« What Went Down », exposition de Thomas Houseago au Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière, jusqu’au 23/10/11, en collaboration avec Modern Art à Oxford (GB) et le musée Abteiberg à Mönchengladbach (De).

Centre international d’art et du paysage, île de Vassivière, 87120 France, Tél. : 05.55.69.27.27., du mardi au dimanche de 11h à 13h et de 14h à 18h.

"Lying Figure (Mother Father)" (2011), de Thomas Houseago. © Courtesy de l’artiste, DR
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Thomas Houseago sculpte des sentinelles de lumière

(Île de Vassivière, envoyé spécial)

Faut-il y voir un signe ? La première exposition personnelle en France de Thomas Houseago est fort éloignée de l’engouement des très riches collectionneurs dont il fait l’objet. Au moins géographiquement, puisqu’elle se tient depuis le début de l’été au Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière, l’un de ces lieux reculés où l’art se mérite.

Thomas Houseago réussit là à dépasser le statut de chouchou des marchands d’art en dévoilant plus que des œuvres, une pensée circulaire faite de multiples retours. Retour sur la forme, retour sur le motif mais aussi retour sur son propre espace, celui de son atelier. L’artiste né en 1972 à Leeds a séjourné dans plusieurs villes en Angleterre, puis en Belgique et maintenant aux Etats-Unis. A Vassivière, il accroche quelques-unes de ses sculptures au mur et les pose sur une simple table comme pour délimiter un espace plus intime (celui de son atelier et non pas celui du musée comme le suggère le titre ?). Cette scénographie de l’atelier n’est pas dédiée à la création, au lieu où l’œuvre se fabrique, elle fonctionne davantage comme un espace propice à la remémoration, au souvenir. Un espace qui agrégerait tous les ateliers que l’artiste a connus. L’intime se conjugue à l’Histoire.

Ex-voto géographique

Les pièces présentées (des fragments de corps, quelques figures clefs de son travail) ne constituent pas en soi un mini-panorama de sa carrière. Elles fonctionnent comme une sorte d’Atlas Mnemosyne. L’accrochage, voulu par l’artiste, transforme immanquablement les œuvres en une sorte d’ex-voto géographique. On songe au daguerréotype d’Alphonse Eugène Hubert présenté à l’Académie des Sciences en 1839, comme à ces autres célèbres clichés d’atelier d’artiste, celui de Brancusi, ceux de Giacometti.

Sculpture de niche

Si le parcours à l’intérieur du centre d’art révèle la fascination de ce sculpteur contemporain pour l’antiquité, pour les masques, pour le bestiaire (une chouette monumentale dépourvue d’orifice oculaire trône seule dans une des salles), sans oublier un clin d’œil au père de Luke Skywalker, à l’extérieur, d’autres logiques du retour structurent le parcours. Il y a d’abord la cuillère monumentale, où l’objet perd son utilité par l’agrandissement pour devenir une sorte de niche, dans laquelle le spectateur peut se réfugier. Cette œuvre amorce le retour sur les enjeux d’une sculpture/figure anthropomorphe dans un paysage.

Les deux sculptures géantes, dont « Rattlesnake Figure » (2011), s’assimilent aux gardiens du sous-bois, personnages déjà éreintés par le temps. Leur matière est creusée par plusieurs sillons. Les entailles de diverses profondeurs sont nombreuses, mais ne les fragilisent pas : elles sont les traces d’un temps. Nul ne sait s’ils protègent ou s’ils sont protégés par les sculptures plus petites en aluminium, sorte de bas-reliefs modernes, qui jalonnent l’enceinte du centre d’art.

Archéologie du présent

Ce parcours extérieur travaille la notion d’archéologie mais une archéologie du contemporain. Pas besoin de creuser la terre pour découvrir des trésors enfouis, car le paysage s’expose comme trésor archéologique. L’« objet paysage » ne se révèle que par la présence de ses sculptures.

Leur ensemble forme l’écrin d’une autre œuvre intitulée « Lying Figure (Mother Father) » : un corps décapité (déjà en 2008, l’artiste avait représenté un corps lascif sans tête) gisant sur le ventre, comme tendu vers la nature. Le spectateur ne découvre pas une figure humaine au travers d’un paysage comme dans la tradition des peintures anthropomorphes, mais c’est par la sculpture figurative qu’il découvre le paysage. Par cette œuvre, Thomas Houseago effectue un troisième retour, celui sur la tradition picturale. Cette sculpture évoque aussi la notion d’acéphale si chère à Georges Bataille…

Cependant ces retours ne rimeraient à rien s’ils ne véhiculaient pas une réflexion, s’ils ne marquaient pas une transition. Celle-ci se découvre via deux autres sculptures que l’on assimile volontiers à des veilleurs, l’une intitulée « Yet To Be Titled (Lamp II) » (2011), dans le phare, et « Yet To Be Titled (Large Lamp) » (2011), sur l’île au Serpent. Elles sont les sentinelles des variations de perception de la matière engendrées par la lumière. L’une est constituée en plâtre et chanvre, l’autre en bronze…

Si chute il y a, comme le suggère le titre de l’exposition (« What went down »), celle-ci ne s’assimile pas au corps tombant, mais bien plus aux rayons de lumière et leurs effets sur la matière. Peut-être est-ce le nouvel enjeu de Thomas Houseago ?

cyril thomas 

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