Le disque est mort, vive le MP3... Les indés et la crise, les pirates et les pistes légales... Toutes les tendances de la musique en 2008 vues dans le rétro 2007.
"Torrent Raider" est un jeu d’arcade où les flux de téléchargement (torrents) sont visualisés en temps réel, manière ludique de "voir" le P2P. © DR
< 03'01'08 >
2008, et si le disque ne tournait plus rond ?

De ventes en chute libre à Radiohead qui bouleverse la donne en se lançant dans la vente directe en ligne, 2007 restera sans doute comme une année charnière dans la crise de l’industrie du disque. En 2008, les majors vont encore se battre pour tenter d’enrayer un déclin qui paraît inexorable, notamment avec l’arrivée massive de sites de diffusion en flux sur le Web. Des points noirs qui pourraient bien indiquer les tendances pour 2008. Tour d’horizon d’un secteur sinistré.

Plus dure sera la chute
Les chiffres sont têtus : les ventes d’albums en France ont encore perdu 17% sur les six premiers mois de l’année par rapport à 2006 (dernières statistiques disponibles), soit une chute vertigineuse de 50% par rapport à 2002. Quand on regarde (en se pinçant le nez) les meilleures ventes, la réalité de la crise saute au visage : si Mika a fait un carton, il n’a écoulé que 900 000 copies de son tube « Life In Cartoon Motion », quand il y a cinq ans, les plus gros vendeurs dépassaient allégrement les 2 millions d’exemplaires. Ses suivants sont loin derrière, avec des ventes en berne elles aussi : Christophe Maé à 700 000, Grégory Lemarchal à 650 000, Christophe Willem à 600 000 et « La Caravane des Enfoirés » ( !) à 450 000, dans les mêmes eaux qu’Amy Winehouse, seule Anglo-Saxonne du Top 10, perdue entre Yannick Noah et Johnny Hallyday. Côté musique, les Français ont manifesté en 2007 un goût très sûr !

Le séisme Radiohead
Le grand séisme de l’année est survenu au matin du 10 octobre, sur le site de Radiohead. Le groupe d’Oxford vendait là son nouvel album, « In Rainbows », chaque internaute fixant lui-même le prix des dix morceaux. On ne vous refera pas toute l’histoire (on en a parlé ici et ), mais à l’arrivée c’est un carton : 1,2 million de téléchargements (et 400 000 de plus, estimation basse, sur les réseaux P2P) pour un prix moyen de 4 euros. Depuis, l’album est sorti en CD sur un label indépendant (XL Recordings) et Radiohead a achevé l’année en diffusant un concert en ligne le 31 au soir. Un tabou a sauté et le groupe a rapidement fait des émules tels Saul Williams (épaulé par Trent Reznor de Nine Inch Nails, déjà à la pointe d’un marketing très viral) ou même la diva Barbara Hendricks. Difficile de dire si ce « modèle » fera florès en 2008, mais de My Bloody Valentine à Oasis, les déclarations d’intention sont légion.

La chasse aux indés
2007 a été l’année de toutes les grandes manœuvres. EMI d’abord, mal en point, a préféré à la fusion avec Warner (un serpent de mer vieux de deux ans) le rachat, en mai, par le fonds d’investissement britannique Terra Firma qui s’est empressé de faire le ménage à coup de plans sociaux et de fusions de labels (il se murmure que ce n’est pas fini). Universal s’est lancé dans une frénésie d’achat, jetant son dévolu sur Atmosphériques et les indépendants Sanctuary et V2 Group. Là encore, pas de quartier : tous les artistes du catalogue ont été dispatchés sur les labels d’Universal, comme les salariés qui n’ont pas pris le plan social.

R.I.P. les DRM mais…
Cette reconfiguration industrielle s’est accompagnée d’un assouplissement : c’en est fini des DRM (Digital Rights Management), ces verrous numériques sur les fichiers digitaux, que Warner, dernier grand réfractaire, a abandonné la semaine dernière, après EMI au printemps. Mais tout cela arrive bien tard : les majors ouvrent massivement leurs catalogues à la vente en ligne, secteur où elles sont complètement larguées : d’iTunes à Beatport, tout s’est fait sans elles. Cette avancée s’accompagne d’une nouvelle stratégie, tout aussi discutable que les DRM. Pour mieux contrôler la sortie des tuyaux, les majors ont multiplié les offres conjointes avec des fournisseurs d’accès. Mais, comme le montre de manière caricaturale l’association de Neuf Telecom et d’Universal ou la toute récente alliance entre Alice et EMI (une offre de musique prétendument illimitée, en fait des fichiers qui deviennent illisibles dès qu’on quitte le FAI), c’est encore et toujours pour mieux verrouiller.

La vaste blague du téléchargement légal
Il n’est pas dit que les majors sauvent ainsi leur peau. Car, comme dirait Sarkozy, la France est très en retard sur le marché du téléchargement légal, qui représente autour de 7% de l’ensemble contre 20% aux Etats-Unis. Quelques données pour bien mesurer l’étendue des dégâts : entre janvier et juin 2007, les ventes de disques « physiques » ont généré 295 millions d’euros de chiffre d’affaires (- 18.9%), les ventes numériques (en hausse de 13,7%) seulement 23 millions. Et encore, ce dernier chiffre prend aussi en compte les sonneries de téléphones mobiles. Le téléchargement de musique seul ne représente en France que 9,4 millions d’euros. Qui a dit dérisoire ?

Un problème de flux
Evidemment, cette situation ne pouvait pas laisser notre président indifférent. A l’automne, il appelait Denis Olivennes, le patron de la Fnac, à réfléchir aux mesures à prendre, le ministère de la Culture enfonçant le clou avec des données invérifiables (un internaute français sur deux téléchargerait illégalement) justifiant tous les excès. Remis fin novembre, le rapport Olivennes, uniquement signé par les majors et les fournisseurs d’accès, ressort l’artillerie lourde contre les pirates. Un combat d’arrière-garde, car on est déjà dans l’après-MP3 chez les rétifs à iTunes et consorts. 2007 a en effet vu l’explosion des sites de streaming (on vous en parlait en juin) : fini les fichiers à télécharger, on choisit les titres dans des catalogues toujours plus étoffés et on les écoute en ligne à l’aide d’un player. Du pionnier Lastfm à Radioblogclub ou Deezer (associé à Free), on ne compte plus ceux qui parient sur cette alternative. Un vrai cauchemar pour les majors : la manne générée par ces plates-formes pourrait leur passer sous le nez au profit des mastodontes du Web, Google en tête.

Bataille juridique et procès en pagaille
On ne peut pas dire qu’en 2007, l’industrie du disque se soit si bien adaptée aux nouveaux modes de production, diffusion et distribution de la musique en réseau, sauf à voir la multiplication des procès et du lobbying. Sur le front des batailles juridiques, les internautes ont gagné une manche avec la décision tombée il y a quelques jours d’un tribunal chinois dans l’affaire opposant les majors au premier moteur de recherche chinois, Baidu.com. Universal, EMI, Warner et Sony BMG ont perdu en appel leur procès contre Baidu, qui pointait vers des MP3 échappant au droit d’auteur. Ne pas se réjouir trop vite cependant : mi-décembre, Yahoo Chine perdait le sien, de procès...

matthieu recarte 

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