Trois expositions de Richard Prince en Europe cet été, « Four Blue Cowboys » à la galerie Gagosian de Rome, Via Francesco Crispi 16, jusqu’au 8/08, « Richard Prince-Continuation » à la galerie Serpentine de Londres, Kensington Garden, jusqu’au 7/09, et à la galerie Gagosian de Londres, 17-19 Davies Street, jusqu’au 8/08.
"Untitled (cowboy)", 1980-84, de Richard Prince, l’une des figures préférées de la culture américaine revisitées par l’artiste. © Richard Prince
< 13'07'08 >
Richard Prince, roi de l’art samplé

(Rome, envoyé spécial)

En parallèle à sa rétrospective débutée l’année dernière au Guggenheim de New York, qui s’installe cet été à la Serpentine Gallery de Londres, Richard Prince propose « Four Blue Cowboys » (en fait huit tirages) dans le très bel espace de la galerie Gagosian de Rome. Figures viriles et courageuses... Oubliez l’esthétique « Wild West » ou « Brokeback Mountain » ! D’images en images, conçues entre 1980 et 1984, l’artiste américain né en 1949 travaille sur, par et au travers des symboles même de l’identité américaine.

Quand l’art s’inspire des expériences personnelles, celles qui culturellement construisent une personnalité, Richard Prince n’est jamais loin. Déjà en 1983, dans « Why i go to the Movies alone », il racontait sa découverte de l’automobile, du mythe du véhicule… D’œuvre en œuvre, Prince dessine, use et abuse du collage, fabrique des collections, met progressivement en place un panel d’instruments pour s’approprier les codes, les genres et l’iconographie nouvelle véhiculée par la publicité, le graphisme et les arts plastiques. Il perfectionne le système mis en œuvre par Andy Warhol et John Baldessari. Le collage se complexifie, l’image photographique tirée de la presse est re-photographiée, peinte, enfin ré-assemblée. Beaucoup de « re » dans sa démarche : la réitération des actes, des actions sur la même image, le déplacement entre les médiums, tout le dispositif facilite le décodage de son environnement, met à l’index les figures, les conventions, les archétypes sociaux et politiques véhiculés par l’imagerie publicitaire et médiatiques. Les références affluent également, sont successivement convoqués Picasso, Duchamp, Sherrie Levine, mais également Picabia…

La Culture avec un grand C, la pop culture et la sous-culture américaine se confondent dans son œuvre. Dans « High and Low art », toutes époques et formes sont traitées au même plan. Même le temps est ainsi aboli, pour preuve sa série entamée sur les cow-boys, qu’il réactive de temps à autre. Ses photographies sont tellement connues qu’elles sont devenues le blason, presque la quasi-signature de l’artiste.

Richard Prince, artiste de la mise en abîme ou plasticien-sémioticien de l’icône ? Ses cow-boys deviennent motifs, signes, symboles d’une histoire mythique et imaginaire tout à la fois, construite par vagues successives, au gré des westerns et des classiques (« Citizen Kane », « Le Kid »...). Richard Prince intervient à la jonction d’un processus qui transforme les figures de l’imaginaire en « entertainment » en coupant tout lien avec l’Histoire. Par le jeu du déplacement, Prince réinjecte l’Histoire, retravaille la modernité des mythes, que ce soit celle des infirmières à la galerie Gagosian de Londres, victimes et/ou bourreaux, disséminées dans de nombreux romans à la sauce « pulp » (« Dude Ranch Nurse » 2002, « Intimate Nurse », 2004), ou celle du « poor lonesome cowboy ».

Les publicitaires font-ils autre chose quand ils tentent d’augmenter la valeur marketing d’un produit en lui injectant une certaine dose d’histoire des Etats-Unis ? Quand Richard Prince les re-phototographie, que se passe-t-il ? Le recadrage fait que le monde n’est plus aussi sauvage, le territoire plus aussi vaste, l’isolement d’un élément de l’image reconstruit une figure iconographique codifiée. La force des images de Richard Prince réside dans la monstration du glissement : le symbole publicitaire se brouille, l’image est agrandie, monumentalisée et fait office d’icône. S’il fait usage des motifs sériels, c’est aussi qu’il a bien compris comment le marché fonctionne : peu importe la source, pourvu que l’emblème demeure ! C’est ce qui fait que ses huit productions à Rome sont belles, mais d’une beauté glaciale, d’un bleu nuit évaporant où la brume se fait métaphore de la fumée de cigarettes. La boucle est bouclée, le marché peut digérer…

L’artiste n’est pas dupe et l’a prouvé de nombreuses fois, comme avec ses peintures de blagues. Pas étonnant alors de le voir rendre hommage à un autre grand peintre américain, tout en disséquant son œuvre, dans sa série « Untitled (de Kooning) » (2005-2007) ou de le voir s’associer à une marque de luxe comme Louis Vuitton. « C’est assez drôle pour moi de travailler avec une société, Louis Vuitton, dont le chiffre d’affaires dépend en grande partie de la défense de son copyright », explique-t-il dans « Libération ». Libre comme un cow-boy, Richard Prince ?

Art Talk ! Richard Prince, première partie d’un webdocumentaire américain réalisé en 2007 à l’occasion de sa rétrospective, « Spiritual America », au Guggenheim à New York (la suite par là) :

cyril thomas 

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