La chronique « NextGen » du net-artiste David Guez pour poptronics critique la gentille utopie développée par le film français « 8WDRLD ».
Les "trous noirs" du Net, ou la carte des censeurs du réseau. © DR
< 21'05'10 >
Exod’us

(Nextgen) Sur nos écrans depuis une semaine, « 8WDRLD » est un film français sur ce que pourrait devenir un réseau social dirigé par des citoyens lambda dont l’objectif serait de hacker le système politique en place. Sans parler de l’esthétique et de la qualité du film, très moyennes et assez clicheteuses (genre pub Benetton ou Microsoft), « 8WDRLD » a au moins le mérite de s’intéresser à des problématiques qui ne peuvent nous laisser indifférents à l’heure d’une véritable OPA de l’Internet 2++ par les multinationales (en service) et les états (en droit).

Résumons les propos du film :

1) L’inventaire

Les massmedias sont depuis longtemps à la botte des machines publicitaires et des pouvoirs en tout genre (totalitaires ou institutionnels), fabriquant un homo erectus peureux et un consommateur pulsionnel.

L’organisation du monde est dirigée par une bande de parvenus dont l’objectif unique est de servir une sorte de mafia globale qui maintient les peuples dans l’illusion d’une démocratie libérale ou d’une dictature religieuse.

Les organisations de type altermondialistes ont échoué à proposer un modèle alternatif viable parce qu’elles se situent dans le même système nerveux que celui directeur.

2) L’hypothèse

L’Internet serait ce dernier îlot où la résistance peut exister : un lieu donc, un pays transfrontière qui se joue des langues, des races, des croyances, une sorte d’Eden existentialiste, la huitième merveille du monde.

S’auto-organise alors la fabrication d’une communauté où chaque individu a une conscience locale et globale et agit de façon minimaliste mais réelle dans des actions qui perturbent le système, et, à terme, le transforment (à la façon des Yes Men) : c’est l’hypothèse du hacking étendu à une notion politique et sociale (je vous conseille le livre « Hacker manifesto » traduit en français aux éditions Critical Secret).

Cette communauté débute de façon discrète (site web protégé par un mot de passe), les réunions se font par un Skype-like, on décide des actions à conduire, on vote, et on se retrouve pour fêter les victoires ou les échecs des actions dans l’ambiance de bobos-potaches dépucelés par contumace.

En retour de ces actions très médiatiques se met en place une véritable guerre pour faire infléchir l’opinion mondiale vers un « pour ou contre » à la cause wonderlandienne.

3) Les conséquences

Se pose alors la question de l’évolution de la communauté (un véritable état international ? une organisation de contre-pouvoir ?), de qui la dirige (le webmaster ?), de qui la représente (un geek ?), des limites morales des actions (avons-nous le droit de tuer une personne pour en sauver des millions ?), de l’étendue de ses actions (réajuster les grandes problématiques dans le sens du bien commun) et de leur pérennité.

De ce que nous constatons aujourd’hui, les entreprises de mass-démocraties en réseau se situent plutôt dans le concours de lever de coudes et puisque les outils sociaux sont dominés par le système nerveux décrit précédemment, il me semble qu’une e-démocratie ne pourra émerger du centre de la Toile que par étapes (ou par « versions » comme le suggère le film).

Alors, une telle révolution doit-elle commencer par la réappropriation des outils de productions et de diffusion ? Sans doute ! A ce propos, le projet Diaspora qui propose la création d’un Facebook en open source est très intéressant et risque bien de prendre (voir aussi les projets similaires Onesocialweb et Diso).

Le film nous indique que cette révolution est inéluctable et que les mensonges des pouvoirs et leur fabrication d’un réel lisse et brillant ajouté à l’explosion du système financier existant ne peuvent tenir longtemps face à une prise de conscience individuelle et collective : le réseau nous apporte la vérité via des web-médias qui contournent les pouvoirs de la connaissance, le réseau nous donne les moyens de changer le système par un auto-financement de type dons (voir les projets type SARD pour la gestion des droits d’auteurs) : il ne manque plus qu’un liant logiciel, un algorithme du pouvoir collectif et une réglementation qui prennent en compte ces nouvelles circulations.

Ou alors, il faut considérer, à la manière de la chute du Mur de Berlin, que lorsque les conditions propices à l’émergence d’une telle révolution seront réunies, il y a aura une sorte de mouvement impossible à détourner et à contrôler qui, du chaos nécessaire, ouvrira la voie d’un... 9ème Wonderland.

PS : le site web du film est une caricature d’une comm’ à la Walt Disney, nous laissant croire que cette communauté a commencé à agir !

Pour réagir : http://facebook.com/davguez Retrouvez ici toutes les chroniques Nextgen.

david guez 

votre email :

email du destinataire :

message :