5 sons pour 5 ans ! Pour fêter les 5 ans d’Arte Radio, la radio à écouter en ligne et à podcaster, Sylvain Gire, un de ses co-fondateurs, a concocté une petite sélection en exclusivité pour poptronics.
Sylvain Gire, responsable éditorial et co-fondateur avec Christophe Rault d’Arte Radio, la « petite » radio du Net. © DR
< 06'02'08 >
Arte Radio, cinq ans sur la bonne longueur d’ondes

Arte Radio fête ses cinq ans cette année. Précurseur dans l’art de donner du son à voir sur le Net, par ses créations docu-sonores (plus de 1000 à son actif), le site satellite de la chaîne Arte fait figure d’exception et de modèle à suivre dans le paysage des médias électroniques. Certes, son financement est atypique (nul besoin de rentabilité à court ni moyen terme quand on tient son budget d’une télévision publique), mais son succès auprès des internautes et de ses « grands » frères radiophoniques ferait pâlir bien des start-uppeurs : 400 000 visites par mois et 60 000 abonnés au podcasting (source Weboscope) pour une durée moyenne de 12 minutes, des formats originaux, un « son » Arte Radio… Poptronics, admiratif, a demandé à Silvain Gire, à la tête de la toute petite équipe qui concocte la plate-forme audio (ils sont cinq, qui s’adjoignent les services d’auteurs) de revenir sur cinq ans en cinq sons emblématiques.

« Total », les bénéfices du groupe pétrolier vus par Jeanne Robet :
(durée : 1 mn 14)

« Comme le site est aussi un magazine sonore, toutes les semaines, on cherche l’équivalent du dessin de presse humoristique. Cette actu par Jeanne Robet, réalisée en 2003, traite de “l’Erika” dans la station-service en face d’Arte France, avec un mec qui fait le plein, le compteur qui défile, des mouettes et des sirènes de bateaux collées par-dessus qui, dans l’esprit de l’auditeur, font immédiatement penser à la marée noire, puis le son de la caisse enregistreuse et en chute la pub de Total “vous ne viendrez plus chez nous...” coupée : un petit croquis sonore qui permet de montrer que le son peut exprimer beaucoup. En cinq ans, nous avons remis en avant le son sur le Net, en soignant la qualité en MP3 du site. Dès 2002, Arte Radio parlait de radio à la demande, des sons en téléchargement libre et en MP3 de haute qualité. Christophe Rault (réalisateur sonore et responsable technique, ndlr) est un enfant du Net qui a un immense respect pour la qualité sonore. »

« Permanence », une suite de rendez-vous chez l’assistante sociale par Frédérique Pressmann :
(durée : 9 mn 18)

« Un docu radio super pas glamour, avec un simple dispositif stéréo : à gauche l’assistante sociale, à droite la personne qu’elle reçoit. Dans ce face à face de 8 minutes, on comprend beaucoup sur l’état de la société française, la générosité de cette femme, son talent, c’est du Depardon, un dispositif émotif auquel s’identifier. Il y a un rapport d’adhésion au projet éditorial d’Arte Radio que les gens apprécient. La couleur, le tempo, le style et un son très particulier, proche du réel et travaillé font notre identité. On a fait émerger des auteurs, qui s’expriment par le montage, pas des voix à la première personne. Je ne voulais pas d’un chapeau de journaliste. Christophe Rault a défini ainsi le son Arte Radio à la BBC : “rough but clean”, “brut mais propre”. Nous ne faisons pas de “sound design”, mais plutôt l’équivalent sonore du 35 mm à grains. Les filiations d’Arte Radio, c’est Yann Paranthoën, Michel Butel pour l’“Autre Journal” et puis l’esprit potache des “Pif”, Bazooka, “Métal Hurlant”, et d’une pépinière de talents qui ne se prennent pas au sérieux. »

« Autoradio », de la musique en voiture par Jérémi Nureni Banafunzi :
(durée : 4 mn 42)

« Pas de formats ni de grille sur le Net, c’est tout l’intérêt, du coup les sons durent le temps qu’ils doivent durer. Pour ces 4 minutes, Jérémie a été payé une semaine. C’est aussi la liberté d’Arte Radio de ne pas avoir de contrainte d’antenne, donc de proposer entre 30 minutes et 1 heure de programmes nouveaux chaque semaine. Ces œuvres sonores, ces courts métrages audio ne sont pas faits pour être écoutés, mais pour être ré-écoutés. Ce n’est pas seulement du direct et de l’instantané, c’est un art qui peut durer. “Autoradio” date de 2002-2003 mais est toujours écouté via les archives. C’est économiquement incorrect, mais l’an passé, on a rapporté de l’argent (la création d’une infrastructure audio pour “Libération”, des formations à la BBC) ! On n’avait même pas une ligne budgétaire pour les recettes, on n’était pas censés en faire… »

