Reprise du palmarès du 37e Festival international du Court Métrage de Clermont-Ferrand (1er > 8 février 2015), le 16/02/15 au Forum des Images à Paris : à 15h30, le palmarès de la compétition Labo ; à 18h celui de la compétition internationale ; à 20h30 celui de la compétition française. Détail des projections par ici

Le site du festival

Le palmarès complet

« Black Diamond », de Samir Ramdani, expérimental à souhait. © DR
< 14'02'15 >
Nos Pop’palmes au Festival du court métrage de Clermont

Une pleine semaine à manger du court métrage (Poptronics aime depuis toujours le festival de Clermont) et voilà, les échanges entre programmateurs, festivaliers, critiques et producteurs sur le programme L6, I5 ou F4 (L pour les films en compétition Labo, I pour International, F pour la sélection française), c’est fini. Heureux Parisiens, ce dimanche au Forum des images, trois programmes des films primés au 37e festival international du court métrage de Clermont-Ferrand sont projetés (voir détails ci-contre).

La spécificité de Clermont, c’est le joyeux mélange du milieu cinématographique et du grand public : le Marché attire toujours autant de pros (3.500 accrédités en 2015) pour 160.000 spectateurs qui paient leur place. Il n’est pas rare de voir le même réalisateur coréen ou péruvien errant dans les rues enneigées de Clermont répondre avec fébrilité ensuite aux questions d’un public exigeant et parfois plus sévère que la critique (à la fin de chaque film, il est de tradition d’applaudir les réalisateurs présents, mais les sifflets sont aussi de la partie…).

Comme chacun fait son palmarès à Clermont, et comme on constate d’année en année un glissement des films auparavant estampillés Labo (ceux qui nous intéressaient, les images curieuses, déviantes et trafiquées en tout genre) vers les sélections autrefois plus grand public, voire formatées pour la télévision (une histoire courte, une chute), Poptronics a décidé d’y aller aussi de sa sélection.

On a donc pioché dans les trois sélections, nationale, internationale, et labo, puis cherché les films en ligne. Et là, ô surprise, alors qu’il y a quelques années, une majorité de ces fictions pas comme les autres étaient à voir intégralement en ligne, postées par leurs auteurs même, en ce début 2015, on constate la reprise en mains de l’industrie cinématographique. La plupart des films ne montrent qu’un extrait, une bande-annonce, voire un making of. OK-OK, nous sommes les premiers à défendre la vision en salle de ces fictions et docus qui font d’ailleurs le tour des festivals. N’empêche, pour un ou deux films qu’on peut voir en streaming sur Vimeo et autres plate-formes payantes, la majorité est tout simplement off du net… Dommage !

Du coup, dans le vaste maquis de films courts au charme un peu spécial, on ne fera qu’évoquer ceux dont on ne peut même pas montrer un extrait, comme « Makkhi » (Umesh Kulkarni, Inde), histoire bollywoodesque version castes inférieures de Pipal et Tutur, tueurs de mouche dans un restaurant chic, ou encore « Minsu Kim in Wonderland » (Chan-yang Shim, Corée du Sud, Prix spécial du jury international), qui, contrairement à ce que suggère son titre, est une plongée absurde et très critique dans une Corée du Sud particulièrement intolérante, raciste, et paranoïaque. On aurait de même aimé vous parler du dernier projet de Nicolas Boone, d’immenses plan-séquences suivant des personnages semi-fictifs dans un quartier à Johannesbourg, « Hillbrow », ou encore vous faire partager la vision des étranges bestioles de « Cams », (Carl-Johan Westregard, Suède, 2014, fiction, Prix Spécial du Jury compétition Labo). Mais sans la moindre image à se mettre sous le clic, on renonce…

Voici donc notre pop’sélection de 20 courts (sur des centaines…), à l’occasion enrichie des propos des réalisateurs présents à Clermont, puisque l’une des heureuses particularités du festival est d’inviter les sélectionnés à venir rencontrer le public lors des débats Expresso (co-animés par l’auteure de ces lignes, comme ça vous savez tout !).


Le plus barré

« Izlaz U Slucaju Opasnosti » (Sortie de secours), Vladimir Tagic, Serbie, 2014, fiction, sélection internationale, bande-annonce :


Vladimir Tagic est parti d’une anecdote (une déclaration de vol à la police serbe d’un kit de sécurité dans la voiture de ses parents) pour construire cette fiction aux petits oignons où chaque personnage se heurte à un mur, celui d’une réalité qu’il ne peut pas saisir. Tout y part en vrille : l’homme soumis à sa femme se fait gifler par tous les inconnus qu’il rencontre, le vieux qui a besoin d’un Sonotone se met à n’entendre que des insanités, la dispute d’enfants dégénère en pugilat entre adultes… Et Vladimir d’expliquer : « Le scénario était très précis, pour moi c’est vital, je ne peux pas tourner si tout n’est pas calé à 100%. »


Le plus poétique

« Vicenta », Carla Valencia, Equateur, 2014 animation documentaire, sélection internationale, bande-annonce :


