscur de la force (en dépit d’une programmation maousse). Ou que les DJ’s historiques (Carl Craig, Derrick May et Juan Atkins) se sont mis à thésauriser sur leur glorieux passé, en cachetonnant de clubs en festivals simili-raves pour décliner leur techno labellisée « mythique » à mille lieues de l’esprit frondeur, hédoniste et communautaire fondateur du genre. Laurent Garnier notamment ne mâche pas ses mots, qui suggère que les pères fondateurs ont peur et se sentent dépassés.

Même si cette réédition laisse au fond de la gorge comme un arrière-goût de nostalgie, elle ouvre sur les méandres des musiques actuelles. La musique électronique, univers par essence très open source, se régénère en agrégeant d’autres genres et disciplines, rock, art contemporain, multimédia et performances audiovisuelles (on conseillera ainsi les séquences tokyoïtes et montréalaises du bouquin). Les douze entretiens au long cours avec des figures incontournables (Kraftwerk, Coldcut, Luc Ferrari…), composent un portait chinois de la techno, où l’on se surprend – même pas honteusement ! – à préférer la modestie et l’enthousiasme de Jean-Michel Jarre aux ellipses d’Aphex Twin ou à l’esprit de sérieux de Pierre Henry.

Ce « Global Techno » indispensable s’accommode parfaitement avec le DVD « High Tech Soul : The Creation Of Techno Music » et le classique de Luigi Russolo, « L’art du bruit » (réédité chez Allia), plus que jamais d’actualité...

Pop’surf en hommage à l’histoire toujours contemporaine de la techno.

1979, aux origines de la scène française. Patrick Vidal, héros du synthé-punk avec Marie et les Garçons aujourd’hui DJ reconnu, dans « Rebop » (on notera l’allusion à Christian Marclay sur cette vidéo anonyme) :



1981, Kraftwerk, en roue libre, « Heimcomputer Live » :



1998, « Alec Empire Vs. Elvis Presley », Alec Empire livre dans « Global Techno » un long texte politique et très lucide sur la scène techno allemande :



1999, Aphex Twin, pour son côté enfantin méconnu, « Nannou » (réalisation Laurent Briet) :



2001, la paire Kruder & Dorfmeister a porté haut la scène down tempo viennoise pendant les années 90, comme ci-dessous avec le remix de leurs compatriotes Sofa Surfers par Richard Dorfmeister (réalisation Tim Novotny), « Sofa Rockers » :



2001, Daft Punk, quoi qu’en disent les puristes, marque la techno de son empreinte en trois mots : recyclage, hédonisme, expérimentation. Etonnante interview pour la télé japonaise à la sortie de « Discovery » :



2005, Richie Hawtin, l’élégant canadien méché et son univers « total control », « DE9 Transitions » :



2005, Ellen Allien, éternelle berlinoise, élégante sur album mais sauvage en live, « Down » (sur « Thrills ») :


2006, Jeff Mills, le roi en son jardin, « The Bells live » au Sonar :



2007, Laurent Garnier le vétéran, interviewé par ZikAddict (Lolo, « Perfect Day », c’est signé Lou Reed, hein...) :

benoît hické 

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