5 ans, 50 portraits.
Aujourd’hui : Jean-François Peyret, auteur et metteur en scène de théâtre, a fondé la compagnie TF2 en 1995, vit et travaille en France.
Auteur : Agnès de Cayeux, artiste des mondes virtuels française.
Jean-François Peyret au travail, ici en 2003 sur les répétitions des "Chimères en automne" au théâtre de Chaillot, avec le comédien Clément Victor. © DR
< 16'10'12 >
Jean-François Peyret, de l’amitié

(pop’50) Écrire le portrait de l’homme ou bien évoquer ses amis.

Parce que c’est lui, parce que c’est eux, comme dirait l’autre. L’amitié, oui, l’amitié. Ce grand ordinaire, cette méga confusion 2.0.

Tu ne parles pas de l’homme, tu ne dis ni son âge, ni la marque des clopes et cigares qu’il a fumés. Tu parles de ses amis que tu as lointainement observés, rencontrés, écoutés ou carrément admirés. Le reste ou en partie, tu le trouves sur sa page wikiki, le site de sa compagnie TF2 ou encore sur son journal.

Alors donc, le meilleur ami de notre homme n’est pas un animal. Quoique. La chamelle sur le plateau de « Vermeer & Spinoza » de Gilles Aillaud, « la Génisse et le Pythagoricien » sur la scène d’Ovide, la seconde truie d’Olivier P. sur le plateau « Tournant autour de Galilée », les drosophiles d’« Ex vivo / In vitro » et autres « Chimères en automne ». Et aujourd’hui, cette image de l’autruche dévalant le plateau à venir pour actrice principale. Les calamars ne pensent pas, les mouettes non plus.

Et Jean-François Peyret affectionne la pensée ou plus précisément le processus de son exercice. C’est sans doute pour cette raison que sa raison ignore qu’il a choisi ce métier de metteur-en-scène. Un homme discourant sur l’amitié et non un type isolé faisant tourner ses méninges en Dordogne ou ailleurs.

Un homme qui s’entoure de corps de métiers, comédiens et acteurs, scénographes, éclairagistes, scientifiques et chercheurs, compositeurs et musiciens, costumières, vidéastes et plasticiens, régisseurs et techniciens, ingénieurs, administrateurs et producteurs, bidouilleurs, geeks and co. L’amitié que porte Jean-François Peyret à ceux qui rejoignent ses équipes est celle-ci, celle de leur offrir la liberté d’inventer, le plaisir de penser pour un public. Mettre en branle un cerveau, le tien, le mien ou celui de l’autre. Des milliards de cerveaux. Au service du plateau.

C’est ici qu’il s’agit de parler de ce premier et fidèle ami, Alain P., complice de Peyret (lire ci-dessous le générique détaillé des amis de Jean-François Peyret, ndlr). Un type qui quitte son labo du Collège de France chaque soir de répétitions pour livrer aux comédiens quelques interrogations ou provocations sur les technologies du vivant. Un type prêt à tout pour Jean-François Peyret. Et ils s’entendent comme cochons ces deux-là. Indécrottables. Passant des heures/neurones miroirs aux relectures des métamorphoses d’Ovide, sans oublier la madeleine (de Proust) - proximité par l’amitié.

Et ce peintre et rêveur, Nicky R., l’ami scénographe qui colle ses chewing-gum à la nicotine sous les fauteuils des théâtres qu’il arpente avec ou sans Jean-François Peyret. Il faut les suivre aussi ces deux-là, lorsqu’ils nous racontent leurs souvenirs de théâtre, ces années-là.

Alors, Jean-François Peyret, on l’appelle « JF » entre nous. Mais ce pronom indéfini, ce « on »… qui est-ce ? Et bien, ce sont les étudiants formés et rencontrés à l’Institut d’Etudes Théâtrales de Paris 3, les élèves des écoles dramatiques du TNS, de l’ENSATT ou de l’Erac… petits animaux oisifs que JF a pris sous son clavier durant de longues années, du Minitel au MacBook Pro en passant par l’Apple II, avant de les laisser créer, inventer, tournicoter à la sauce Peyret et ses potes. Benoît B., Nicolas B., Stéphanie C., Marion S. et les autres.

(Dans le nom Peyret, on entend le mot père, disait l’autre à la fraîche de la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon pendant la création du « Cas de Sophie K. ». Et Ariel G. de sourire si tendrement de ces années d’accompagnement exercées à la MC93, à Chaillot ou ailleurs.)

