Jacques Villeglé, La comédie urbaine, première grande rétrospective de l’artiste phare de l’affiche lacérée, du 17/09 au 5/1/09, de 11h à 21h, 12 €-9 €, au centre Pompidou, place Georges Pompidou, Paris 4e.
Rues Desprez et Vercingétorix - "La Femme", 1966, de Jacques Villeglé, à voir à Beaubourg pour la première rétrospective en France consacrée à l’affichiste. © Adagp, Paris 2008
< 18'08'09 >
Les mots de Villeglé, peintre sans métier

(Pop’archive). Si « travailler fatigue », flâner au hasard des rues pour y glaner ce que recèle la ville doit être a contrario un profond stimulant. Regardez Villeglé. Celui qui a fait profession d’être « un homme sans métier » se porte mieux que bien : à 82 ans, l’affichiste voit couronner 50 ans de dérives urbaines par une rétrospective à Beaubourg. Et tant pis pour « cette démagogie qui voudrait faire croire que l’artiste se rend à l’atelier comme l’ouvrier à la chaîne », comme il l’écrivait dans « La traversée Urbi & Orbi » en 2006.

De fait, Villeglé a longtemps refusé d’être peintre. Dès son arrivée à Paris (juste après la guerre), il préfère la rue à l’atelier et la posture du chiffonnier à celle de l’artiste. Son intérêt pour la ville le porte alors vers un matériau aussi loisible et bon marché que riche de potentialités plastiques : l’affiche. Celle-ci, l’« anartiste » breton l’extrait de son contexte (urbain) et la détourne de sa fonction (marchande) pour la maroufler sur toile. Un acte fondateur sur lequel il a bien voulu revenir pour poptronics.

Au creux de l’été, dans son atelier, Villeglé a reçu l’équipe de poptronics pour livrer quelques-uns de ses souvenirs. Et d’abord le contexte économique de l’après-guerre :



En dépit de ces difficultés logistiques, l’après-guerre était un terreau idéal pour l’artiste :



Mais pour quiconque aime la typographie, l’affiche lacérée offre aussi un intérêt esthétique :



Et puis, l’art lui permettait « d’approcher de la vie » :



« Fontaine de jouvence de la peinture », l’affiche lacérée s’inscrit dans une lignée qui court du collage cubiste au photomontage. Parce qu’elle puise dans les « réalités collectives », qu’elle est un réservoir sans cesse renouvelé d’images, de couleurs et de lettres, l’affiche lacérée permet d’investir tous les genres picturaux. Tantôt historique ou abstraite, tantôt surréaliste, elle demeure rivée au « décor de la vie quotidienne » et donc réaliste, même s’il s’agit d’un réalisme nouveau. On comprend alors que Villéglé ait trouvé chez Klein et compagnie une forme de famille.



Mais alors, c’était quoi les Nouveaux réalistes, un tremplin, un mouvement, une révolution, une famille ?



Néo-réaliste, Villeglé l’est dans la mesure où il travaille à réduire l’écart entre l’art et la vie. Le lacéré anonyme, nom qu’il donne à l’affiche marouflée, ne dit pas autre chose : sa dénomination même « restitue à la masse des lacérateurs clandestins le génie que le jeu du commerce de l’art a tendance à attribuer aux seuls artistes ravisseurs, voyeurs et collectionneurs, Dufrêne, Hains, Rotella, Villéglé » (in « La traversée Urbi & Orbi »).

Dévaluation de l’artiste ? Sans doute : pour Jacques Villeglé, n’importe qui peut en revendiquer le titre, et le geste d’un inconnu arrachant à la ville un lambeau de papier vaut bien un coup de pinceau sur une toile. Si la création est l’affaire de tous, le métier de l’artiste consiste alors à choisir, parmi la profusion du monde, les objets qu’il juge « muséables ». Ainsi déboulonné de sa tour d’ivoire, le peintre se fait collectionneur.



Alors, artiste urbain, Jacques Villeglé ? De fait, son œuvre doit tout à ce « décor de la vie quotidienne » qu’est la ville. A travers les affiches et les alphabets socio-politiques, il s’agit de jeter des ponts entre ces deux mondes a priori étrangers l’un à l’autre que sont la rue et la galerie. Pas étonnant qu’en marge de la rétrospective à Beaubourg, Villeglé crée une œuvre spécifique pour l’espace urbain. A voir sur le M.U.R de la rue Oberkampf à partir du 25 septembre.

Images tournées par Aminata Sylla

Cet article a été publié la première fois le 25 septembre 2008.

stéphanie lemoine 

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