« Blek le Rat, en traversant les murs », de Sybille Prou et King Adz, 128 pages, ed. Thames and Hudson, 128 p. 22€. Exposition à la galerie Artazart jusqu’au 31/03, 83, quai de Valmy, Paris 10e, 10h30-19h.
« Stencil History X », de Samantha Longhi, éditions C215, 220 p. 28€.
Mouton, par Blek le Rat. © DR
< 31'03'08 >
Blek le Rat, connu comme le loup blanc

Vintage, Blek le Rat ? Le pochoiriste français le plus connu au monde est aussi le premier à avoir réinventé cette technique ancienne pour ses interventions murales. En 1972, Blek découvre à New York la vague graffiti qui envahit les métros et les murs des banlieues. De retour à Paris, l’étudiant aux beaux-arts imagine une version francisée des immenses fresques colorées des premiers tagueurs. Dérivé de la sérigraphie, le pochoir a eu son heure de gloire en instrument de propagande pendant la guerre. Blek le Rat lui donne ses lettres de noblesse artistique. La monographie qui vient de paraître (avant sa sortie aux Etats-Unis, où Blek est connu comme le loup blanc…) donne l’occasion de revisiter une production par essence éphémère, échappant généralement à l’espace des musées et aux commentaires critiques. Certes, l’art urbain, via Keith Haring essentiellement, bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance internationale (des galeries lui sont dédiées, des manifestations fleurissent un peu partout et on a même vu récemment la première vente aux enchères de graffitis à Paris), mais il reste encore largement sous-médiatisé.

Si le livre et les photographies sont d’autant plus essentiels pour figer cet art volatile, éphèmère et encore largement clandestin, « Blek le Rat, en traversant les murs », édité par la grande maison d’édition anglophone de livres d’art Thames & Hudson, confirme qu’on n’est jamais mieux servi que par les autres en matière d’art en France… En quelque 300 reproductions de ses pochoirs in situ, les deux auteurs, Sybille Prou (mariée à Blek le Rat et auteur de livres sur le graffiti), et King Adz, cinéaste et DA de « 100proofTRUTH », une revue en PDF sur l’art urbain, reviennent sur cet historique de du street art, suivi depuis par de nombreux artistes. A preuve, un autre livre qui vient lui aussi de paraître, « Stencil History X », le présente, parmi 40 pochoiristes français et internationaux, aux côtés d’Ernest Pignon-Ernest, Jérôme Mesnager ou encore Miss-Tic, comme l’un des pionniers d’un mouvement qui a pris naissance au début des années 80.

Blek le Rat (pseudo inspiré d’une BD italienne Blek le Roc) a d’abord fait courir des hordes de rats le long des murs du 14e arrondissement, puis a fait grandir ses personnages pour progressivement les mettre à taille réelle, jouant du contraste entre le mur et son contexte. Rimbaud, Tom Waits, le femme du Bangladesh, Andy Warhol ou Florence Aubenas : les figures qu’il colle aux murs (depuis 1991, date à laquelle il vit sa première arrestation et contourne l’interdiction de « salir » les murs en collant ses affiches sérigraphiées) ont une histoire. Politique et poétique : Florence Aubenas est otage en Irak, il en multiplie l’apparence sur les murs de sa ville (et en colle notamment autour des lieux marqués par la profession de journaliste qu’elle exerce). Les SDF sont partout, il en colle encore davantage au ras des murs. Les vieux sont laissés pour compte, il multiplie leurs effigies (tel ce vieil homme à la canne) sur les murs les plus effrités, histoire de faire réagir, encore. Et puis, quand vient la concurrence de centaines de graffiti-artistes plus jeunes, plus « branchés » et utilisant la couleur, avec beaucoup d’humour, lui s’affiche en autoportrait (avec par moments un sceptre de roitelet en mains) : « Je voulais affirmer ma présence à travers une série d’autoportraits collés sur les murs de la ville. Le message était clair : Je suis toujours là. »

Alors qu’une exposition est sur le point de lui rendre hommage à Los Angeles (à partir du 5/04), Blek le Rat a beau jeu de rappeler que l’autre figure du graffiti, Banksy, répète à son sujet : « Chaque fois que je crois avoir peint quelque chose d’original, je découvre que Blek le Rat l’a non seulement fait, mais vingt ans auparavant. » Vintage, on vous dit.

Blek le Rat x Scion x Art Basel, dans le cadre de l’exposition collective « Scion It’s a Beautiful World » (2007) :

annick rivoire 

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