Wesh, facile.

Oui, l’amitié professionnelle de Peyret, elle est rare, un homme qui accompagne, un homme qui soutient… et d’ailleurs, un véritable chef d’entreprise –résultats obligent. Combien d’entre nous ont bossé des années grâce à la petite entreprise de la compagnie TF2 inventée et menée d’une main de velours dans un gant de fer par Claire B. ?

Sur le plateau de JF ou non loin, la plus belle amie du metteur-en-scène : LA MACHINE. La machine pense-t-elle ? la machine à mémoriser ? la machine de Turing, celle d’Alain P., de Jean L., de Bernard S. de Luc S.… La machine mathématique, la machine de pierre ou de silicium.

Revenons à Dolly. Oui, la plus grande marque d’amitié d’un homo sapiens à un autre est celle de le laisser libre d’inventer. Alors donc, les comédiens choisis par JF, Marie P. la femme à la tête de choux, Jeanne B. têtant une truie, Clément V. se déployant tel un vers, Jacques B. faisant le pari d’être nu entièrement, Pascal T. ivre d’être une femme ou un escargot. Anne-Laure T. chantant sous la pluie du père, Mathieu A. amoureux comme pas deux, Nathalie R. joueuse de foot.

Et les autres.

Pierre N. libre de caler un appareil photo dans un réfrigérateur conditionné aux states proche de l’étang de Walden pour rêver à ces images de paysages utopiques, Alexandros M. détournant ses notes et instruments, Thierry C. frôlant les corps des danseuses et les affligeant de ses caresses technologiques, ses capteurs de pression, de chaleur, Bruno G. et sa collection de GOBO, Julie V. et ses disques durs. Jacquie B. et ses clichés. Chantal de la C. et ses faux seins, faux ventres, prothèses analogiques. Des ordis partout, cachés, planqués, patchés, connectés. Des programmes sensés et sensibles. Vertiges de l’amitié machinique.

Et encore les autres.

JF aime les régisseurs, les techniciens, les machinos, les hommes et femmes qui montent et démontent, les hommes et femmes qui restent là des heures entières au service du plateau, fumant des clopes comme tous en 2012 ici et ailleurs.

Et la fleuriste.

Et puis un jour, JF a dit sur un truc-colloque de Clarisse B. à propos de ma pomme : si elle avait été fleuriste, il y aurait eu des fleurs sur mon plateau.

Alors là, tu piges l’homme ou la fleuriste.

Et puis, l’amitié c’est aussi se fendre la pêche pour un rien. Et bien que l’exercice de la pensée fabriqué par JF soit hyper sérieux, et que se coltiner des séances sur la physique quantique ou les cellules souches puisse sembler étrange, on se narre pas mal (sic) sur les répétitions de JF. Tout simplement. Jean-François Peyret est un homme qui rit et provoque le rire.

Il y a des bolosses qui pensent que Jean-François Peyret est vieillissant et qu’il devrait, wesh, laisser sa place aux jeunes. Alors toi, quand tu entends cela, tu te lèves de ta chaise du bureau du mec de l’institution qui gère les vieux et les jeunes et tu lui parles de l’amitié professionnelle que nous sommes des dizaines ou centaines à partager avec JF. Tu n’évoques que l’amitié professionnelle, bien entendu, tu ne racontes pas que JF connaît tous les anniversaires de nos gosses, leurs prénoms, leurs clowneries et visages. Tu ne dis rien de plus. Par amitié.

