Gros plan sur le label bordelais Talitres, découvreur de The National, The Organ ou Calla, à l’occasion de la sortie de l’album de Le Loup, « The Throne Of The Third Heaven Of The Nations’ Millenium General Assembly » (Talitres/Differ-Ant).
Sean Bouchard, patron de Talitres, en ses locaux, à Bordeaux. © DR
< 15'10'07 >
Talitres, la dure vie du label indé

(Bordeaux, envoyé spécial)

A l’heure du téléchargement et du débat sur la gratuité de la musique, poptronics a voulu rendre compte in situ de la précarité dans laquelle se débat un label indépendant. Direction Bordeaux, et le label Talitres, choisi pour son intégrité artistique irréprochable. En six ans seulement, il a su s’imposer comme l’un des plus insatiables défricheurs français, avec à son actif un fameux panorama du rock 2000 (The National, The Organ, The Walkmen, Calla, Taxi Taxi !, Thee, Stranded Horse…).

Coincé entre deux banques, l’immeuble XVIIIe, pierre gris cireux et lourde porte de bois, fait face aux bars de la place de la Victoire (tout un symbole), où la foule étudiante vient « faire la fête ». Les locaux que Talitres partage avec d’autres labels (Vicious Circle et Platinum, notamment) ne pouvaient pas être situés dans un lieu plus incongru. « Voilà, c’est ça Talitres », se marre Sean Bouchard, 37 ans, dans une minuscule pièce aux murs couverts d’affiches, où une chaîne, un ordinateur et une table couverte de CD surnagent des cartons et papiers divers. Une aventure dans laquelle il s’est lancé de retour en France, après plusieurs années passées à l’étranger comme ingénieur agronome. « Avec ma femme, nous avons eu envie de faire autre chose. Je vadrouillais beaucoup sur Internet pour découvrir de nouveaux artistes, mais à part écouter ces musiques depuis une quinzaine d’années, je ne connaissais rien. Je me suis engagé dans un truc un peu compliqué ! J’ai tout appris sur le tas en montant ce label associatif. »

Depuis, une petite trentaine de références marquées d’un discret logo, une puce de mer, ont gonflé le catalogue, la plupart découvertes sur le Web : « Je vais écouter sur les sites des artistes ou des labels. Rarement sur MySpace : c’est mal rangé et on y trouve tout et n’importe quoi. » Une parcimonie à l’explication bassement matérielle : Talitres, distribué par Differ-Ant, est un tout petit label voulu, créé, pensé et administré par Sean, salarié unique multitâches aux oreilles grandes ouvertes. « Je me suis lancé en mars 2001, avec le premier album d’Elk City, et je sors depuis 6 à 8 albums par an, essentiellement des licences (c’est un moindre coût), reprend-il. Je signe ce que j’aime. Mon but, c’est de faire connaître cette manne d’artistes, américains notamment, mal représentés en France et en Europe. »

En six ans, Talitres est ainsi devenu le refuge d’artistes précieux comme Piano Magic ou Idaho (« Etudiant, j’ai été porté par une trilogie d’artistes : Idaho, Swell, Luna ») et a remis en selle The Wedding Present il y a trois ans (un formidable double album « Live 1987 », sort en novembre). Après les débuts de Stars Like Fleas en septembre, c’est le disque des Américains Le Loup qui est dans les bacs ce mois-ci. Paré de beaux atours folk et chants d’oiseaux, « The Throne Of The Third Heaven Of The Nations’ Millenium General Assembly » (titre emprunté à une œuvre années 50 de James Hampton) convie banjo, claviers, cuivres et voix cintrées en petits cousins de nos favoris Grizzly Bear et Animal Collective. « L’essentiel pour que le label tienne, ce sont les choix artistiques, assure Sean. C’est tellement plus facile quand on a un bon album entre les mains. Même si c’est frustrant de voir partir The National, Iliketrains ou The Organ… »

Au couchant, la conversation prend un tour un rien désabusée. Beaucoup de choses à faire, trop peu de moyens. « Financièrement, c’est difficile. Je restreins tout. Depuis l’an dernier, les ventes sont catastrophiques : aujourd’hui, une bonne vente c’est 1 500 copies, et plus du tout 5 000 comme il y a deux ou trois ans. Je suis sur mes fonds propres et je marche avec des bouts de ficelle : je fais la promo française du label allemand Glitterhouse, un peu d’expertise en agronomie... Globalement, à chaque fin de mois, je me demande comment continuer. C’est la soif de découvertes qui me tient, et de belles fidélités. Je suis très fier du prochain Flotation Toy Warning : produire un disque anglais en France, ce n’est pas si fréquent. »

Petit aperçu du travail abattu par Sean Bouchard en cinq jalons :

The National – « Sugar Wife » :

The Organ – « Brother » :

Idaho – « Live Today Again » :

The Wedding Present – « Interstate Five » :

Thee, Stranded Horse au Point éphémère le 10 mai dernier :

matthieu recarte 

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