Sortie de « Daft Punk Alive 2007 » de Daft Punk, le 19/11 (EMI).
La pyramide bluffante de la tournée des Daft Punk, invisible sur l’album live à paraître le 19/11. Dommage... © DR
< 19'10'07 >
Radiohead, Daft Punk, à chacun sa stratégie anti-crise (du disque)

La sortie de l’album de Radiohead en téléchargement direct et au bon cœur des internautes la semaine dernière fait des envieux. Non que le pari du groupe de se passer de maison de disques et d’aller directement au contact des internautes, sans DRM ni prix fixe, soit gagné d’avance. Hors de l’exceptionnel coup de pub (à zéro frais), la tentative de bousculer les formats classiques de distribution et de diffusion de la musique est déjà en soi un événement. Sur l’Internet, chacun y va de son commentaire, le groupe ayant pour l’instant refusé de donner le moindre chiffre sur la réussite (ou pas) auprès du public.

Le webzine musical british Gigwise a eu tôt fait de balancer, dès le lendemain de la sortie d’« In Rainbows », soit le 11 octobre, un chiffre provenant d’une source « proche du groupe » aussitôt repris et commenté partout : 1,2 million de téléchargements. D’après le Los Angeles Times citant Eric Garland, PDG de BigChampagne, une société de mesure des échanges de fichiers P2P (sorte de Médiamétrie du téléchargement), c’est résolument impossible pour deux raisons : un seul site le proposait en téléchargement, sans l’infrastructure d’un géant type Google derrière, et les échanges en P2P de l’album n’auraient pas dépassé 240 000 copies le premier jour.

Et quand bien même le chiffre serait exact, le pari ne serait pas pour autant gagné. D’après le Times de Londres, la lettre d’info spécialisée Record of the day a mené une enquête on line auprès de 3000 internautes ayant téléchargé l’abum : un tiers n’aurait rien payé pour « In Rainbows ». D’autres (blogueurs, internautes) ont posé la question sur des forums ou mené leur petit sondage.

Résultat ? En gros, les mêmes tendances : un tiers d’internautes n’a rien payé, contre un autre gros tiers qui, lui, a déboursé 4 à 5 livres (5 à 6 euros, soit la moitié du prix d’un album dans le commerce), le reste dépensant plus. Hors catégorie, évidemment, l’entreprise Purebuttons (fabricants de pin’s), qui a envoyé un chèque de 1000 dollars pour l’album, histoire de « soutenir l’effort “silencieux” de Radiohead pour révolutionner l’industrie musicale ». Si cette proportion se confirmait, l’affaire pourrait s’avérer très lucrative pour Radiohead : le groupe, hors avocats et intermédiaires techniques (notamment pour sécuriser les transactions on line) touchera bien au-delà des 15 à 20% maximum revenant à l’artiste-interprète sur la vente d’un album.

L’opération « In Rainbows » aura au moins cet autre mérite : faire réagir l’industrie musicale partout dans le monde, rapporte l’Afp. James Blunt, fort de ses trois millions d’albums vendus, critique le choix de Radiohead sur le thème « quelle est la valeur de mon travail si personne ne paye ? » (mmmm, réveille-toi, James, l’argent ne régit pas tout en ce monde…). Johnny Marr, ex-Smiths (aujourd’hui Modest Mouse) au contraire enthousiaste, comme les Arctic Monkeys qui disent observer ça d’un œil attentif...

Evidemment, face à cette agitation, l’initiative de Daft Punk paraît bien pâlotte, même si elle innove technologiquement. En dépit du marketing viral très subtil mis en œuvre ces jours-ci, la sortie de leur album live, le 19 novembre, est un quasi non-événement (et ce n’est pas faute de ne pas vouloir créer le buzz). Certes, le petit widget qu’ils proposent aux internautes d’insérer sur leurs blogs et autres MySpace et Facebook (comme un mini site Daft Punk sur ta propre page), pourrait préfigurer une nouvelle pratique, celle de la diffusion démultipliée de contenus multimédias. Un système viral à la YouTube, mais plus seulement en vidéo. Sauf qu’à la différence d’une majorité de lives, qui, au pire (généralement) occupent le terrain à moindre coût entre deux albums et, au mieux (éventuellement), amènent une plus-value avec versions différentes et inédits, pour celui-ci, il ne se passe pas grand-chose.

Pourtant, Daft Punk en live, ça ne passe pas inaperçu : une énorme machine à danser et à vibrer, qui embarque le spectateur dans une sarabande infernale scandée par tous leurs tubes historiques. Le duo masqué (et très malin) est parvenu à bâtir un vrai spectacle audiovisuel, total, gigantesque par les moyens déployés et surtout par son intensité, qui renvoie à leurs études bon nombre de groupes de rock. La scénographie est à la hauteur de la démesure affichée, qui place les deux hommes-robots juchés sur une espèce de pyramide Maya, planqués sous un light show décoiffant. Il est donc tout à fait invraisemblable que cet album ne connaisse qu’une sortie CD, la chose aurait pour une fois mérité un traitement visuel digne de ce nom sous la forme d’un DVD.

Mais c’est aussi un non-événement du fait de la prolifération sur Internet de lives de Daft Punk, notamment celui du festival américain Coachella (printemps 2006), concert mémorable et tout premier d’une série de prestations rares et sold out : Summercase, Belfort, Bercy, entre autres. De fait, malgré la qualité sonore minimale des séquences vidéo circulant sur le Net, leur album « Daft Punk Alive 2007 » manque de corps. Ça sent la retouche numérique à plein nez, qui ripoline le son au détriment d’un vrai ressenti.

Conclusion : le marketing, c’est bien, innover dans la distribution et coller des migraines aux maisons de disques, c’est mieux, mais le top du top, c’est quand même d’offrir de la musique qui tue (et qu’importe le flacon, etc.).

« Television Rules The Nation » - Daft Punk en live au festival Coachella (Californie) en 2006 :

benoît hické et annick rivoire 

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