La playliste de JF

Olivier P. : Olivier Perrier, comédien ;
Alain P. : Alain Prochiantz, neurobiologiste et titulaire de la chaire Processus morphogénétiques du Collège de France ;
Nicky R. : Nicky Rieti, scénographe ;
Benoît B. : Benoît Bradel, metteur en scène ;
Nicolas B. : Nicolas Bigards, metteur en scène ;
Stéphanie C. : Stéphanie Cléau, metteur en scène ;
Marion S. : Marion Stoufflet, dramaturge ;
Ariel G. : Ariel Goldenberg, homme de théâtre ;
Claire B. : Claire Béjanin, productrice ;
Jean L. : Jean Lassègue, philosophe des sciences, chercheur au CNRS, attaché au Centre de recherche en épistémologie appliquée (CREA) de l’Ecole polytechnique.
Bernard S. : Bernard Stiegler, président du groupe de réflexion philosophique Ars Industrialis ;
Luc S. : Luc Steels, directeur du Sony Computer Science Laboratory à Paris ;
Marie P. : Marie Payen, comédienne ;
Jeanne B. : Jeanne Balibar, actrice ;
Clément V. : Clément Victor, comédien et metteur en scène ;
Jacques B. : Jacques Bonnaffé, comédien et acteur ;
Pascal T. : Pascal Ternisien, comédien ;
Anne-Laure T. : Anne-Laure Tondu, comédienne et actrice ;
Mathieu A. : Mathieu Amalric, acteur et comédien ;
Nathalie R. : Nathalie Richard, comédienne et actrice ;
Pierre N. : Pierre Nouvel, vidéaste et plasticien ;
Alexandros M. : Alexandros Markeas, compositeur et musicien ;
Thierry C. : Thierry Coduys, artiste polyvalent, musicien, spécialiste des nouvelles technologies ;
Bruno G. : Bruno Goubert, éclairagiste ;
Julie V. : Julie Valéro, dramaturge et enseignante ;
Jacquie B. : Jacquie Bablet, photographe
Chantal de la C. : Chantal de la Coste-Messelière, costumière et scénographe.


Et puis, les interprètes de JF non cités – comédiens – danseurs et musiciens : Clara Chabalier, Victor Lenoble, Lyn Thibault et Jos Houben, Yvo Mentens, Irène Jacob, Marc Bodnar, Maud Le Grévellec, Yannis Baraban, Julie Bérès, Catalina Carrio-Fernandez, Marie Dablanc, Victor Gauthier-Martin, Benoît Marchand, Photini Papadodima, Lucie Valon, Géraldine Bourgue, Jean-Baptiste Verquin, Olga Kokorina, Elina Löwensohn, Etienne Oumedjkane, Corine Garcia, Jung-ae Kim, François Chattot, Tomeo Vergés, Evelyne Didi.

Et encore certains autres artistes et complices de JF :
Etienne Dusard, Thomas Fernier et Valère Terrier (images et sons), Maïka Guezel, Cissou Winling et Thibault Fack (costumes), Pierre Setbon (lumières et machines), Patrick Hersant (traducteur), François Pachet (musicien), Anne Monfort (dramaturge), Odile Fillion (vidéaste), Elsa Biston, Gérard Assayag, Alexis Baskind et Benoit Meudic (électro-acoustique), Soline de Warren (assistante), Olivier Pasquet (assistant musical), Flora Vandenesch (administratrice), François Yvon (ingénieur), Estelle Senay (ingénieure système réseaux), Jean Nouvel (architecte), Loucachevsky (comédienne et metteur en scène).

Et autres invités et complices ou penseurs :
Jean-Didier Vincent (neuropsychiatre et neurobiologiste), Roland Jouvent (spécialiste de neurosciences cognitives, directeur de recherche au CNRS), Gabriel Ruget (mathématicien et directeur de l’ENS), Robert Azencott (mathématicien, professeur à l’ENS et industriel), Clarisse Bardiot, directrice artistique, Miroslav Radman (bactériologiste, directeur de recherche à l’Inserm), Amy Dahan (historienne des sciences), Sylvie Braibant, (spécialiste des femmes nouvelles dans la Russie ancienne), Jacqueline Détraz (mathématicienne spécialiste en analyse complexe), Andrea Venturelli (physicien), Holger Dullin (physicien et mathématicien spécialiste de systèmes chaotiques).

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Aller plus loin

Actualités de Jean-François Peyret

Il est artiste invité cette saison au Fresnoy-Studio national des arts contemporains à Tourcoing où il propose une installation et performance autour de Walden, du 9/2/2013 au 31/3/2013.

« Re:Walden » est à nouveau programmé plus longuement qu’à sa première sortie en mars-avril 2013 au théâtre Paris Villette , si celui-ci n’a pas fermé ses portes d’ici là...)

Les théâtres de la Colline et de la Criée sont sur les rangs pour accueillir « Walden 2.0 », la suite de « Re:Walden », avec Jean Nouvel, en 2013 et 2014.

Jean-François est aussi l’auteur d’un « machin un peu littéraire en cours d’inachèvement ». Intitulé « Le théâtre et son trouble », il s’agit d’un « livre sur ma vie dans les théâtres ».

Jean-François Peyret organise régulièrement des workshops sur le comédien augmenté à l’Erac de Marseille.

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