Exposition « Ant Farm Redux » au Frac Centre à Orléans jusqu’au 23/12, 12, rue de la Tour Neuve, Orléans (45). Entrée libre.
« Media Burn », une voiture lancée contre une pyramide de téléviseurs en feu, performance d’Ant Farm en 1975. © Frac Centre / John F. Turner
< 07'08'09 >
Ant Farm, dans le champ de la contre-culture américaine

(Pop’archive). Quel est le point commun entre la subversion, des barbus à cheveux longs qui parlent avec l’accent texan, des fourmis, des structures gonflables, des modèles de Cadillac plantés dans le désert, un van ultra-équipé et Orléans ? Apparemment aucun. Sauf que tout ceci constitue l’univers du collectif Ant Farm (traduisez, la ferme des fourmis), fondé en 1968 par Doug Michels et Chip Lord, bientôt rejoints par Curtis Schreier, Hudson Marquez et Douglas Hurr. Le Frac d’Orléans organise une rétrospective intitulée « Ant Farm Redux » combinant adroitement archives et vidéos, qui retrace les dix ans d’activités (1968-1978) d’un groupe hétéroclite qui alliait la critique des médias à une nouvelle conception de l’espace urbain.

Groupe nomade aux confins de plusieurs pratiques, ancré dans les utopies des années 70, Ant Farm n’en demeure pas moins un jalon important et souvent méconnu de l’art vidéo et de l’architecture contemporaine. Parcourant pendant quatre mois les universités de la région de San Francisco à bord d’un van customisé, ils firent connaître leurs principes d’une nouvelle architecture (qui faciliterait les échanges sociaux), dont le gonflable « Ice-9 » reste le fer de lance. Cette architecture transparente et éphémère traduit leurs réflexions sur les nouveaux enjeux de l’habitat (la vidéo « Inflatables Illustrated » l’illustre parfaitement) et inaugure toute une autre série de projets dont la « House of Century », maison hybride aux formes organiques qui vit le jour en 1972, aujourd’hui presque entièrement détruite. Plusieurs fac-similés de dessins mettent à jour la filiation avec le « Ice 9 ». Le projet du « Freedomland » (dont on découvre la maquette et quelques dessins au Frac), parc d’attractions non réalisé, traversé par le plus grand serpent gonflable au monde, développe une circulation et des espaces commerciaux et culturels (avec studio de télévision implanté dans le parcours) entièrement dédiés à l’adolescent. Tandis que « The Dolphin Embassy », station maritime imaginaire dévouée à la recherche d’un mode de communication entre les dauphins et les humains, construit à l’aide des nouvelles technologies liées à la vidéo, éclaire leurs conceptions de l’écologie.

Avec l’installation « Cadillac Ranch » en 1974, le groupe Ant Farm passe à la postérité. Ils enterrent partiellement l’avant de 10 Cadillac alignées dans le désert, près de la Route 66 à Amarillo dans le Texas, matérialisant une frontière dans un espace qui se veut sans frontière. Subversif, en touchant au culte et à un objet emblématique, il n’en demeure pas moins que l’œuvre fut reprise par le chanteur Bruce Springsteen avant de devenir une attraction pour touristes. L’exposition permet également de voir un ensemble cohérent de leurs vidéos dont « Media Burn » : performance vidéographiée où une voiture percute une pyramide de téléviseurs en feu. Art spectaculaire versus le spectacle de l’art ! Telle est la dialectique que les membres de Ant Farm développeront par la suite. En 1975, dénonçant le traitement médiatique de l’assassinat de Kennedy, ils produisent « The Eternal Frame », où Doug Michels, travesti en Jackie Kennedy, rejoue les derniers instants précédant le drame. Reconstitution rigoureuse avec gestuelle et costumes repris à l’identique... Le décalage provient de la répétition du même acte et surtout des commentaires recueillis auprès de spectateurs parfois incrédules. Malgré dix ans d’activités artistiques et d’engagement toujours subversif, jamais factice, le groupe Ant Farm restait curieusement invisible du monde de l’art (français). L’exposition du Frac répare cette injustice.

Cet article a été publié la première fois le 20 décembre 2007.

cyril thomas 

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