Exposition « Sonic Youth etc. Sensational Fix » jusqu’au 7/09, au LIFE, alvéole 14, base des sous-marins, bd de la Légion d’Honneur, Saint-Nazaire (44). Entrée libre.
Concert exceptionnel de Sonic Youth le 9/08 à 21h30 au Parc Expo de Saint-Nazaire, en partenariat avec le Festival Les Escales.
"Kim Gordon with guns" (1985), photo de Richard Kern. © DR
< 25'06'08 >
Sonic Youth, rock around the bunker

(Saint-Nazaire, envoyé spécial)

Amateur d’artefacts de la sous-culture US, entre dans la caverne d’Ali Baba « Sonic Youth etc. Sensational Fix », l’exposition événement de l’été au LIFE, cet ancien bunker de 1600 m2, à Saint-Nazaire, avant qu’elle ne fasse le tour du monde (Italie, Allemagne, Suède, Australie, Mexique et Etats-Unis). Après un quart de siècle d’activisme, Sonic Youth, le groupe new-yorkais issu de la no-wave (mixte d’attitude punk, de musique expérimentale reliée à la scène atonale et d’art conceptuel) du début des années 80 s’est frotté à tout ce que la rage noise compte de chromatismes et multiplie depuis toujours les croisements avec l’Amérique des plasticiens radicaux. Pourtant, prévient Roland Groenenboom, le commissaire de cette exposition à l’esprit de joyeux foutoir, déjà auteur de « Kim’s Bedroom » en 1999, autour de la bassiste toujours impec’ de Sonic Youth, « Sonic Youth etc. Sensational Fix n’est pas une expo rock de plus, ni une expo classique d’arts plastiques mais plutôt une présentation dynamique, sous forme d’un collage géant et cumulatif d’œuvres reliées directement à Sonic Youth ».

Clip de « Teenage Riot » de Sonic Youth (tiré de « Daydream Nation »), rempli d’images d’archives :



Des débuts new-yorkais aux influences hardcore de Los Angeles et des poètes beats, le parcours géo-chronologique débute d’emblée par un geste de démythification : le rock est foulé aux pieds, avec l’installation de Christian Marclay. 5000 disques vinyles amassés et sur lesquels il faut marcher pour atteindre la première salle. Ici sont montrées des œuvres qui témoignent de l’émergence de la scène no-wave new-yorkaise, terreau de Sonic Youth, composé de Thurston Moore, Kim Gordon, Lee Ranaldo et Steve Shelley. On y redécouvre ainsi des vidéos historiques signées Tony Oursler (avant ses « talking heads ») : la série « Synesthesia » (série d’entretiens avec John Cale, Lydia Lunch, Arto Lindsay ou Genesis P. Orridge, indispensables précipités de cette époque de croisements à tout-va). La série de photos noir et blanc de Richard Kern (1985) réalisée avec Sonic Youth est révélatrice de la consanguinité du groupe avec les activistes de la scène dite « de la transgression », largement documentée depuis. Kim Gordon en sosie patibulaire de Patti Smith, fusil brandi, Thurston Moore, Lee Ranaldo et Steve Shelley baignant dans leur sang, le crime est presque parfait. Et la sculpture de lumière du proto-punk Alan Vega, « Rue de la salle » (2004), tisse un lien de plus avec l’underground new-yorkais des années 70.

Mais le groupe ne s’est pas cantonné à New York, il a toujours été curieux des scènes artistiques adjacentes. Ainsi les dessins du leader des californiens Black Flag, Raymond Pettibon (auteur de la célèbre pochette de l’album « Goo », absente de l’expo) ou cette série de diapos de Rodney Graham, « Aberdeen », qui dévoile une banlieue sépia, déserte et flippante. L’expo foisonne aussi de pièces reliées directement à l’esthétique de Sonic Youth, comme cette pièce de la série « Nurse Paintings » de Richard Prince (pochette de l’album « Sonic Nurse ») ou un tableau de William Burroughs (repris sur la pochette de « NYC Ghosts & Flowers ») à l’effet relief très saisissant, à deux pas des photos de Timothy Leary et Kerouac signées Allen Ginsberg.

L’expo du LIFE est aussi l’occasion de découvrir les collages dadas-punk de Thurston Moore mais surtout le versant plastique du travail de Lee Ranaldo, qui s’est illustré avec ses recueils de poèmes basés sur des spams ou ses séries de photos (dont « Nowhere »). On découvre ici « DRIFT », installation réalisée avec sa femme Leah Singer. Diptyque vidéo (des poupées démantibulées, des ampoules, des traits de lumière) sur fond de spoken word noise, toutes guitares dehors. Un peu comme au soir du vernissage, mardi dernier, qui vit débouler sur la scène du VIP (la petite salle tapie dans le LIFE) les Sunburned Hand of the Man au complet, totems recouverts d’alu en avant. Cette horde sauvage bientôt rejointe par Michael Morley de Dead C. tâta du riff déconstruit avec les hommes de Sonic Youth sur fond d’images flashy et saccadées. Une heure de n’importe quoi expérimental et joyeux, en contrepoint d’une exposition totalement immanquable.

Extrait du DVD de « DRIFT », installation vidéo de Lee Ranaldo et Leah Singer :

benoît hické 

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