Spill, festival international de performance, jusqu’au 26/04 au Barbican, au National Theatre, au Soho Theatre, au Southbank Centre, à Laban, à la Greenwich Dance Agency, et à Shunt’s Vaults, à Londres (Grande-Bretagne).
"Void Story", de la compagnie de théâtre expérimental Forced Entertainment, une première pour le Spill festival. Son directeur artistique a également monté la version anglaise de "That Night Follows Day", avec la troupe d’enfants néerlandais Victoria. © DR
< 23'04'09 >
Spill festival, Londres au sommet de ses perfs

(Londres, correspondance)

Spill, le festival international de performance créé par la Pacitti Company, occupe tout le mois les théâtres les plus prestigieux de Londres : le Barbican, le National Theatre, le Soho Theatre, le Southbank Centre, Laban, Greenwich Dance Agency, sans oublier Shunt’s Vaults (une série de vastes espaces souterrains situés à l’intérieur de la station de métro London Bridge et prêtés par la mairie au collectif interdisciplinaire Shunt, un endroit underground semi-bar, semi-art club où, tous les samedi soirs, viennent s’encanailler les banquiers de la City).

Programmation coup de poing
Bref, rien n’est assez beau pour une programmation résolument coup de poing. Qui fait la part belle aux grands noms de la scène internationale : le chorégraphe flamand Jan Fabre, le metteur en scène italien Romeo Castellucci et sa Societas Rafaelleo Sanzio, la compagnie de théâtre expérimental anglaise Forced Entertainment ou encore Gob Squad, la compagnie internationale basée à Berlin. Mais qui a aussi l’audace de proposer des artistes moins connus, plus jeunes et peut-être plus novateurs : parmi eux, Rajni Shah, Mem Morrison ou encore Robin Deacon.

Et pourtant, quand Robert Pacitti, directeur artistique de la compagnie de théâtre et de danse du même nom décide d’organiser ce festival pour la première fois en 2007, rien ne laissait présager d’un succès si éclatant. Lassé de devoir se produire en périphérie d’une capitale avide de comédies musicales et de grosses productions hyper formatées, Robert Pacitti décide de créer son propre festival, avec les artistes qu’il aime et qu’il veut défendre, sans oublier de programmer ses spectacles. Une stratégie qui paie : dès la saison 2007, les salles affichent complets et la couverture médiatique de cet événement sans précédent à Londres n’a pas démenti.

Au programme donc de cette nouvelle édition, « That Night Follows Day » (les 7 et 8 avril au Southbank Centre, monté au festival d’Automne à Paris en 2007), le très bon spectacle de Tim Etchells le directeur artistique de Forced Entertainment, en collaboration avec Victoria, la compagnie flamande composée uniquement d’enfants, met en scène 16 enfants âgés de 8 à 14 ans. Le dispositif est simple : les jeunes acteurs sont disposés selon une seule ligne, en avant-scène, et ils s’adressent au public (composé essentiellement d’adultes) directement, usant toujours de la même construction syntaxique : « You [verbe] us. » Du type : « You feed us. You wash us. You dress us. » Le texte a été écrit par Tim Etchells, un adulte donc, en anglais, et ce texte est désormais pris en charge par des enfants en néerlandais (surtitré en anglais). Un intéressant retournement de perspectives, car si le spectacle se propose de mettre en premier plan des enfants, qui, par la même occasion, se plaignent de n’être pas assez écoutés (« You tell us to shut up. You tell us no. »), ce sont des mots et des pensées d’adultes qu’ils communiquent et qui s’attachent essentiellement à critiquer nos préjugés et idées préconçues sur le monde de l’enfance, et qui n’est rien d’autre qu’une construction mentale, une catégorie de pensée, après tout.

La porcelaine, acteur fragile...
« The Porcelaine Project », un spectacle semi-installation, semi-chorégraphie, de Grace Ellen Barkey et de la compagnie belge NeedCompany, en collaboration avec le plasticien Lot Lemm, était programmé au Barbican les 14 et 15 avril. Malheureusement, malgré une idée originale séduisante (la cohabitation sur le plateau d’objets en porcelaine disséminés çà et là et de danseurs mi-oiseaux, mi-clowns), l’alchimie n’opère pas. A aucun moment une réelle interaction entre les éléments plastiques et chorégraphiques du spectacle n’est proposée : les danseurs se contentent de déambuler sur le plateau, soucieux de ne surtout pas malmener la fragile marchandise. Quand un des acteurs brise un objet, oh surprise ! Il se passe quelque chose de vivant sur le plateau… mais il s’agit davantage d’un accident heureux que d’une véritable ligne artistique. Tout est sujet à l’ennui dans ce spectacle ; des thèmes éculés (le désir, le sexe) traités selon des agencements déjà vus et sans grande liberté de mouvement ni réel imaginaire. Les moments signalés comme « comiques » sont hélas dépourvus de toute inventivité ; entrer sur scène, muni d’un pot de lait en guise de nez et offrir un sourire béat au public est hélas insuffisant pour faire entrer dans un univers inconsistant qui hésite encore entre la dimension poétique et les potentialités burlesques d’un matériau pourtant intéressant.

Concours de masturbation
« Orgy of Tolerance » de Jan Fabre (les Belges sont décidément à l’honneur de cette édition), se donnait au Southbank Centre les 15 et 16 avril. Fidèle à sa réputation d’iconoclaste et de provocateur invétéré, Jan Fabre propose un spectacle un peu fourre-tout et parfois à la limite de clichés politiques démagogiques. L’énergie du spectacle, son humour, le talent multidisciplinaire des performers : tout est là. Cependant, sous prétexte de critiquer le règne du politiquement correct et de l’idéologie bien-pensante du capitalisme occidental, le spectacle verse parfois dans les poncifs de l’art de la performance : mettre en scène un concours de masturbation de 20 minutes, dire « Fuck you » au public de 1001 façons, faire se rencontrer un Jésus-Christ rock’n’roll portant croix et Ray-ban et une femme nue imitant un chien, etc. Ces images ne servent aucun propos clair et ne semblent là que dans le but d’appâter et de choquer le bourgeois. Sauf que le spectateur en a vu d’autres. Un cru Jan Fabre première époque donc, encore efficace, mais déjà un peu passé.

chloé déchery 

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