« Suçothérapie », « ou comment je sauve mon couple », enregistré par Mehdi Ahoudig :
(durée : 7 mn 45)

« Un grand succès que ce sept minutes de Mehdi Ahoudig, certains ne connaissent que ça d’Arte Radio, c’est resté longtemps en tête des écoutes. Comment la fellation a sauvé mon couple, c’est du cul, évidemment, ça marche. Je suis un grand amateur d’érotisme, la radio est un média intime et sur le Net encore plus, les gens nous écoutent au casque, au bureau ou en podcast, les histoires intimes ou de sexe sont donc tout à fait appropriées. Derrière l’anecdotique, cette histoire d’une nana qui dit à son mec, je vais te sucer tous les deux jours à heure fixe, ce son parle des difficultés des couples sur la durée avec deux enfants, et a donc une portée universelle. »

« Dans l’ambulance », une folle chante, 4 minutes de grâce au milieu d’un docu fortiche de Claire Hauter :
(durée : 16 mn 24)

« Le réalisateur a suivi les infirmiers d’une ambulance psy façon caméra embarquée. On suit une vieille dame en 16 minutes de chez elle à l’hôpital, sur 8 minutes, avant l’arrivée à l’hosto, à l’arrière de l’ambulance, elle chante “tu me fais tourner la tête”. On est à fond dans le réel et ça devient de l’art. Ce reportage a une dimension antisociale, hyper exigeant, et pourtant l’écoute fonctionne. C’est un peu comme la lecture. Pourquoi ça marche encore la lecture ? Parce que rien ne remplace le bonheur de glander chez soi avec un livre. Idem pour le son, qui n’est pas une culture majoritaire mais qui est extraordinaire au niveau des images mentales : il te bouffe du temps et en même temps autorise une évasion de la tête. Dans n’importe quel sondage, si on demandait si la création sonore peut marcher, la réponse serait non. Pareil pour la fiction radio. Mais ça prend maintenant. On débute le 19 mars la deuxième saison du “Bocal”, un feuilleton en deux-trois minutes pour la génération podcast. Ça coûte du fric, ces 18 épisodes dans l’univers de la pub et de la précarité et de la vie de bureau. La création sonore explose mais pour le docu ou la fiction, il y aura toujours derrière un producteur à trouver. La radio est en tout cas redevenue un média pertinent. Tous les auteurs d’Arte Radio sont sollicités pour aller bosser sur France Culture.

« En cinq ans, ce qui changé sur Arte Radio, c’est une plus grande liberté pour les auteurs et une plus grande prise de risques. Par exemple, Gaétan Bulourde, performer multimédia rencontré à Sonorités, à Montpellier, a eu carte blanche et trois jours de studio. Il est descendu dans le parking d’Arte et a tapé à coups de marteau. Il y a cinq ans, j’avais peur des artistes, je n’aurais jamais osé faire ça. »

« La seule chose dont on a vraiment souffert, c’était d’être trop en avance. De 2002 à 2005, le message central (c’est de la radio sur le Net), ne passait pas, tout le monde trouvait ça très drôle. Une radio sans musique, une radio sur le Net et une radio en MP3, quel scandale, le son compressé… Nous avons été victimes d’un certain ostracisme. Ce sont les mêmes rieurs qui depuis un an viennent nous voir, se sont équipés et découvrent la qualité du son à l’usage : Arte Radio, c’est du MP3 encodé à 256 kilobits par seconde, soit une meilleure qualité que France Culture sur la bande FM… Au mixage, le son n’est pas compressé, il ne l’est que lors de sa conversion en MP3. Notre façon de faire permet d’entendre un son murmuré bas et un coup de gueule fort. En 2005, nous avons été précurseurs sur le podcast : au “quand tu veux”, nous avons rajouté le “où tu veux”. Concernant les modes de consommation culturels sur le Net, le fait de proposer une vaste audiothèque où tout se mélange et une diffusion sous contrat libre était encore une option radicale. En 2002, tous les grands médias se moquaient de nous. En 2007, on a cette légitimité et cette fierté d’avoir eu raison avant tout le monde, pour un budget minuscule. Notre budget annuel est l’équivalent d’une heure de télévision sur Arte ! »

annick rivoire 

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