Un film sud-américain (elle vient de l’Equateur, son dessinateur est Argentin, son héroïne est bolivienne et le film décrit la période noire post-Allende au Chili) qui raconte en dessin tremblé l’histoire d’une paysanne analphabète qui, comme tant d’autres, a participé à la construction de la démocratie dans ces pays, au prix fort. « C’est l’histoire de mon arrière-grand-mère que je n’ai pas connue », dit-elle, que j’ai essayée de restituer comme un de ces souvenirs qu’on a en soi sans vraiment en connaître l’origine. Nous lui devons tant, à elle et toutes les autres qui se sont battues contre les dictatures. »


Le plus drôle

« Jour J », Julia Bunter, Suisse, 2014, fiction, extrait :

Julia est aussi blonde et encore plus jeune que son héroïne, qui, à la veille de ses 30 ans, se rend compte qu’elle n’a pas connu l’orgasme… et va tout tenter pour réparer ça. Un film d’école (l’Ecal, école cantonnale d’art de Lausanne), léger et jamais vulgaire. Et non, aucun souci pour tourner des scènes de cul dans le cadre d’une école, affirme Julia Bunter. Tant mieux.

Le plus cru

« Deep Space », Bruno Tondeur, Belgique, 2014, animation, Prix du Meilleur Film d’Animation Francophone (SACD), bande-annonce :


Bruno Tondeur a voulu réaliser une « fiction érotico-SF inspiré des Barbarella des années 1980 » et, sous l’amicale pression de ses amis, a forcé le trait d’humour (belge, il a réalisé son film à Lacambre, l’école bruxelloise). Et c’est tant mieux. On pourra se rendre compte du talent du jeune homme par ici.


Le plus épuré

« Port Nasty », Rob Zyvietz, Royaume Uni, 2014, animation, bande-annonce :


Un premier film en animation bichromatique, récit d’initiation dans un pays du nord fantasmé. Rob Zyvietz n’a pas tué de baleine personnellement, mais aurait bien aimé. Il a réalisé ce film en un an, pour un budget de 4000 euros, dans le cadre d’une école de cinéma.


Le plus rétrofuturiste

The Nostalgist, Giacomo Cimini, Royaume Uni, 2014, fiction, bande-annonce :


Lambert Wilson en dandy du futur qui préfère une réalité alternée du passé, victorienne et contrastant avec le monde à la Blade Runner qui l’entoure. Le réalisateur de The Nostalgist n’a même pas essayé les Oculus Rift pour faire son film, mais s’est inspiré de la nouvelle éponyme de Daniel H. Wilson (roboticien et auteur de SF). Une uchronie pas si irréaliste qu’elle en a l’air… Et un budget de 100 000 euros pour des effets spéciaux très réussis.


Le plus grec !

« Dinner for Few », Nassos Vakalis, Grèce, 2014, animation :


Le réalisateur de ce film où banquiers, juges et politiques figurés en cochons qui s’empiffrent sur le dos des moins que rien (des chats faméliques), a voulu faire « un film politique mais pas en prise directe avec l’actualité grecque » où même le tigre, qui « représente la révolution, s’endort après avoir bouffé, ce qui fait que le système reprend le dessus. Implacable.


Le plus DiY

« Démontable », Douwe Dijkstra, Pays-Bas, 2014, expérimental, Mention spéciale du Jury International :


Douwe Dijkstra est l’heureux concepteur de ce petit bijou aux effets spéciaux low tech, où le making of (faux) est intégré à la narration : une table à manger devient le théâtre d’opérations de guerre, mélange de news qu’on subit au petit déj et d’un imaginaire fécond. Il a commencé par une installation sur trois écrans, a posté une bande-annonce, a été contacté par un programmateur du festival du film de Rotterdam qui lui a demandé quand sortait son film. Il s’est empressé de répondre que le film serait prêt pour le festival. Et fait le tour du monde des festivals avec cet objet singulier : « Je voulais travailler seul et j’ai eu recours à l’échelle réduite de la table pour cette raison, de manière à explorer l’improvisation. » On peut aussi aller jeter un œil à la version antérieure, en mode installation :

v


Le plus concept

« 365 », Myles McLeod Greg McLeod, Royaume-Uni, 2013, fiction animée, bande-annonce :


Ce n’est qu’un extrait de la performance des frères McLeod qui ont réalisé chaque mois de l’année un film d’une seconde par jour, du 1er janvier au 31 décembre 2013.


Le plus boulant

« Onder Ons » (Parmi nous), Guido Hendrix, Pays Bas, 2014, documentaire expérimental, bande-annonce :

Des témoignages authentiques (dits par des acteurs) recueillis par le réalisateur sur des forums de pédophiles, le tout sur de lents travellings en noir et blanc « dans un style slow motion pour que les images ne distraient pas des témoignages ». Fort et dérangeant.

