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La cassette 18/81 comportait « 18 leçons de rock’n’roll urbain », dont un instrumental synthé-pop de Nini Raviolette. © DR
< 05'07'07 >
La deuxième vie de Nini Raviolette

A une époque où le moindre rogaton post-punk 80’s est automatiquement élevé au rang de culte ou pire, digéré dans le grand estomac du sampling mondial, redécouvrir la discrète figure de Nini Raviolette est une caresse. Rendons grâce ici à Marc Collin, pourtant coupable avec Nouvelle Vague d’une dévitalisation bobo du même post-punk, d’avoir attiré notre attention sur « Suis-je normale ? », morceau figurant sur l’indispensable compilation « So Young But So Cold-Underground French Music 1977- 1983 », label Tigersushi. Au milieu de morceaux arty et synthétiques à la Kas Product surgit ce petit air de rien du tout, très fragile, aux claviers enfantins et aux refrains naïfs, touchants (« Suis-je normale d’avoir peur ? » ou « L’amour transfigure beaucoup mieux qu’une piqûre »), qui font de suite songer au Rohmer des Nuits de la pleine Lune, et donc à Pascale Ogier.

Et voilà que Nini réapparaît dans les archives de La Fondation, tout récemment exhumées sur un site très complet et bien fichu. Premier coup d’éclat de ce collectif parisien (dix-huit membres au compteur, tous apprentis graphistes, illustrateurs, musiciens, journalistes, vidéastes), en forme de manifeste : début 1981 sortait « 18/81 – 81/18 », cassette de 18 morceaux d’une minute sous-titrée « 18 leçons de rock’n’roll urbain » et vendue dans un sachet transparent accompagnée d’un puzzle (et d’un badge, évidemment). Au programme, dix-huit exercices de détournements sonores érudits et zouaves, qui ont autant à voir avec les Nuits Magnétiques qu’avec l’esthétique new-wave. On retrouve ainsi Nini dans un sautillant instrumental synthé-pop rectangulaire, le trio C. Naturel/J. J. Ortlieb/Alex Reparok qui nous emmène dans les étranges rives du collage PMO, ou l’exotique Holidays In Espana, de Theresa/Merlin/L’d Track.

Vendue une trentaine de francs, cette cassette connut un petit succès critique, dont une chronique dans le "Rock&Folk" bonne période. On ne sait pas grand chose des membres de la Fondation, qui se délectaient de noms d’emprunts et de photos trafiquées. Sous le doux nom de C’Naturel, le parolier de Nini, se cachait par exemple Alain Burosse, activiste touche-à-tout, artiste, réalisateur et/ou producteur d’émissions radio et télévision qui allaient marquer une génération entière par leur créativité et leur liberté de ton (aujourd’hui révolues) : l’Oeil du Cyclone diffusé sur Canal + et réalisé entre autres par Jérôme Lefdup, lui aussi membre de la Fondation avec son frère Denis.

En 1982, les Parisiens s’associèrent aux Marseillais Utilisation Du Vieux Port pour le projet "A Corps Bilatéraux", une cassette dont chaque face fut réalisée par l’un des deux collectifs. Un morceau, Paris Marseille, fut même composé collectivement suite à des échanges postaux de bandes magnétiques, préfigurant les processus contemporains de composition musicale. Puis on retrouve Nini, dont les travaux solo connurent un petit succès, underground certes mais pas uniquement : elle connut les joies du rock business, plateaux télé, concerts, vidéoclips, et fut même repérée par Celluloïd, le label d’Alan Vega, Métal Urbain, James Chance, Lydia Lunch, entre autres étalons d’une new-wave déviante… Quelques singles puis s’en va, où es-tu Nini ?

L’un des projets les plus marquants de la Fondation reste la réalisation en 1983 de jingles destinés aux radios encore « libres », à l’occasion de la première tournée européenne des Residents, cultissime groupe américain de rock d’avant-garde.

Il faut absolument redécouvrir ces productions spontanées, témoignage d’une époque un peu foldingue, une sorte de növo Movida parisienne à la fois joyeuse et érudite.

« Suis-je normale ? » par Nini Raviolette :

benoît hické 

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