Pour Noël, poptronics a demandé à des artistes, musiciens, témoins privilégiés du Net de revisiter le flux des infos produites ici. En quatre à cinq liens, ces choix commentés dressent un mini-portrait chinois de l’invité. Aujourd’hui, Vincent Elka, artiste français venu du graffiti.
Vincent Elka, artiste, anciennement connu sous le nom de Lokiss. © Vincent Elka
< 25'12'07 >
Noël, le pop’flux vu par... Vincent Elka

La trêve des confiseurs bat son plein mais ce n’est pas une raison pour déconnecter complètement. Poptronics convie tous les jours un artiste, qu’il soit musicien, architecte ou témoin du Net à revisiter le flux poptronics. Parce que l’agenda des cultures électroniques, lancé en juin sur la Toile, engrange petit à petit des ressources éclectiques, plus de 400 articles publiés à ce jour, et que leur relecture par ces invités est aussi une manière de portrait chinois.

Vincent Elka, artiste français venu du graffiti (Lokiss, une figure, comme on dit des grands), passé par le Net et son activisme graphique, s’est distingué en 2007 par un prix au festival autrichien des nouveaux médias, l’Ars Electronica avec sa première installation interactive, « SHO(U)T ». En 2008, on le verra en couv’ du magazine « Innercity » (en janvier), « SHO(U)T » sera présentée au festival international du film de Rotterdam (du 24/01 au 3/03) et au festival canadien des nouveaux médias Elektra, en mai 2008.

En réponse à l’invitation de poptronics, il a choisi cinq liens qu’il accompagne d’un texte engagé, polémique, virulent, comme l’est ce partisan de la marge.

2008 : TOUT DOIT DISPARAÎTRE – VINCENT ELKA ET LOKISS.

Culture française _ CF Poptronics

J’ai connecté quelques articles tirés de l’édition 2007 de poptronics et cette modeste analyse du contexte culturel français venue tout droit du blog Emosmos. Je vous livre ces citations sans commentaire. A vous de relier, d’extrapoler ou de ne rien comprendre.

C’est assez drôle les cris et aboiements que cela a suscité en France, cette couverture du « Time » version européenne. Je n’y vois pas grand-chose à redire. Sinon souligner la médiocrité, souvent prétendue par nos voisins, souvent vérifiée par nous, indigènes aphasiques, de la culture française.

Création ou diffusion ? Mortes ? Leurs décès ne datent-ils pas d’avant ? Depuis le règne de Monseigneur Lang - je n’ai pu subir de plus anciens Reich culturels - et son emballement du Pont Neuf par le non-regretté Christo ? Pour l’occasion le Kaiser à col Mao avait fait effacer tous les graffitis sur les quais de Seine. Savait-il que cette galerie de rue était la première en date dans l’Europe entière ? En plus d’être fat, ce mondain était ignare. On a vu ou on n’a pas vu comment ce seigneur de guerre a essayé de rattraper pitoyablement le coup après. C’est la perversion ou la frustration du commissaire d’art - mot hautement significatif par sa duplicité même - qui frappaient Mr Lang : tant que l’on parle de moi, les artistes peuvent bien m’y aider. Plus c’est spectaculaire plus la promotion de ma propre image est effective.

Ah oui la Fête de la musique… Un couloir pour les vélos, un caniveau pour les chiens et un jour pour jouer de la musique dans la rue. Satisfaits ? Des jeux du cirque en plus ?

On a vu le devenir des free parties, et la condamnation de la liberté musicale sous le prétexte démago de contrer l’usage local de drogues. Lang aurait-il fait autrement ? On cadre la frange ou on l’élimine. On fagocite la marge ou on la nettoie. Pas différent du Pont Neuf.

< 02’08’07 > Astropolis, l’électro à bon port

Là réside toute l’essence de cette décadence culturelle ? Du fonctionnaire. Je veux dire le Français. « Salauds de pauvre » gueulait Gabin dans « La Traversée de Paris ». On a sans doute déjà entendu « salauds de riche » ou encore « salauds de français ».

Claude Autant-Lara n’en aurait pas été avare tant sa fin fut nihiliste et antisémite. Mais « salaud de fonctionnaire » aurait suffi pour condenser sa pensée.

Qui, je vous assure, n’est pas la mienne. Enfin ça dépend où.

Je relève juste certaines infirmités qui nous caractérisent, nous Français. Et que nos voisins ont donc bien mis en exergue. Ce n’est pas si difficile tant on s’enferme avec faste dans le caricatural, et que l’on préférera toujours le cérémonial et donc l’hommage, à la nouveauté, voire au changement du rituel de la représentation. Ah ce goût pour l’éloge (en carton mâché) et les médailles (en chocolat).

