Richard Maxwell/The N.Y.C Players
"The end of reality", Théâtre les Tanneurs, dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts, 15,16 et 18/05 à 20h30, le 17 à18h00
http://www.nycplayers.org/
"The end of reality" du new-yorkais Richard Maxwell à Bruxelles au Kunstenfestivaldesarts. © DR
< 16'05'07 >
Richard Maxwell, la scène sous surveillance
« The end of reality » de Richard Maxwell et sa compagnie les N.Y.C Players donne d’emblée le ton d’un art vissé au réel, le propos qui sied au FKDA, le KunstenFestivalDesArts (FKDA), dont la douzième édition mixe à son habitude spectacles, installations et projections, du 4 au 26 mai. Le huis-clos du metteur en scène new-yorkais se joue dans un bureau de surveillance au cœur de Manhattan et brosse un tableau incisif des relations sociales quotidiennes de la vie américaine contemporaine. Les protagonistes se rencontrent et dialoguent dans un décor minimaliste, une table, deux chaises, un téléphone. Un grand écran de surveillance est là qui rappelle que l’extérieur est potentiellement dangereux et doit être surveillé.
Un quotidien banal d’agents de sécurité, homme et femme, qui discutent cinéma, body building, ou religion, dont émergent des portraits bruts. Chacun fait tomber son masque social pour dévoiler sa vie privée, ses peurs, ses doutes, ses rêves. Ce dévoilement progressif des personnages est assuré par un jeu d’acteur débarrassé de toute psychologie, de toute incarnation. Au cours des répétitions, Richard Maxwell mène avec ses comédiens un parcours qui doit leur permettre de désapprendre certains schémas attendus et redevenir une personne (et non plus un interprète). Cet anti-théâtralisme prononcé génère une esthétique singulière dans laquelle les acteurs dépouillés de leur masque sont à nus, et par conséquent semblent sur le plateau plus vulnérables et authentiques. Point de sophistication ni de virtuosité ici. Tout est fait pour que le spectateur n’oublie pas qu’il doit se tenir à distance de ce qui se déroule sous ses yeux, qu’il ne doit pas perdre conscience de l’artificiel. Il est en permanence rappelé à l’ordre, soit par les regards appuyés que jettent les acteurs au public en entrant sur scène, soit par l’intrusion de scènes de bagarres drôlissimes mêlant chiqué outrancier du catch et kitsch des films de kung-fu. Ces scènes grotesques alternent avec un hyperréalisme révélant la poésie du quotidien, tendre ou tragique.
Les dialogues, écrits au long des répétitions, captent les schémas de langage les plus quotidiens, la prose lyrique et la langue de rue. La vraie violence se révèle alors non plus dans les perturbations venues de l’extérieur (prise d’otage, bagarres) mais dans les paroles échangées, la solitude de l’un, le fanatisme religieux de l’autre ; et dans l’omniprésence de ces mots dans toutes les bouches : peur, contrôle, image, Dieu, mérite, travail. Façon de témoigner de l’intégration du concept et des pratiques de la surveillance dans une société méfiante, crispée, morte de trouille. Et le vertige finit par nous gagner, nous qui surveillons ces surveillants qui nous surveillent pour notre bien. Qui sont les intégristes ? Ceux de l’extérieur ou ceux qui sont censés surveiller ? D’où vient le danger ? Y en a-t-il un d’ailleurs ? Vrai ou faux ? Authentique ou artificiel ? Troublante expérience qui mèle intimité et voyeurisme.
(à Bruxelles)
stéphanie cléau 

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