Après la condamnation à Lille de deux jeunes hackers à de la prison avec sursis et 250000 euros d’amende, retour sur la stratégie anti-piratage d’Ankama, l’entreprise roubaisienne leader en France du jeu en ligne, avec « Dofus »,.
"Dofus", le jeu en ligne aux 10 millions de comptes, est régulièrement piraté par des joueurs qui proposent leur propre serveur privé. Ankama vient de faire condamner deux de ces joueurs-hackers à de la prison avec sursis. © Ankama
< 13'12'11 >
On ne joue pas à hacker « Dofus », Ankama n’aime pas ça

Deux jeunes hackers de 19 et 20 ans, qui avaient copié le serveur de « Dofus », le jeu-star d’Ankama, viennent d’écoper d’une peine de 18 et 8 mois avec sursis, et de 250.000 euros en guise de préjudice à l’entreprise leader du jeu en ligne français. Ankama poursuit sa politique plus que ferme à destination des joueurs qui voudraient « doubler » l’éditeur roubaisien. En 2010 déjà, deux mineurs de 15 ans avaient été arrêtés par la police. Maxou1012 et Yuko avaient réussi à détourner de la plate-forme officielle jusqu’à 200.000 joueurs, en montant leur propre serveur privé et leur boutique en ligne, pour un préjudice estimé à 80.000 euros (contre 400.000 euros de chiffre d’affaire pour Ankama cette année-là...). Du côté des salariés-geeks, on avait admiré la performance, rêvant du recruter ces prodiges en herbe. Mais la direction de la société roubaisienne n’avait pas toléré le camouflet et porté plainte, s’imposant un silence radio sur le sujet. Deuxième plainte avec cette nouvelle affaire, dont le jugement vient de tomber, rapporte la « Voix du Nord ».

Couac dans la success-story d’Ankama
Ces affaires peuvent-elles entacher la réputation d’Ankama ? Seront-elles les premiers accrocs à la belle success-story d’Ankama, champion gaulois de l’industrie de l’image ? A l’origine de l’entreprise, en 2001, ANthony Roux, KAmille Chaffer et EmMAnuel Darras, trentenaires nourris au « Club Dorothée », à « Mario Bros » et aux mangas, imaginent ce nom à la consonance japonaise pour produire localement, à Roubaix, des images, des BD, des jeux vidéo. Si les premiers dessinateurs japonais se sont inspirés du savoir-faire français (Miyazaki adore Moebius, les studios Ghibli rêvent de faire aussi bien que « Le Roi et l’oiseau » de Paul Grimault…), l’influence est désormais réciproque. Chez Ankama, le management détendu, défendu par Anthony Roux, le directeur artistique, a permis à la petite entreprise de devenir grande, à coups d’innovations et d’imagination délirante.

Ankama propose d’abord des services de communication en ligne. En 2003, ses activités alimentaires permettent la création de la première filiale, Ankama Games, qui commence à développer « Dofus », son premier jeu vidéo en s’attaquant au marché online. Dans un univers médiévalo-fantastique, ce jeu de rôle massivement multijoueur (MMORPG), réalisé en Flash, propose une esthétique à l’opposé de la sauvagerie gothique du monde belliqueux de « World of Warcraft ». La marque de fabrique d’Ankama, en terme graphique, s’inspire bien plus du charme régressif des mangas, génération Pikachu. En 2004, « Dofus » reçoit le prix du meilleur jeu (et celui du public) au Flash festival. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes virtuels : les serveurs se multiplient, dépassant le seul cadre hexagonal et francophone (Angleterre, Espagne, Brésil...). D’année en année, Ankama étend ses domaines d’activités et son étendard « Dofus » n’en finit plus d’augmenter son nombre d’abonnés...

Faille de sécurité ou négligence des joueurs ?
Jusqu’à l’affaire des bébés hackers… « C’est vraiment des oufs d’avoir su faire ça à leur âge ! Mais y a aussi beaucoup d’orgueil : ils étaient obligés de se faire choper ! », lâche un employé (ils étaient 10 en 2001, plus de 400 aujourd’hui). Un autre d’ajouter : « Les serveurs contrefaits ont attiré les joueurs et les ont satisfaits, visiblement. Après, la copie c’est une chose, la création, c’en est une autre ! » À l’époque, sur les forums du jeu, le débat faisait rage entre les utilisateurs et les modérateurs. S’agissait-il d’une faille de sécurité ou de négligence des joueurs aux comptes piratés ? Les deux hackers avaient créé un anti-« Dofus » complet, où l’amélioration du personnage était plus rapide et où le succès s’obtenait sans effort. Pas si éloigné du scandale des « fermiers » chinois, éleveurs d’avatars pour « WoW ».

Très discrète sur le sujet, Ankama a communiqué pour la première fois après le jugement, reprenant l’argumentaire du respect de la propriété privée, au nom de la qualité due au consommateur. « Les serveurs privés sont maintenant nombreux sur le Net, se font maintenant concurrence entre eux et répondent tous à une logique commune : le profit financier immédiat, au détriment, bien entendu, des entreprises, et plus généralement des créatifs, qu’ils pillent littéralement. » On attendait de cette jeune équipe, devenue l’un des acteurs majeurs de l’économie numérique made in France, un discours plus original, dépassant la seule dimension économico-judiciaire.…

10 millions de comptes
« Dofus » 2.0 n’a pourtant pas trop à pâtir de ces péripéties : reconnu comme le jeu en ligne le plus joué en France, il regroupe aujourd’hui 10 millions de comptes, gérés par plus de 50 serveurs à travers le monde, avec un record de connexions simultanées s’élevant à 216.000, établi en mars 2011. À l’occasion de ses 10 ans, Ankama a occupé l’espace médiatique de façon plus glorieuse, réussissant à faire du festival d’Annecy une véritable vitrine de son style tourné vers son public (cadeaux, offres spéciales, convention à l’américaine...). Ankama se veut un univers, un Walt Disney post-Mario Bros. Désormais, le plus beau des bijoux de cette famille s’appelle « Wakfu », une série animée (et un jeu) qui réunit 1 million de téléspectateurs en moyenne sur France 3… 2D, 3D, séries télévisées ou long-métrages, la société roubaisienne semble regarder l’avenir à l’horizon de l’animation. Là au moins, le public reste à sa place...

eddy maaroufi 

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