Le Français n’aime sa liberté tant qu’elle reste quadrillée, qui se bat pour le quart monde tant qu’aucun de ses privilèges n’est touché. Qui trie ses dépressions et/ou ses déchets, et qui a pourtant peur de son voisin. Avant il le dénonçait, alors… Fuite des cerveaux ou cerveaux qui fuient. Tout cela est normal. Et normalité est le mot emblématique du fonctionnaire. La norme, voilà le oui-dit. Le conformisme, voilà l’enjeu. Ou le neuroleptique du non-dit dont la France se gave à outrance.

Alors l’art, vous me direz ma petite dame, faut pas que ça lui rappelle toute la bienséance de sa démission. La tourner gentiment en dérision d’accord, mais la condamner crûment, non. Inutile que l’Etat censure au fond. L’artiste français, imbibé jusqu’au goitre de ce classicisme atavique, l’a intégrée, et emmerde tout le monde avec ses angoisses d’ado friqué, puis de trentenaires sans orgasme, de quadra sans victoire et de quinqua Viagra. Dans lesquelles on se doit de se reconnaître. Si on est blanc, boïfiant et avide de procuration.

Là, en fait, je pense davantage au so boring cinéma français, dont la France s’enorgueillit tant. Enfin… pour ce qui des arts plastiques… Garouste n’est pas Géricault. Et Raynaud jamais autre chose que du carrelage de sanatorium. Et puis ils ne dérangent rien, ni la morale ni le mobilier de la culture dominante. Dévorante. Javelisante.

< 07’12’07 > « L’histoire de l’art, c’était l’histoire des hommes artistes »

Parfois - toujours - moins on te sponsorise, moins on te fonctionnarise. Moins on te porte, mieux tu te portes. Plus tu luttes pour créer, meilleure est ta création. Moins tu as de moyens, plus tu t’en crées et, par voie de conséquence, plus tu deviens créatif. Regardez le hip-hop à ses débuts. Non finalement ne regardez pas, ça vaux mieux. Merde c’est trop tard vous avez acheté.

Le cinéma français serait sans doute plus créatif si tout cet arsenal d’aide était absent ou plus léger. Là je crache un peu dans ma propre soupe. Je me pose des questions… et si cela doit passer par une autocritique et bien allons-y.

Le CNC va peut-être disparaître, dit-on. Alors réjouissons-nous. Le ministère de la Culture va disparaître, colporte-t-on. M. Benamou le premier, contre la ministre qu’il exècre, et dont il veut apparemment prendre la place. Un art de salon très français aussi. Une autre académie politique. Un Art en somme, actif au Flore ou au Sélect. Ou au Fouquet’s les lendemains de victoire. A Disneyland également ? Y’a pas de limite avec M. Sarkozy, ce grand dandy décadent.

Plus de ministère, me direz-vous, plus de censure ? Plus de censure conditionnée, juste de la liberté artistique ? Allez… on y croit. Pas.

Mais comme avec Mme Pécresse, l’argent et les gens du pouvoir financier reprendront la main et mécèneront à tout va. Enfin tout ce qui ne rappelle pas, par exemple, que M. Lagardère fait aussi dans l’armement lourd. Ah non, plus maintenant ? Que dans le média lourd ? C’est pareil. Ça tue pareil.

D’abord il n’y pas DES cultures françaises. Il y a seulement une et une seule culture made in France. Celle de l’Etat, celle validée et sponsorisée par l’Etat. Ou par le Marché, donc, par les achats de ces mécènes de haut vol, type Arnault, Pinault, ou le tendre Lagardère et son team de choc. Tout cela n’est pas nouveau. Tout au moins l’omnipotence bedonnante des chefs et des commerçants dans la suggestion autoritaire, par absence de contre-culture, d’une esthétique, d’une manière : j’oserais dire du bon goût français. Et ce qui fait ou défait le bon goût c’est le marché. Rien d’autre. Pas d’audace sans vente à la clé. Pas d’art sans objet.

Ceci explique cela. L’inexistence absolue des nouveaux médias dans la politique culturelle française. Normal, l’objet numérique n’a pas de matérialité et n’a donc pas de valeur. Tant mieux ? Mais que l’on se rassure, les tirailleurs de l’Armée blanche, les designers reprennent la main sur l’interactif. Le rendent fonctionnel, pratique et au final vendable. La pop va encore gagner sur le rock. La réaction sur l’interaction. Le vide sur le plein.

Une seule culture , une culture qui sert de décorum au pouvoir politique. Ah la Chine… La dernière visite de M. Sarkozy et son regard transparent devant les œuvres transparentes qu’on lui montrait. Louis XIV l’avait imaginé bien avant les bolcheviks.

