Après-coup « Internet mon amour » : « Faut-il avoir peur du Web 2.0 ? », conférence au Centre Pompidou le 17/02.
Invité : Geert Lovink, théoricien des médias, critique d’art et activiste, en partenariat avec poptronics.
Prochain rendez-vous le 11 mai.
Carte du monde Internet conçue par Geert Lovink il y a un an et déjà caduque. © Geert Lovink
< 19'02'08 >
« La fin de l’Internet global »

« Le Web tombe en morceaux. » Geert Lovink, théoricien des médias, auteur d’essais sur les blogs ou l’explosion de la bulle Internet, était dimanche à Paris, à l’invitation d’« Internet mon amour », des rencontres organisées par un groupe d’acteurs du réseau (dont poptronics), au Centre Pompidou, et dont l’intégralité des échanges est disponible ici. « Le Web est devenu un archipel de zones non reliées et de moins en moins d’internautes ont une connaissance des outils et infrastructures utilisés ». Le tableau établi par Geert Lovink ne se veut pas pessimiste, tout juste critique-t-il l’attraction des Facebook et Myspace sur la place médiatique globale, alors que l’observation des chiffres de connexion montre un émiettement des pratiques.

« Faut-il avoir peur du Web 2.0 ? » : la question était une façon d’introduire un ensemble de réflexion entre intellectuels, chercheurs, philosophes ou scientifiques, et la poignée d’artistes, critiques et ingénieurs organisateurs (dont Valentin Lacambre, Nathalie Magnan, Agnès de Cayeux, Anne Roquigny, David Guez…), soucieux de convoquer le plus large public à questionner les enjeux de cette nouvelle révolution numérique. Une révolution qui prend d’abord les traits d’une massification des échanges : le Web 2.0, au-delà des success stories d’entreprises à la croissance exponentielle, les Facebook, Myspace, Orkut et Six Apart, c’est d’abord l’explosion de la population internaute, comme l’explique Geert Lovink, observateur des mondes numériques depuis plus de dix ans (il a co-fondé la liste de diffusion Nettime en 1995 et dirige notamment l’Institut des Cultures en réseau d’Amsterdam). Et si le paysage il y a un an encore ressemblait à cette carte d’un monde en voie d’éclatement qu’avait conçue Geert Lovink (voir ci-dessus), les données sont totalement à revoir aujourd’hui, avec ces centaines de millions de blogs dans le monde, cette population mondiale d’internautes qui a dépassé le milliard d’individus (et passerait le cap des deux milliards d’ici cinq ans).

Le premier vertige est donc plutôt celui du chercheur, de l’observateur ou de l’intellectuel, incapable désormais de se faire une juste représentation du réseau des réseaux, devenu les réseaux des réseaux des réseaux, en quelque sorte. Et si, autour de la table, les artistes et chercheurs invités à présenter et introduire la thématique avaient focalisé leur attention sur l’aspect le plus évidemment dangereux du Web 2.0, les atteintes à la vie privée orchestrées par les croisements de base de données et la multiplication de celles-ci, Geert Lovink préférait mettre en garde, non pas contre un Google qui fait des profits mais contre les monopoles privés et la naïveté des visions commercialo-occidentales qu’il transporte.

« C’est la fin de l’Internet global », dit-il, en montrant ces statistiques si difficiles à trouver, qui indiquent qu’un tiers seulement des échanges sur l’Internet aujourd’hui se font en anglais (36% selon une étude Technorati) alors qu’une majorité de posts sur les blogs s’écrivent en… japonais. On est bien loin de l’hégémonie de la culture américaine ! Alors que les échanges se font plutôt vifs entre la salle (où des défenseurs des réseaux sociaux type Facebook se manifestent) et David Guez, qui secoue les consciences avec son projet d’élevage de réseaux sociaux (et accessoirement alerte sur toutes ces données très privées qu’on délivre sans même s’en rendre compte en remplissant ici et là ses formulaires, notamment ses préférences religieuses…), Geert Lovink interpelle les Français, peu conscients qu’un réseau type Skyblog (qui appartient à Skyrock) est désormais dans le top 10 des sites les plus fréquentés au monde. Pourtant, la presse, les médias et même l’Internet s’intéressent peu à la politique de traitement des données privées sur Skyblog par exemple. Il faut dire qu’une majorité de ces blogs sont le fait d’adolescents, trop contents de rester ainsi entre eux, dans un « underground » tout relatif du réseau (en tout cas au moins médiatique).

Albertine Meunier aura beau jeu de montrer qu’on peut détourner les pires arrière-pensées de Google. Alors que l’historique de recherche conserve les informations sur toutes les requêtes de l’internaute en ligne, avec son consentement, elle renverse la donne en proposant une pièce Internet qui met en scène ses pérégrinations, et exhibe avec fierté la page qui prouve qu’elle et Google sont désormais liés : en tapant « Google Search History » sur Google, elle apparaît au quatrième rang des réponses. De là à imaginer que tous les internautes, s’ils publiaient leur historique de recherche, changeraient les résultats du moteur…

Avec légèreté ou acidité, les artistes indiquent en tout cas une certaine voie à suivre, celle d’une lucidité critique vis-à-vis des réseaux, loin d’une techno-béatitude dépassée sans pour autant verser dans le « cynisme blogal » dont parle Geert Lovink dans son livre « Zero Comments : Blogging and Critical Internet Culture » (Paperback, 2007). De quoi préparer en tout cas la deuxième séance des rencontres « Internet mon amour », le 11 mai, autour d’Alain Prochiantz, neurobiologiste, qui tentera de donner quelques clés pour vivre en bon voisinage sur le Net (la vie digitale, mode d’emploi).

En guise de cerise sur le gâteau, cette parodie des leçons d’économie 2.0, par « Kiki and Bubu and The Shift » :

annick rivoire 

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< 1 > commentaire
écrit le < 19'02'08 > par < n4314 xab fre.fr >
cool intervention a beaubourg & excellent video !