Rachida Dati passée à la moulinette pop-low-tech de Loz. © Loz
< 16'07'07 >
Loz-Tech

Il aurait pu avoir le record du site au nom le plus long. Mais ce n’est pas pour cette raison que « les micros ordinateurs ont 20 ans comme de belles jeunes filles séduisantes  », en ligne depuis la fin juin, intrigue avec son graphisme tramé de petits points. Loz (nom d’artiste d’André Lozano), y dévoile une série de dix photographies bien alignées qui s’ordonnent en une nouvelle mosaïque à chaque rafraichissement.

Rigueur et linéarité se répètent dans un même processus appliqué par l’artiste sur des photographies inédites de fleurs, de vieux ordinateurs et de jolies femmes inconnues ou publiques. Loz, qui cherche à révéler l’essence numérique de ses images, leur redonne ainsi une maturité informatique (20 ans d’âge). Le net-artiste messin retravaille systématiquement ses photographies avec un Macintosh SE 30 des années 80 équipé d’un écran 9 pouces qui donnera, par ce format, la résolution des images finales : 512 pixels par 342 pixels.

Se jouer de la temporalité informatique en passant les images à travers le processeur d’un ancien ordinateur, le tout en noir et blanc bien sûr, est le moyen qu’il a trouvé pour simplifier les équations cachées de chaque image numérique. Résultat, toutes ces archéo-photographies sont recomposées avec un principe simple : 1 octet =1 pixel. Du low-tech par essence, puisquie la référence se fait directement au code binaire. Loz concède de cette façon à l’image une nouvelle forme de vie, la rendant presque immortelle aux heurts des « avancées » technologiques. Ce retour aux sources de l’image numérique, il l’applique sur une imagerie qui ressemblerait presque à celle d’Andy Warhol. Et pourtant, si Loz adopte des thèmes de femmes et de motifs floraux identiques au maître du Pop-art, lui substitue aux crashs de voitures des crashs d’ordinateurs. Et rajoute sa touche de « modernité » en redimensionnant le cadre de la photo avec des Ipods, intégrant dans l’écran du lecteur MP3 ses propres clichés. Après tout, il faut vivre avec son temps…

Mais la référence au Pop-art ne s’arrête pas là ; le protocole « 512 x 342 » de Loz peut se rapprocher de la démarche d’Alain Jacquet ? En 1964, entre Pop art et Mec art, il reprenait l’image du « Déjeuner sur l’herbe  » de Manet. Reproduite, fragmentée et agrandie, Alain Jacquet produit 200 œuvres en recherche perpétuelle de la trame et du point, invisibles et pourtant essentiels à la reproduction mécanique massive.

A l’heure de « l’art à l’ère de sa reproductibilité technique  » le point se veut universel, traversant le temps technique et informatique, révélant ainsi l’essence même de l’image. Un retour aux sources, à cette première fois enfin réussie avec des moyens si simples mais bien suffisants. Le Low-Tech aurait-il côtoyé sa forme esthétique bien avant l’ère de l’informatisation ?

Le couple mi-hacker, mi-net-artiste JODI, précurseur du Net-art et adeptes du low-tech, ont eux aussi su mettre en évidence dans les années 90 la plasticité du pixel, du point et des codes HTML. Eux le pratiquaient davantage pour déstabiliser le spectateur avec une interaction intrusive et un conflit quasi-permanant entre un utilisateur et sa machine devenue incontrôlable ?

L’écriture graphique finalement très personnelle de Loz poursuit un autre but, d’autant plus fort avec sa série de « femmes publiques  ». Ségolène Royal, Rachida Dati, Clémentine Autin et Hillary Clinton y sont alors littéralement mises à nu. L’artiste pointe une autre réalité, presque mystérieuse, en contradiction totale avec leur image médiatique hyper réelle sur papier glacé. Les décalages se creusent entre un temps informatique court, rapide et éphémère, bon à jeter au bout de trois années et le « temps nécessaire », ces 20 ans d’âge qui permettent le recul sans sans pour autant perdre les grains de folie. Une piste qui peut expliquer la vie en noir et blanc de poptronics...

aude crispel 

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< 4 > commentaires
écrit le < 16'07'07 > par < peter.gabor(at)gmail.com >
un filtre photoshop = 30 secondes de réglage et au final le billet pour expliquer l’œuvre prend une heure... c’est aussi ça l’art contemporain. La visibilité d’un plasticien contemporain serait plus une affaire de réseaux que de talent. Cela n’engage que moi.
écrit le < 17'07'07 > par < annick.rivoire Bcm poptronics.fr >

Ça n’engage que vous, mais "ça" fait quand même son jaloux de ne pas avoir un traitement équivalent. C’est d’autant plus amusant qu’on ne peut pas dire que Loz soit l’artiste contemporain qui ait le plus de visibilité... il est prof dans un collège-lycée de Metz, il est tout sauf dans le petit milieu de l’art qui se promène de biennales en expositions géantes.

La seule chose avec laquelle je peux être d’accord, c’est que c’est une question de subjectivité qui fait qu’on aime ou pas son travail.

Mais franchement, l’argument en cinq secondes je fais la même chose avec mon gros logiciel, on l’a déjà entendu des milliards de fois à propos de Picasso ou toute la peinture abstraite, genre "moi aussi je peux faire des gribouillis et dire que c’est de l’art". Ah ouais ? Allez donc cliquer sur le pop’lab pour jeter un oeil sur les pratiques des artistes (Nicolas Frespech).

Parce que ça bosse aussi un artiste.

écrit le < 17'07'07 > par < net.sandra zoN gmail.com >
"littéralement mises à nu", je ne crois pas que ces femmes publiques soient "mises à nu" par un tel traitement de leur image. Au contraire, elles prennent de la densité et de l’épaisseur, du mystère. Ces images semblent des fantômes issus des tuyaux instantanés, des échappées du flux... leur grain, leur matérialité étrange rend l’image quasi mythique. Ces femmes peuvent incarner dès lors des mythes, des individualités complexes, des histoires en suspens. Le fait que ces femmes soient publiques, et donc exposées quotidiennement aux fantasmes plus ou moins avoués de "mise à nu", et que l’image qui est proposée d’elles par Loz soit complexe, inaccessible et reconnaissable joue plutôt en faveur de leur exposition à des regards non asservissants. Une exposition qui ne serait pas une exposition au coup, voire aux coups très bas. Ce qui se dit là est un certain regard sur la féminité, et la féminité dans l’espace public, plus ou moins occultée dans l’espace médiatique.
écrit le < 18'07'07 > par < reinhardt PLp free.fr >
La créativité n’est pas dans l’idée d’utiliser un filtre logiciel qui crée l’effet, ça serait trop simple, en effet. La créativité est dans la réflexion critique puis l’action constructive de l’artiste, qui aboutissent à l’effet recherché, à la fois satisfaisant et surprenant. Parmi tous ceux qui peuvent "faire pareil en 30 secondes avec un filtre", très très peu ont quand même manifesté assez de créativité puis, derrière, la connaissance et la compétence nécessaires, pour concevoir, éditer puis assurer le développement d’une oeuvre logiciélo-numérique. Loz est un de ceux là. Le logZ, système de publication pour le web (spw), créé par Loz, tend plutôt à montrer que la démarche de cet artiste est sincère, intégrale, engagée, passionnée, et qui plus est, compétente.