Entretien audio avec Grahame Weinbren, artiste, auteur d’installations interactives et cinéaste expérimental américain d’ordinaire peu communicatif.
« Letters », séries de films d’une minute en vision aléatoire. On choisit une lettre, une séquence apparaît. © G. Weinbren
< 06'12'07 >
Exclusif : Grahame Weinbren dévoile un pan de son cinéma

Londres, envoyé spécial

Grahame Weinbren, génial touche-à-tout, mi-ingénieur, mi-bricoleur, cinéaste maniant la culture littéraire et picturale, fait partie de ces artistes américains inclassables, à la lisière d’un certain cinéma expérimental et du multimédia. Depuis les années 80, cet artiste résolument discret, diffusant davantage ses productions filmiques que ses œuvres interactives, n’accorde d’entretien qu’à de trop rares occasions, car il n’aime ni s’exposer publiquement, ni trop diffuser ses œuvres. Alors, quand cette figure majeure (au moins de l’autre côté de l’Atlantique) invite à passer jeter un œil sur ses dernières réalisations, poptronics ne se fait pas prier. Précurseur, il a été le premier à utiliser le vidéodisque combiné à un écran tactile, en 1983, avant que celui–ci ne soit officiellement commercialisé pour le grand public, dans deux de ses installations : « The Erl King » (1983-1985), la seule de ses œuvres qui ait jamais été présentée en France (à Paris, lors de l’exposition « Passage de l’image » en 1990 au Centre Pompidou), et « Sonata » (1991-1993). A partir de ces deux installations, il élabore des textes théoriques, notamment sur le montage aléatoire à partir d’une base de données de « rushes », déplaçant le « final cut » du réalisateur au spectateur. « The Erl King » est ainsi passée à la postérité parce qu’il s’agissait de la première étude de cas menée sur la conservation et l’archivage numérique, dans le cadre des médias variables. En 2004, l’étude de cas débouche sur l’émulation de l’œuvre lors de l’exposition « Seeing double » au Guggenheim de New York. Et « Sonata » a été décortiquée par Lev Manovich qui, dans son ouvrage « The Language of New Media », en fait une des pièces fondatrices du cinéma interactif.

C’est en 2006, lors de la projection au Tribeca Film Festival, de ses « 25 Letters » (« Live Interactive Event in LimoHD », comme il aime à le préciser), que Grahame Weinbren m’explique qu’il veut approfondir et perfectionner ce projet, réalisé en collaboration avec Isaac Dimitrovsky. L’enjeu est simple : ils veulent dépasser à la projection, la qualité d’un film en 35 mm, pour obtenir des couleurs fines, subtiles, capables de rivaliser avec la peinture. Alors qu’il achève une résidence de deux mois à la Slade Research Facility, à Londres, Grahame reprend contact et nous ouvre en exclusivité les portes de son studio en plein cœur de Londres. Dans ce gigantesque espace où les artistes s’affairent à finaliser leurs projets, l’ambiance est studieuse. Calme, un livre de peinture à la main, il nous accueille sur le perron, souriant, avant de nous inviter à plonger dans le cœur même de la réalisation.

Grahame Weinbren, en anglais, donc :

Weinbren continue de construire ses œuvres à partir d’un maillage de références très précises où les textes de Wittgenstein et Baudrillard s’entremêlent aux photographies, aux tableaux de maîtres et à tout un pan du cinéma expérimental américain. Et notamment à Hollis Frampton. Weinbren met en place cette toile d’araignée de références en références. Citées et/ou détournées, elles constituent une trame narrative circulaire qui guide le spectateur au sein de ses fictions. La nouvelle version enrichie des « Letters » ne fait pas exception. Dans son deuxième studio, pourvu d’un équipement de projection et de deux chaises, on visionne l’ensemble de l’alphabet. Sur l’écran, une série de plusieurs carrés constituent un alphabet d’une trentaine de courts métrages : derrière chaque lettre se cachent plusieurs séquences, comme derrière chacune des références. Actionnant la lettre A, l’écran est envahi par un plan rapproché d’une nature morte dont les couleurs sont presque surréelles. Le film retranscrit en accéléré le processus de pourrissement des fruits.

Grahame Weinbren, suite, en anglais toujours...

Et bien que Grahame Weinbren répugne à diffuser hors contrôle ses œuvres, il a décidé de laisser les lecteurs de poptronics entendre quelques extraits des bandes son de « Letters » (dont aucune image ne peut vous parvenir via le Net, Graham ayant une dent contre tout format utilisant la compression vidéo, ce qui est la norme sur le Net)...

Extrait des bandes son de « Letters » :

cyril thomas 

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