« 12 by 2 », exposition de Matt Mullican, jusqu’au 12/09/10, Institut d’Art Contemporain, 11 rue du Docteur Dolart, Villeurbanne.

Cet article a été publié dans le magazine papier « Artline » daté juillet-août 2010, un gratuit bilingue franco-allemand en région Est.

"Learning from that Person’s Work" (2005) et "Cityplan etched on cristal balls" (2009), de Matt Mullican, vue de l’exposition "12 by 2" à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne. © Blaise Adilon
< 30'06'10 >
Matt Mullican, portrait de l’artiste en “That Person” à l’Institut d’art contemporain

(Villeurbanne, correspondance)

Etes-vous déjà entré dans le cerveau d’une personne ? La question est incongrue, à moins d’exercer dans les différentes branches de la psychanalyse, on a déjà bien assez à faire avec son propre bulbe. Alors imaginez que la question devienne : « Etes-vous déjà entré dans le cerveau d’un artiste ? » et vous saisirez :
1) le lien direct avec cet article et
2) que la chose va être plus complexe que prévu.

C’est ce que propose l’Institut d’Art Contemporain (IAC) avec l’exposition de Matt Mullican, « 12 by 2 ». « 12 » comme le nombre de salles de l’IAC, « 2 », parce que deux créateurs sont concernés par l’événement, Matt Mullican, né en 1951, et « That Person », cet autre sous hypnose. L’artiste américain travaille depuis les années 70 sur le phénomène de l’hypnose qui lui permet la réalisation d’œuvres différentes de celles qu’il entreprend conscient. Ce travail sous hypnose est tellement autre que Matt Mullican ne le considère pas comme faisant partie de sa production propre. Il s’agit de « That Person’s Work ». Cette autre entité n’est pas lui. D’ailleurs, il en parle à la troisième personne, non par excès d’égocentrisme, mais bien parce qu’elle lui paraît réellement étrangère.

Matt Mullican sous hypnose, performance en janvier 2007 à la Tate Modern de Londres :



En 2005, le Museum Ludwig à Cologne commande une exposition à That Person plutôt qu’à Matt Mullican (« DC : Matt Mullican – Learning from that Person’s Work »). Cinq ans plus tard, l’IAC propose à l’artiste une rencontre entre les deux personnes qui devient « 12 by 2 ». Nathalie Ergino, directrice du lieu, reconnaît aujourd’hui qu’elle n’avait pas imaginé que cette idée les mènerait si loin.

Le travail de l’artiste s’articule autour de l’élaboration d’un système devenu cohérent : une cosmogonie personnelle constituée d’un code couleur combiné à la réappropriation de pictogrammes qui balisent notre quotidien. Un travail cérébral qui questionne l’existence, la vie sociale, la ville… Ces réflexions s’enrichissent par la création de vies fictionnelles comme celle, très stylisée, du personnage bâton « Glen ». Y a-t-il du Dr Jekyll et Mr Hide dans tout cela ? Toujours est-il que le personnage de That Person semble bien avoir échappé à l’artiste qui le regarde avec l’œil interrogateur de l’observateur.

Le travail de That Person consiste pour l’essentiel en des écritures et signes graphiques, des collages et des peintures. Le parcours de l’exposition prend de l’altitude par rapport au travail de Matt Mullican. Décidé par l’artiste lui-même, il propose un regard distancié sur les expériences passées, à l’aide de documents d’archives et d’objets témoins. Il propose ainsi un exercice bien connu des sciences humaines, qui consiste à se pencher sur des fonds d’archives et des vestiges, pour envisager des actions qui se sont déroulées dans un état intermédiaire entre le conscient et le subconscient. Soit des moments qui n’ont pas réellement existé pour la conscience de l’artiste.

Un long couloir immerge le visiteur dans cette tentative de découverte de cet autre qui, d’après Matt Mullican, serait conservateur et romantique (au vu de ses goûts marqués pour la beauté, l’amour, les recettes de survie, la cuisine, les calculs ou les chansons d’amour). De salle en salle, le visiteur passe du travail de l’artiste à celui de ce double autre, des écritures toutes en boucles et des collages fleuris de ce dernier aux représentations abstraites et symboliques de Matt Mullican.

Cela faisait vingt ans que Matt Mullican n’avait pas connu d’exposition d’une telle envergure en France, depuis le Magasin, centre national d’art contemporain, à Grenoble et le « City Project ». L’artiste américain revient pour un panorama sur son travail depuis les années 70. Le schéma codifié de sa cosmogonie qui ouvre l’exposition avec une œuvre au sol presque aussi grande que la salle elle-même ponctue chaque espace dédié à l’artiste. Ce schéma se retrouve d’une manière ou d’une autre dans une bonne partie de ses œuvres. Soit intégralement, soit par le dessin de ses contours, soit par la reprise de ses cinq couleurs (vert, rouge, bleu, jaune, noir), chacune représentant des « niveaux » du système mullicanien. Des couleurs qui viendront bientôt habiller le mur aveugle de l’immeuble voisin de l’IAC.
corine girieud 

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