Interview de Johan Hufnagel, fondateur et rédacteur en chef de la version française du site d’analyses américain Slate.fr, autour de sa mise en ligne, ce mardi à 14h.
La Une de Slate.fr, en version bêta, aux couleurs de son grand frère américain. © DR
< 10'02'09 >
Slate : « Informer avec distance, sérieux et humour »

Et un média de plus sur la Toile française ! C’est ce mardi 9 février officiellement à 14h qu’est lancée en version bêta (entendez, pas encore débuguée) Slate.fr, la version française du site d’infos et d’analyses américain, projet dirigé par Jean-Marie Colombani (ex-directeur du « Monde »). Des analyses (les libertés universitaires fragilisées par la réforme Pécresse), des articles aux angles choisis (la « frankenbouffe »), des chroniques techno (et autres)… Tandis que la presse écrite s’enfonce dans la crise (plans sociaux, restrictions budgétaires, suppléments supprimés…), l’information en ligne des « pure players », ceux qui n’ont pas de publication papier, est-elle l’alternative ? Plutôt concerné, poptronics a posé la question à Johan Hufnagel, l’un des quatre fondateurs, avec Jean-Marie Colombani donc, Jacques Attali, et deux autres anciens du « Monde », Eric Le Boucher et Eric Leser. Salement viré de 20minutes.fr cet été, le rédacteur en chef de Slate.fr n’entend pas « révolutionner le journalisme mais plutôt expliquer avec distance, sérieux et humour » le monde qui nous entoure.

Le Net bruissait de rumeurs de lancement, repoussé ou pas. C’est décidé, ce sera ce mardi à 14h. Est-ce un lancement en grande pompe ?
On se lance avec plein d’imperfections, de choses qui ne marchent pas comme des tags qui ne vont nulle part ou une maquette pas encore finalisée. Près de mille personnes se sont inscrites pour avoir les codes d’accès et tester le site depuis janvier. Grâce à eux, on sait que tout ne marche pas et comment améliorer le tout. C’est un « slow opening » comme disent les Américains : l’essentiel est là, lire et commenter l’info. La campagne de lancement se fera quand on sera opérationnels. La maquette, signée Stéphane Jungers sur une base Drupal (un système de publication de contenus libre, ndlr), est bien sûr évolutive.

Quelle est la ligne éditoriale de Slate ?
Pas de ligne, mais plutôt, comme l’affiche la profession de foi en ligne ce mardi, signée des quatre fondateurs, une idée du journalisme d’analyse qui refuse la pensée toute faite, avec beaucoup d’enquêtes et angles originaux. Nous n’avons pas pour ambition de révolutionner l’information, mais de nous appuyer sur un bon modèle, celui de Slate.com, cinquième site de presse aux Etats-Unis par l’audience, en mettant un peu l’actualité à distance, avec humour et sérieux. Dans l’écriture notamment, avec ce style Slate qui n’est pas fondamentalement là pour innover mais pour expliquer, qui utilise tous les outils possibles et imaginables pour dialoguer avec l’audience.

L’orientation politique de Slate.com, fondé en 1996 avec le soutien de Microsoft et racheté par le groupe Washington Post, est plutôt libérale, au sens américain du terme. Serez-vous le site d’infos de droite de la Toile ?
Je vois Slate.fr comme un site où tout le monde va pouvoir s’exprimer. Les gens qui signent viennent de partout et le seul argument qui tienne lieu de ligne politique c’est « pas de prêt-à-penser ». Parmi les contributeurs extérieurs, nous aurons des chroniques hebdo de Versac (le blogueur politique qui avait fermé son blog pour protester contre le terme de « blogueur influent » l’été dernier, ndlr) et de Giuseppe di Martino (l’un des dirigeants de Dailymotion, ndlr), des gens qui en connaissent un rayon. A l’image de ce que fait Slate.com dans sa partie Psycho, tenue par des psychologues.

Quel degré de participation envisagez-vous ?
Certains mots, comme participatif ou collaboratif, sont galvaudés. On voudrait bien sûr décrypter l’information et lancer des débats, ne pas faire que du commentaire mais, à la manière de l’Arena de Politico, répondre à certaines questions du moment par des débats. Par exemple, la semaine dernière pour accompagner l’intervention de Nicolas Sarkozy, on aurait posé la question « comment interviewer le président ? » en prenant comme base du débat des réponses d’experts.

Serez-vous un média chaud, avec fil d’actualité et couvrant tous les domaines ?
Slate est un site magazine avec un traitement de l’actualité à lire, sous forme de liens. Nous n’avons pas d’abonnement à un fil d’agences, notre fil d’infos sera composé de liens vers le meilleur sur le Net, comme par exemple lundi un papier du « Monde » qui annonce le plan d’aide de 6 milliards pour l’automobile, un article de Rue89 sur la vague d’overdoses en Ile-de-France, un article qui parle de voyages grâce à Twitter, etc. Nous voulons prendre le temps pour traiter nos sujets. Nous envisageons de publier une dizaine de papiers par jour, dont deux viendront de la version américaine, les plus intéressants pour un public français. Les autres papiers seront tous originaux, comme cette enquête qui expliquera pourquoi Facebook cartonne moins en France que Copains d’avant.

Avec quelle équipe vous lancez-vous ?
Nous ne sommes pour l’instant que trois à temps plein, Eric Leser, lui aussi rédacteur en chef, le responsable technique, Gregory Giglietta et moi-même. L’objectif est de constituer une équipe d’une dizaine de journalistes qui connaissent bien le Web, sont capables d’identifier les flux et les sources et de jouer l’interaction avec le lecteur.

La rumeur du Net disait que vous n’alliez prendre que des signatures ?
Pami les contributions, nous prendrons des gens qui ont des noms, effectivement, mais nous les prendrons parce qu’ils sont bons… Comme Henri Rousso, directeur de recherches à l’Institut d’histoire du temps présent, qui fait la une avec une analyse sur la recherche, ou Jacques Attali qui écrit sur la crise économique.

Quel modèle économique avez-vous choisi ?
Le modèle gratuit : le site est en accès libre avec de la publicité. Nous revendons également du contenu au portail d’Orange. Nous avons fixé des objectifs de publicité relativement bas pour 2009 mais nous tablons sur une fréquentation de 500.000 à 700.000 visiteurs uniques par mois fin 2009.

En termes financiers, comment ça se présente ? Certains doutaient de votre capacité à trouver des investisseurs ?
Le « Washington Post » entre à hauteur de 15% dans le capital. Nous avons un an de trésorerie devant nous et sommes en discussion pour des investissements à venir lors de la deuxième phase. Franchement, le modèle économique, il n’y en a pas plus pour la presse écrite, que pour les gratuits et l’Internet… La question du modèle se pose pour tout le monde. Ce qui me frappe cependant, c’est que les fils d’infos sur le Net français ne sont pas encore suffisamment à la hauteur. Conclusion : il y a de la place pour nous en France.

annick rivoire 

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< 1 > commentaire
écrit le < 10'02'09 > par < albertine.meunier rga gmail.com >

les pubs (from google) sont superbes sur slate.fr ... on adore !!! superbes et parfois kitch, elles donnent trop envie de cliquer ;-) merci

http://tinyurl.com/cgc95u