Comment parler d’art et nouvelles technologies devant un parterre de technophiles réunis à Marseille pour Lift 2009, la « conférence internationale sur l’innovation, la créativité, la technologie et la société », du 18 au 20/06 ? Nicolas Frespech, net-artiste que poptronics aime (et vice-versa), a tenté le challenge et raconte.
Atelier circuit toy bending ou comment transformer ses vieux jouets électroniques pour en faire des objets communiquants à notre goût. © Nicolas Frespech/Licence Art Libre
< 22'06'09 >
Mon retour d’« Expérience » au Lift, par Nicolas Frespech

(Marseille, envoyé spécial)

Penser les implications sociales culturelles et économiques des nouvelles technologies, c’était l’ambition affichée de la conférence internationale Lift 2009 qui se tenait cette année à Marseille du 18 au 20 juin, en partenariat avec la Fing, la Fondation Internet nouvelle génération. J’ai été invité à participer au programme de conférences assez pointues, augmenté d’une exposition d’artistes « numériques » (plutôt intéressante, sauf la sélection de peintures). Quelques semaines avant le 18 juin, on me demande de compléter mon profil sur le site dédié, histoire de réseauter au maximum… moi qui ne suis même pas sur Facebook, va falloir capter l’esprit web 2.0 rapidement ! Les fiches des artistes sont mélangées à celles des entrepreneurs du cool business et des chercheurs... On peut affiner sa recherche en cliquant sur certains tags. Je demande à plein de personnes de devenir mon « pote », j’ai même envoyé une invitation à Nathalie Kosciusko-Morizet, qui participe à cette édition... elle n’a toujours pas accepté !

Jeudi dernier, j’arrive à Marseille, un peu angoissé, je me rassure en me disant que j’ai presque 50 « potes » virtuels qui m’attendent les bras ouverts ! Ma mission : installer « E-Curiosity Desk », un bureau avec des objets pucés pour l’exposition « Experience » et intervenir dans l’auditorium pour parler 5 minutes de mon approche de l’Internet des objets. Ça se passe au Palais du Pharo, super vue sur Marseille, le vieux port et la tour ultramoderne de Zaha Hadid. L’espace alloué aux artistes est un hall, le Pharo n’est pas une galerie d’art mais un lieu pour accueillir colloques et rencontres en tout genre. L’espace est végétalisé par le projet « Flowerbox » qui invite à remettre de la nature là où y’en a plus.

Joyeux bordel
Je déballe mes affaires, tout le monde s’installe, des volontaires sont là pour nous aider, ça fait plaisir. Je cherche une connexion, une clé USB... je me retrouve à coller une affiche sur une colonne, c’est l’esprit coup de main général.

Axelle Benaich, la commissaire d’« Experience » me demande si tout se passe bien et m’annonce qu’à 16h tout doit être installé, qu’un bénévole fera le médiateur. J’ai installé sur une table un écran et les objets pucés des artistes invités. Une fois passés devant un capteur de puces RFID, ces objets se connectent au Net et affichent le programme correspondant. Par exemple, quand on passe devant le capteur quelques noix de lavage, l’écran affiche des informations sur la machine à laver solaire... une création de médiation. Mon stand est prêt, pardon, ma « création » est prête à accueillir les participants entre deux conférences.

Le médiateur arrive, il est sympathique mais ne connaît pas grand-chose à l’art numérique et surtout il est super alcoolisé, pas simple de lui expliquer le concept. Et puis le choix des « Expériences » sélectionnées est hétéroclite... Je l’oriente vers la librairie éphémère où un seul titre est consacré aux arts numériques, perdu entre des publications sur le marketing en ligne et l’économie numérique. Autre piste : expérimenter « Expérience » par un petit tour d’horizon de quelques stands. Je retrouve avec plaisir Anne Roquigny et Isabelle Arvers qui font une démonstration de WJ (web jing) et annoncent un scoop sur le plateau de la télé participative O2zone : le projet WJ-S s’ouvre au corporate. Lift semble la rencontre idéale pour annoncer cette nouvelle ! Belle idée d’ailleurs que cette télé participative animée par O2zone, chacun peut investir le plateau en ayant pris soin auparavant de proposer un sujet sur un tableau blanc.

La plupart des projets invités sur Expérience sont participatifs tendance rétro, je me retrouve à l’atelier circuit bending où l’on peut souder des circuits de jouets musicaux pour les adapter à notre goût : ludique et super intéressant.

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Le projet « Eggregor8 » invite, lui, à jouer à une drôle de partie de « Pac Man ». Ceux et celles qui veulent se dépenser encore plus choisissent la Wii Balance Board où l’on joue à une sorte de cadavre exquis composé exclusivement de photos d’Elisabeth Taylor, version Cléopâtre en fauteuil roulant avec son chien favori dans les bras... Balancez-vous à droite à gauche et imprimez le résultat visuel sur une carte postale. « Twiist, the exquisite Liz Taylor » est une jolie illustration de hijacking signée Jane Antoniotti et Douglas Edric Stanley.

Esprit Ecolo
Installée sur une terrasse, la Machine à laver open source fonctionne à l’énergie solaire. A Marseille, ce n’est pas le soleil qui manque pour laver son linge dans un esprit bricolo-écolo très air du temps...

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Plus hi-tech, la « Montre verte » permet de participer à une cartographie de la pollution où tout un chacun contribue à une forme de vigilance écologique. Développée pour Futur en Seine (la manifestation hi-tech d’Ile-de-France), elle capte la quantité d’ozone présent dans l’air et se connecte au réseau pour partager ses différents relevés... géolocalisés.

L’art de faire conférence
Ça circule dans l’espace « Expérience », tellement qu’un des organisateurs essaie en vain de diriger les visiteurs et participants vers l’auditorium : Lift est avant tout une programmation de conférences ! A propos de conférences, je dois préparer ma petite intervention. Parler d’art contemporain devant des designers ou des chefs d’entreprise en tout genre n’est pas simple. Je respire, crispé-courbé sur mon micro et je me lance. Projection d’un ready-made de Marcel Duchamp, j’en appelle à la mémoire de l’histoire de l’art… Présenter « le Porte-Bouteille » (1914) pour parler de l’Internet des objets et dire haut et fort que le simple fait de lier un objet, de faire un choix d’hypertexte, c’est de l’art, c’est un peu culotté… Après l’intervention, des participants viennent me voir. C’est le but de Lift, voir le plus de monde possible sans avoir trop le temps de parler. Mais le geste de tous les possibles se renouvelle : me tendre une jolie carte de visite... j’ai l’air bête, j’ai même pas pensé à en faire. Je regarde la carte, je lève la tête, l’air encore plus bête, et je dis « merci »...

nicolas frespech 

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