Après-coup sur la journée de mobilisation du 29/02 Culture en danger, à Paris, Orléans, Marseille, Toulouse...
La danse de l’artiste, une "espèce en danger" comme l’ours dont les manifestants portaient le masque, vendredi 29/02 à Paris. © DR
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Culture en danger, mobilisation en demi-teinte

« On a autre chose à faire qu’être là aujourd’hui », commence Philippe Berthelot (Ufisc) pour chauffer la foule, place du palais Royal à Paris, vendredi 29/02, entre le Louvre et les bureaux de la ministre de la Culture. Autre chose que manifester son inquiétude avec pancartes et flonflons pour un « culturethon » à rebours : plutôt que de compter les dons, la litanie des chiffres décrit les subventions retirées à des structures de production et de diffusion culturelles partout en France. A l’appel de l’Union fédérale d’intervention des structures culturelles (Ufisc, qui regroupe une vingtaine d’associations et d’acteurs de la culture), un petit millier de personnes sont venues porter le masque de l’ours pour signifier que l’artiste est une « espèce en danger ». Ailleurs en France, à Orléans où ils étaient 200 à déposer une gerbe « avec toutes nos doléances » devant la Drac (Direction régionale des affaires culturelles), à Toulouse ou Marseille, quelques centaines d’artistes et d’acteurs de la culture ont également manifesté leur inquiétude face au désengagement financier de l’Etat cette année.

Sur la mini-scène improvisée place du Palais Royal, les intervenants se suivent et ne se ressemblent pas : les plasticiens appellent à « rendre l’art à sa fonction première, qui est d’ouvrir les possibles », les intermittents partent en guerre contre… la CFDT (qui intente un procès contre certains de ses militants), les pros du cinéma lisent in extenso la lettre de Mathieu Amalric « censurée » aux Césars, qui pose la question qui fâche : « Est-ce que le mot culture a toujours son sens dans la grande famille du cinéma aujourd’hui ? » Le collectif culture-multimédia lit la lettre de soutien de chercheurs du CNRS à cette journée pour la diversité culturelle et rappelle que la décision d’arrêter le financement des Espaces culture multimédias (ECM, mis en place en 1998) a été prise « sans concertation ni délai ». Et fait déjà ses premières victimes : l’association des Adélouzes, qui organisait depuis 7 ans un prix pour défendre la qualité des projets multimédias éducatifs, annonce sa fermeture définitive…

Ambiance plombée sous ciel menaçant ? La « grande famille de la culture » n’est pas très unie, et son côté recomposé saute aux yeux. De rares politiques passent discrètement (Christophe Girard pour la mairie de Paris, des représentants des instances départementales et régionales d’Ile-de-France, l’incontournable Jack Ralite), les stars sont peu nombreuses, mais beaucoup de jeunes, qui gravitent autour de structures au budget déjà étique, ont fait le déplacement, et sont déprimés par la faible participation...

En réponse à cette première journée de mobilisation en demi-teinte, Christine Albanel ne change pas une ligne à son discours : « Il n’y a aucun désengagement de l’Etat, au contraire. (…) Je ne nie pas que le gel de 6% des crédits va peser sur certaines grandes compagnies, mais dans beaucoup de régions, les crédits ont pu être maintenus. Nous avons réussi à réinjecter 35 millions d’euros pour desserrer l’étau », affirme-t-elle dans « Libération ». Alors que le Premier ministre François Fillon avait fait la leçon depuis Blois aux pros de la culture : « D’abord le budget de la culture, il ne baisse pas. Il est comme tous les budgets de l’Etat : nous avons décidé de geler toutes les dépenses publiques pendant cinq ans, pour une raison très simple, c’est qu’on ne peut pas continuer à accroître le déficit et à endetter le pays. Les professionnels de la culture sont capables de comprendre ça, comme les autres Français. »

Etrange comme les caisses sont vides, mais pas pour tout le monde (chauffeurs de taxi, rentiers…). A 17h, la place se couche comme un seul homme, pour faire se lever la prise de conscience de la gravité de la situation… En attendant d’autres rendez-vous, où le public, spectateur, auditeurs, internautes, sera convié à prendre aussi la défense de cette culture… C’est pas gagné…

annick rivoire 

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