A l’occasion du concert de Son Of Dave, ce soir à la Maroquinerie, 23 rue Boyer, Paris 20e, plongée dans la scène « one man band », qui explose depuis le début des années 2000, reprenant le flambeau de pionniers vieux de plus d’un siècle.
Son Of Dave, la musique des champs de coton et des samples. © DR
< 04'08'09 >
Le retour des hommes-orchestres

(Pop’archive). Un harmonica, un shaker, quelques battements de pieds et une boîte à rythmes : le blues déviant de Benjamin Darvill alias Son Of Dave se contente de peu, mais pour autant n’oublie pas d’être groove. Ancien des Crash Test Dummies, ce Canadien qui porte beau (costume, mocassins et chapeau mou) passe ce soir par la Maroquinerie, invité par le Bose Blue Note Festival, pour présenter son nouvel album « 03 » (à paraître le 17 avril), qui le voit retoucher à une guitare et même convier un violoncelle ! Sur scène, la performance, loin du rachitisme que l’instrumentarium laisserait supposer, est des plus ébouriffantes.

Son Of Dave - « Leave Without Running » live :



La formule du one man band qu’expérimente Son Of Dave n’est pas nouvelle. Des minstrels du Moyen Age aux premiers bluesmen en passant par les hillbillies de la country naissante, aller de ville en ville chanter l’amour, l’alcool, la rue et sa violence est un invariant de la musique populaire. Mais les exégètes sont sourcilleux : un « one man band », c’est un musicien qui s’accompagne d’un ou plusieurs instruments et de percussions (pour un aperçu historique, lire cette page très documentée). Ces dernières années, l’homme-orchestre retrouve le devant de la scène. A cela, évidemment, une explication d’ordre économique (ça coûte moins cher de parcourir le monde seul qu’à trois ou quatre) mais surtout technique, avec la généralisation de l’oversampling, qui permet d’enregistrer des sons en boucle (guitare, charley, synthé) pour donner son ossature à une chanson. M, par exemple, a débuté comme ça, avant de se lancer dans les concerts ultra-scénarisés. L’oversampling en pratique :

King Automatic - « Here comes the terror » :



On est loin des bricolages pionniers des Américains Abner Jay ou Jesse Fuller, qui fabriquaient eux-mêmes leurs instruments, ou, plus proche, de l’Anglais Don Partridge, retourné jouer dans la rue après avoir connu le succès à la fin des années 60. Aujourd’hui, c’est dans les franges garage et rockabilly qu’on trouve le plus de musiciens solitaires, perpétuant une tradition déviante aussi vieille que le rock. En 1955, quand Chuck Berry et consorts jetaient les bases du genre, Hasil Adkins inventait un proto-psychobilly, plus tard salué par les Zombies ou les Cramps comme décisif. Un attaqué notoire, Hasil Adkins, qui chantait des textes épouvantables où l’on étête des poulets et crucifie sa copine. On raconte qu’il pouvait passer plusieurs jours sans dormir (la légende parle d’une consommation quotidienne de 3 litres de café et beaucoup plus encore de vodka), et engloutissait des kilos de viande crue.

Un extrait du documentaire « The Wild World Of Hasil Adkins » :



Disparu en 2005, Adkins a laisssé sa marque sur toute une scène, des Français Petit Vodo, Fredovitch ou Sheriff Perkins (loin de la tradition Rémy Bricka) au Portugais Paulo Furtado alias The Legendary Tiger Man (qui reprend son « She Said »), au Texan misogyne Bob Log III, toujours planqué derrière son casque de moto, ou encore BBQ, le blaze de Mark Sultan.

The Legendary Tiger Man - « Bad Luck Rythm’n’Blues Machine » :



BBQ, live au Rancho Relaxo :



Mais la vraie nouveauté, c’est l’arrivée de one man bands hybrides, qui mettent l’électronique au cœur de leur projet artistique. Outre le phénomène Yacht, déjà évoqué ici (en concert fin avril à la Flèche d’Or, on y revient), on peut citer le Lyonnais foutraque André Duracell, Casiotone For the Painfully Alone, qui s’est longtemps produit seul derrière ses synthés et séquenceurs, et surtout, le projet totalement allumé de l’Américain Jason Vance, créateur d’une sorte de « one robot band », Captured ! By Robots. Soit des machines jouant d’instruments bizarres pendant que lui s’époumone au chant. Le one man band du futur ?

Captured ! By Robots en concert :

Cet article a été publié la première fois le 27 mars 2008.

matthieu recarte 

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