Le plus musical

« Filme Som », Cesar Gananian, Alexandre Moura, Brésil 2014, fiction expérimentale, bande-annonce :


Avec le luthier Roberto Michelino, qui construit des instruments avec de la farine, des plats en terre cuite, des boules de billard, etc. « J’ai voulu adapter cette phrase de Godard : “écouter l’image”, explique le réalisateur Cesar Gananian, qui s’est associé à son compositeur pour filmer Sao Paulo comme une partition, « un film où la bande son se construirait en direct ».

Le plus graphique

Exuvie, Emmanuel Lantam-Ninsao, France, 2014, fiction animée :


Un film d’école en noir et blanc hyper stylisé, ligne claire et atmosphère étouffante au possible sur les phasmes, ces bestioles tout en bas de l’échelle alimentaire, qui se fondent dans le paysage. Emmanuel Lantasm-Ninsao et sa longue chevelure dread-locks sait établir d’emblée une ambiance moite et tropicale.


Le plus British

My Dad, Marcus Armitage, Royaume-Uni, 2014, fiction animée, Mentions spéciales du jury Labo, bande-annonce :


Dans le plus pur style britannique, une variation autour de la figure paternelle, ce père qui aime le foot, la bière et la baston… le tout sur fonds de racisme omniprésent.


Le plus angoissant

« The Hole », BongSu Choi, Corée du Sud, 2014, fiction animée, bande-annonce :


Il dit ne pas s’être inspiré du « Black Hole » de Charles Burns, n’empêche que son héros qui se fait aspirer par un monstre géant ressemble à la série de BD de l’Américain : les traits noir et blanc, les obsessions récurrentes tout comme le titre y font largement penser.

Le plus militant

Newborns, Megha Ramaswamy, Inde, 2014, documentaire, bande-annonce :


Une fiction construite à partir d’un docu sur ces femmes défigurées à l’acide dont la société indienne a le secret : d’un côté une légende de loups aux yeux rouges en voix off, de l’autre ces jeunes filles qui revendiquent le droit d’exister, après le traumatisme. Megha Ramaswamy est flamboyante et militante des droits de la femme, elle a construit son film à l’aide de crowdfunding et d’une solide conviction : faire parler ces filles, les montrer, les intégrer à une fiction est un premier pas pour empêcher que de telles atrocités soient commises (la plupart du temps par des proches, mari, frère, cousin, au prétexte qu’un refus de la femme mérite punition…).

Le plus dérangeant

« The Obvious Child » (l’enfant providence), Stephen Irwin, Royaume-Uni, 2013, fiction animée, bande-annonce :


Un conte d’horreur, une animation sanguinolente so british et so jouissive.

Le plus expérimental

Black Diamond, Samir Ramdani, 2014, fiction expérimentale, Prix de la Meilleure Musique Originale (SACEM) à Philippe Dubernet et Guillaume Durrieu, extrait :

Sifflé en sélection nationale, ce film a pourtant des qualités plastiques, expérimentales et musicales qui font mouche. Il met en scène un jeune noir de South Central, le quartier de LA renommé « South » pour faire oublier son parfum de violence urbaine, qui course un « étranger », appareil photo en main. Le jeune noir, rappeur, est attiré par le monde de l’art, celui des blancs, celui d’ailleurs. Des questions de fond traversent ce film à la beauté dérangeante : l’art n’est-il conçu que pour l’élite ? un art du ghetto peut-il exister sans récup ? Avec l’incroyable talent d’un vrai rejeton de South Park, étoile montante d’un rap nouveau genre, Yung Jake (qui par ailleurs réalise des portraits en émoticones…). A voir absolument !

Le plus crash-trash

« Splintertime », Rosto, France-Pays-Bas-Belgique, 2015, animation expérimentale, bande-annonce :
Rosto est un habitué de Clermont, plutôt Labo que sélection nationale… Du coup, il a même droit à des masterclasses clermontoises, filmées par La Brasserie du court :

Pourquoi tu court ? #3 Rosto, 2015 :


Le plus frais

Mon bras armé, Mathilde Nègre, 2014, fiction animée, à voir en entier par là

Mathilde Nègre dit s’être inspirée d’une garde à vue au cours de laquelle elle voulait à tout prix trouver l’humanité du policier face à elle… Well, on a le droit d’y croire (surtout depuis Charlie et l’amour affiché pour les forces de l’ordre !).

Le plus ébouriffant

Tarim le brave contre les mille et un effets, Guillaume Rieu, 2014, comédie, Prix du Rire "Fernand Raynaud", bande-annonce :


Adeptes de séries B, de monstres marins et autres effets spéciaux d’antan, ce film est pour vous. Puissament comique et ultra-référentiel. Son réalisateur explique : « Tout le monde s’est fait plaisir sur ce film. » Ça se voit et le spectateur aussi. On laisse le mot de la fin à Michel Coulombe, journaliste québécois co-animateur des débats Expresso à Clermont, qui résume parfaitement ledit film : « La version Sinbad d’OSS 117 ».

annick rivoire 

votre email :

email du destinataire :

message :