Mais aussi pas d’art sans pérénnité commerciale ou pérennisation par les critiques, qui critiquent tant que l’évènement culturel leur est amené sur un plateau, qui ne regardent tant que notre emblématique commissaire a rassemblé des artistes aussi « prometteurs que promoteurs » lors de sa petite sauterie trimestrielle. Et la boucle est bouclée. Et perversion des temps oblige, le designer devenant artiste, le critique devient souvent commissaire. Et, à force, courtise. Un abattement d’impôts ? Un siège au ministère de la Conservation ?

< 19’09’07 > M’as-tu vu en joueur à la Biennale ?

A coup de labellisation, de validation, d’ignorance et de lâcheté - on se rappellera les drapeaux de Buren en Chine - la France a d’elle-même abattu toutes ses cartes. Le néant fastueux. Tout cela au cordeau. Et la lettre de Monsieur Sarkozy en matière de culture ne laisse pas présager du meilleur, et c’est un euphémisme. En tous les cas, panique au théâtre… chez les fonctionnaires du spectacle intermittent…

La France n’a jamais su mettre en avant ses artistes comme les Anglais ou les Allemands l’ont fait, ou plus encore les Américains, qui demeurent impressionnants dans ce mode culturel type « rouleau compresseur ». On pense toujours au cinéma, mais leur politique culturelle quasi impérialiste s’est exprimée dès l’après-guerre. Tout le monde sait ça. Il fallait vite créer une culture US et autant qu’elle s’impose au monde. Contre ce con communiste de Picasso ! Ou ces planqués décatis de surréalistes ! Et l’abstraction lyrique ou action painting étaient parfaites pour cela. Sans portée politique, juste belle et grandement vide. Je sais, je simplifie, j’ai juste pas le temps de m’étendre.

Aujourd’hui je vois, non sans malice, le même phénomène sévir sur la scène underground de la street culture aux USA. Ils se sont érigés maîtres du jeu dans ce domaine. Il était temps, tant ils étaient à la traîne. Dix ans de retard les gars. Mais minorité ethnique oblige, on les met en première ligne. Que cela soit au pavillon US de la biennale de Venise ou celle de Bagdad. Cela soulage après Katrina.

Cela, les autorités françaises ne le feront jamais - à vrai dire tant mieux, on se souvient de Rue… ou d’autres impostures officielles - sinon pour s’attirer momentanément les bonnes grâces des « casseurs » de banlieue. En voilà un pompier social ! Lesquels « casseurs » n’y trouveraient rien à redire - enfin ça reste à voir - tant leur horizon culturel a été cloîtré depuis longtemps par le même Etat, par la même presse. Par les mêmes commissaires. D’art. De Police.

< 18’12’07 > A Orléans, ça se passe comme Chat

La culture française est morte ?… Une culture nationale ça veut dire quoi ? Ça relève presque du populisme. Évitez-moi le fait que la France est un creuset multiculturel. Je ne vois qu’un amoncellement de folklores justement. Bon pour le mouroir du quai Branly et la Porte Re-Dorée du Re-Toubon. Ici même le hip-hop est un folklore ! Et chacun sait que le folklore ne s’autocélèbre pas tant que les tenants de sa culture se figent comme une mort vivante. Chacun à sa place, chacun dans sa case historique.

< 10’09’07 > Bizot six pieds sous l’underground (1/3)

Donc qui pourrait pleurer ? La représentation culturelle est mortifère, pas la création des artistes, et c’est ce qui compte non ? Ok, ouvrez le ban et allumez le bûcher ! Et puis à vrai dire, tant que l’on y est, tuons la culture en général, brûlons les blancs musées ! Ne gelons rien, laissons les choses s’exprimer, même la réaction, je vous dis !, elle vient, elle passera. Vous la voulez comme la cravache ! Abaissons le froc constipé de la civilisation et mettons-y de la dynamite ? Puisque jusqu’ici je n’ai parlé que de violence d’Etat. Parlons de violence artistique, non ?! Un Boeing dans une tour en septembre ! Non, je me trompe ? Qu’est-ce que vous en savez ? L’art vous le vivez ? Car le regarder, le commenter, l’expliquer, même le ressentir ce n’est pas le vivre. Même pas en rêve. Alors devenez tous artistes de votre vie et faites revivre tout ça ! et merde au « Time » ! « Yankees Go Home », gueulent les dockers de Marseille !

La culture française est morte ? Jusqu’à se focaliser sur la conservation de ce qui peut être encore aseptisé ?

Jusqu’à en appeler l’artiste allemand - néanmoins talentueux, au moins à ses débuts - Anselm Kiefer à envahir une aile du Louvre. Cet artiste qui érigeait si haut les couleurs de la Grande culture allemande… Jusqu’à tendre son bras victorieux.

Là, sans risquer l’analogie historique évidente, c’est grotesque… and « finally so french »...

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